Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, M. A..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :
1°) d'admettre M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros au profit de Me Lepeuc, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 30 janvier 1985, s'est vu notifier, alors qu'il avait fait l'objet d'une procédure de vérification de son droit de circuler ou de séjourner en France à l'atterrissage de son vol à Beauvais en provenance de Roumanie, un arrêté, en date du 28 octobre 2015, du préfet de l'Oise l'ayant obligé à quitter le territoire français, confirmé par un jugement du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Lille. Le 24 décembre 2018, il a reconnu de manière anticipée l'enfant issu de sa relation avec Mme B..., ressortissante française, Youssouf A... né le 30 août 2019 à Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Par un jugement du tribunal correctionnel de Rouen, en date du 18 mars 2019, l'intéressé a été condamné à une peine correctionnelle de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de menaces de mort et violences aggravées commis entre les 7 et 9 février 2019, au préjudice de Mme B.... Par un jugement du même tribunal correctionnel, en date du 22 mars 2019, M. A... a de nouveau été condamné, avec mandat de dépôt, pour des faits de violences conjugales commises avec une arme à l'encontre d'une femme enceinte, au préjudice de Mme B..., la peine ayant été portée à dix-huit mois d'emprisonnement par un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rouen, en date du 24 juillet 2019. Par une décision du 14 février 2020, le préfet de la Seine-Maritime a déclaré irrecevable la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que l'intéressé n'avait pas acquitté le droit de visa de régularisation prévu par le 1 du D de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en conséquence, a refusé d'instruire cette demande. Par un arrêté du 19 février 2020, le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement forcé et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler ces dernières décisions. Par un jugement du 20 avril 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a renvoyé les conclusions de M. A... dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour devant une formation collégiale et a rejeté le surplus de ces demandes. Par un jugement du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant d'instruire la demande de titre de séjour présentée par M. A.... M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 20 avril 2020, en tant qu'il a rejeté le surplus de ces demandes.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été auditionné, à la maison d'arrêt de Rouen, par les services de police le 6 juin 2019 dans le cadre d'une procédure de vérification du droit de circuler ou de séjourner sur le territoire national et a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour, la perspective de son éloignement et interrogé sur les éventuels éléments relatifs à sa situation personnelle qu'il souhaitait porter à la connaissance de l'autorité préfectorale. En outre, si M. A... fait valoir qu'à cette date il n'était pas encore parent d'enfant français, il ressort des pièces du dossier qu'il a déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français de sorte que, nonobstant l'irrecevabilité qui lui a été opposée, il a pu faire valoir cette circonstance auprès de l'autorité préfectorale. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne énoncé notamment à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
3. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité de la décision de refus d'instruire sa demande de titre de séjour qui lui a été opposée le 14 février 2020 pour soutenir que la décision d'éloignement serait privée de base légale alors qu'il ressort des motifs de cette décision qu'elle a été prise sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant à l'autorité administrative d'obliger à quitter le territoire français l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant.
4. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime a repris l'ensemble des circonstances de droit et de fait relatives à la situation personnelle et administrative de l'intéressé justifiant la mesure d'éloignement prononcée. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que sa situation n'aurait pas fait l'objet d'un examen approfondi. Ce moyen doit également être écarté.
5. En quatrième lieu, le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".
6. En l'espèce, M. A... qui était incarcéré à la naissance de son enfant, de nationalité française, n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de ce dernier depuis sa naissance alors qu'il ne justifie que du versement d'une somme de 120 euros à la mère de son enfant, Mme B..., l'identité du bénéficiaire des autres versements allégués n'étant pas établie. Par ailleurs, s'il justifie de factures d'achats de vêtements ou de frais pharmaceutiques pour enfant, elles ne sont pas nominatives alors qu'au demeurant, certaines de ces dépenses ont été engagées pendant la période d'incarcération de M. A.... C'est donc sans méconnaître les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de la Seine-Maritime a prononcé une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A....
7. En cinquième lieu, si M. A... se prévaut de ce qu'il est père d'un enfant français né en décembre 2019, il résulte de ce qui précède qu'il n'établit pas contribuer à l'entretien et l'éducation de celui-ci. En outre, M. A... a été condamné à deux reprises, en 2019, à des peines d'emprisonnement pour des faits de menaces de mort et violences aggravées puis de violences conjugales commises avec une arme à l'encontre d'une femme enceinte, au préjudice de la mère de son fils, Mme B.... Par ailleurs, il ne justifie pas d'une réelle insertion socioprofessionnelle sur le territoire français. Il s'ensuit que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée, eu égard aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de l'article 3-1 de convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés.
Sur la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui précède que la décision d'éloignement n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de départ volontaire est privée de base légale.
9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 28 octobre 2015. Surtout, M. A... a fait l'objet de deux condamnations pénales à des peines d'emprisonnement en 2019 pour des faits de violences aggravées sur sa compagne, mère de son enfant. Dans ces conditions, le préfet, qui ne s'est pas cru en situation de compétence liée, a pu sans méconnaître les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans erreur manifeste d'appréciation, refuser d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A....
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 2 à 7 du présent arrêt que la décision d'éloignement n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime a repris l'ensemble des circonstances de droit et de fait relatives à la situation personnelle et administrative de l'intéressé justifiant la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté.
12. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 2 à 7 du présent arrêt que la décision d'éloignement n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction sur le territoire français est privée de base légale.
13. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... réside sur le territoire français depuis 2015, il s'est déjà soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement. En outre, il a été définitivement condamné à deux reprises pour des faits de violences aggravées sur sa compagne et mère de son enfant, en 2019, tous deux de nationalité française, la seconde condamnation ayant consisté en une peine d'emprisonnement ferme, aggravée en appel. Il s'ensuit que le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en interdisant M. A... de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
15. Pour les mêmes raisons et alors que, ainsi qu'il a été énoncé précédemment, M. A... ne justifie pas contribuer régulièrement à l'entretien et l'éducation de son enfant depuis sa naissance, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 19 février 2020. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Marie Lepeuc.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°20DA01308