Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine, née le 24 juillet 1997, est entrée en France le 10 septembre 2015 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " étudiant " valable du 1er septembre 2015 au 1er septembre 2016. Elle a ensuite obtenu une carte de séjour temporaire pluriannuelle portant la mention " étudiant " du 15 octobre 2016 au 14 octobre 2018. Elle relève appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Sur la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :
2. Mme C... réitère devant la cour le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour sans toutefois apporter, en cause d'appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.
3. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Aux termes de l'article L. 313-18 du même code : " La carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de quatre ans, sauf lorsqu'elle est délivrée : / 1° A l'étranger mentionné à l'article L. 313-7. Dans ce cas, sa durée est égale à celle restant à courir du cycle d'études dans lequel est inscrit l'étudiant, sous réserve du caractère réel et sérieux des études, apprécié au regard des éléments produits par les établissements de formation et par l'intéressé. Un redoublement par cycle d'études ne remet pas en cause, par lui-même, le caractère sérieux des études (...) ". Il appartient au préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour délivré sur le fondement de ces dispositions, de s'assurer du caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressé.
4. En l'espèce, Mme C... s'est inscrite au titre de l'année universitaire 2015/2016 en première année de diplôme universitaire de technologie (DUT) Chimie à l'université de Lille, à l'issue de laquelle elle a été ajournée avec 4,96 de moyenne générale sur 20. Elle s'est ensuite inscrite au titre de l'année universitaire 2016/2017 en première année de licence " sciences technologie santé " dans cette même université et a été ajournée avec une moyenne générale de 3,92 sur 20. Au titre de l'année universitaire 2017/2018, elle s'est inscrite en diplôme d'études scientifiques et techniques (DEUST) " santé environnement " mais a également été ajournée avec une moyenne de 6,99 sur 20. L'année suivante, elle a de nouveau été ajournée avec une moyenne de 9,42 sur 20. A la date de l'arrêté litigieux, Mme C... n'avait obtenu aucun diplôme en quatre années universitaires, en dépit de plusieurs réorientations. Si elle soutient que ses échecs résulteraient notamment de l'assassinat de son père survenu le 19 novembre 2018, il ressort des pièces du dossier que ses difficultés sont antérieures à ce décès. Par suite, en estimant que Mme C... ne justifiait pas du caractère sérieux de ses études, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 313-7 et 313-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6.Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont, par elles-mêmes, sans incidence sur l'appréciation par l'administration de la réalité et du sérieux des études poursuivies par un étranger lors de l'instruction d'une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour en qualité d'étudiant. Le préfet du Nord a, toutefois, examiné la situation de Mme C... au regard de sa vie privée et familiale.
7. Entrée en France le 10 septembre 2015, Mme C... est célibataire et sans charge de famille. Si elle soutient qu'elle a tissé des relations amicales en France, où vit un de ses frères et qu'elle travaille à temps partiel dans une entreprise de restauration rapide, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'elle aurait déplacé, en France, le centre de ses intérêts privés alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, où réside notamment sa mère et où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. En outre, elle ne démontre pas qu'elle ne pourrait poursuivre ses études dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'a ni méconnu le droit au respect de la vie privée familiale de l'intéressée, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. Mme C... réitère devant la cour le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendue, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 13 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
11. Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4 (...) / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / (...) ". Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas / (...) ".
12. D'une part, en réservant l'hypothèse de circonstances particulières, le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a entendu garantir un examen de chaque situation individuelle au cas par cas et ne peut dès lors être regardé comme méconnaissant les dispositions de l'article 7 de la directive, qu'il a eu pour objet de transposer. D'autre part, ces dernières dispositions législatives laissent, de façon générale, un délai de trente jours pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Un tel délai s'entend comme une période minimale de trente jours telle que prévue par l'article 7 de la directive à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire. Les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient expressément que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers, dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive. Dans ces conditions, les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008.
13. Si Mme C... soutient que la décision du préfet du Nord de lui accorder un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle n'apporte aucune précision quant aux circonstances qui justifieraient, selon elle, qu'un délai supérieur lui soit accordé à titre exceptionnel, ni ne précise d'ailleurs quel délai aurait dû lui être accordé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D... B....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
N°20DA01635 5