Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mai 2015 et le 9 juillet 2015, le préfet du Nord, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 mars 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Lille ;
Il soutient que :
- la circonstance qu'une première mesure d'éloignement n'a pu être exécutée ne s'oppose pas à un placement en rétention de l'intéressé ;
- les autres moyens soulevés par M. F...devant le tribunal administratif n'étaient pas fondés.
La requête a été communiquée à M. F...qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord d'association du 22 avril 2002 entre l'Algérie et l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vinot, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public ;
1. Considérant que M.F..., ressortissant algérien, né le 27 juin 1983, qui est entré irrégulièrement en France au mois de septembre 2014, a été interpellé et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai prononcée par le préfet du Nord le 9 décembre 2014, assortie d'un placement en rétention ; que le recours contentieux introduit par l'intéressé a été rejeté par un jugement du 13 décembre 2014, devenu définitif, du tribunal administratif de Lille ; que le préfet a dû mettre un terme à la rétention de M. F...faute d'avoir pu obtenir en temps utile des autorités consulaires algériennes le laissez-passer nécessaire à l'exécution de la mesure d'éloignement ; que, par la présente requête, le préfet du Nord relève appel du jugement du 4 mars 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 février 2015 ordonnant le placement de M. F... en rétention administrative ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger (...) 8° Ayant fait l'objet d'une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention (...)" ;
3. Considérant que la circonstance que le préfet du Nord avait dû mettre un terme au précédent placement de M. F...en rétention faute d'avoir pu obtenir en temps utile des autorités algériennes un laissez-passer nécessaire à l'exécution de la mesure d'éloignement prononcée le 9 décembre 2014, n'est pas à elle seule de nature à démontrer, d'une part, qu'il n'existait, à la date de l'arrêté du 26 février 2015, aucune perspective raisonnable d'éloignement que la Cour de justice de l'Union européenne définit comme étant celle qui peut être réalisée dans le délai maximum de rétention (CJUE, 30 novembre 2009, Kadzoev, C-35-09) et, d'autre part, que les autorités consulaires algériennes s'opposeraient systématiquement, notamment en présence d'un de leur ressortissant tentant de faire obstacle à son éloignement, à l'application de l'article 84 de l'accord d'association susvisé signé entre l'Algérie et l'Union européenne ; que, par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif son arrêté du 26 février 2015 ;
4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...devant le tribunal administratif ;
5. Considérant que par un arrêté du 29 septembre 2014, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture n° 278 du mois de septembre 2014, le préfet du Nord a donné délégation à M. D...E..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment, en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du secrétaire général et du secrétaire général adjoint ainsi que de M. H...C..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions de placement en rétention administrative ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que les autorités administratives concernées n'étaient pas absentes ou empêchées à la date de l'arrêté ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque dès lors en fait ;
6. Considérant que l'arrêté du 26 février 2015 comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il est dès lors suffisamment motivé ;
7. Considérant que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 9 décembre 2014 ne peut qu'être écarté dès lors que le recours dirigé contre cette mesure d'éloignement a été rejeté par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Lille en date du 13 décembre 2014 ;
8. Considérant que les termes du paragraphe 2 de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, selon lesquels les Etats membres prévoient, en cas de placement en rétention décidé par des autorités administratives, " qu'un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention ", n'impliquent pas que le recours formé contre la mesure de rétention doive présenter un caractère suspensif ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ; qu'il ressort des dispositions du paragraphe III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a organisé une procédure spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence, ainsi que sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d'assignation à résidence elles-mêmes ; que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue alors au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine ; que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions distinctes qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'en vertu de la directive du 16 décembre 2008, le placement en rétention n'est possible que si l'assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de la directive que, d'une part, le placement en rétention peut trouver à s'appliquer notamment s'il existe un risque de fuite ou si l'étranger empêche la réalisation de la mesure d'éloignement et que, d'autre part, l'assignation à résidence ne doit être privilégiée que dans des cas particuliers et à condition que cette mesure puisse être appliquée efficacement ; qu'il résulte du II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la rétention administrative de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français n'est possible que s'il s'est soustrait à cette obligation ou s'il existe des éléments objectifs qui, sauf circonstances particulières, permettent à l'autorité administrative de regarder comme établi le risque qu'il s'y soustraie ; que les cas particuliers justifiant que soit prononcé un placement en rétention administrative prévus à l'article 15 de la directive précitée sont définis à l'article L. 561-2 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, l'autorité administrative est tenue d'effectuer, sous le contrôle du juge, un examen de la situation de chaque étranger afin notamment d'examiner si les conditions légales permettant le placement en rétention sont réunies et si l'étranger bénéficie de garanties de représentation effectives ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008 et ne méconnaissent pas l'exigence de proportionnalité rappelée par le 4 de l'article 8 de cette directive ainsi que son seizième considérant ; que le moyen tiré de telles incompatibilités doit, par suite, être écarté ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...est dépourvu de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; que s'il a indiqué, lors de son audition par les services de police, vivre en concubinage avec une ressortissante française chez laquelle il serait hébergé au 2 rue de Bourgogne à Lille, il n'établit ni la réalité ni en tout état de cause la stabilité de la relation maritale dont il se prévaut ; que l'intéressé, qui s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement, a également essayé de dissimuler sa véritable identité en se faisant passer pour un ressortissant marocain ; qu'enfin il a fait l'objet, le 26 avril 2012, d'une condamnation à trois mois d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel de Lille pour pénétration non autorisée sur le territoire français après interdiction et infraction à la législation sur les stupéfiants ; que, dans ces conditions, M. F...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une erreur d'appréciation en estimant nécessaire de le placer en rétention administrative pour une durée de cinq jours ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
12. Considérant enfin que si M. F...prétend qu'il devait subir une intervention chirurgicale le 4 mars 2015 pour un problème nasal, il ne produit aucune justification de nature à établir la réalité de cette allégation dont il n'avait au demeurant nullement fait état lors de son audition du 25 février 2015 dans le cadre de la procédure de retenue prévue à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 février 2015 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille en date du 4 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...F....
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. François Vinot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : F. VINOTLe président de la chambre,
Signé : M. G...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA00802