Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Emilie Dewaele, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au profit de Me Dewaele, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Khater, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant malien qui déclare être né le 19 juin 2001 à Fanga (Mali) et être entré en France le 14 juillet 2017, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, d'abord par ordonnance du 23 novembre 2017 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rodez puis par le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Lille le 1er février 2018, jusqu'à sa majorité. Il a ensuite bénéficié d'une prise en charge dans le cadre du dispositif " accueil provisoire jeune majeur " jusqu'au 19 octobre 2019. Le 13 mars 2019, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juillet 2019, le préfet du Nord lui a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement du 10 août 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer ce titre de séjour ou subsidiairement de réexaminer sa situation.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée et a été prise sans un examen sérieux de sa situation personnelle, ces moyens qui ne sont assortis d'aucune précision nouvelle en appel, ont été écartés à bon droit par le tribunal au point 3 du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. "
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. En l'espèce, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A..., le préfet du Nord a opposé le caractère apocryphe du document d'état civil présenté par l'intéressé à l'appui de sa demande de titre de séjour, un acte de naissance dressé le 30 juin 2001. A cet égard, le préfet s'est fondé sur les analyses réalisées par la police aux frontières le 17 mai 2019, que cet acte de naissance qui n'a commencé à être utilisé qu'à partir de 2010, que le tampon du maire est contrefait et que la devise du pays est retranscrite de manière erronée. Pour remettre en cause l'appréciation ainsi portée par le préfet au regard de ces éléments, M. A... soutient d'abord que le préfet du Nord ne démontre pas avoir procédé à des vérifications auprès des autorités maliennes avant de se prononcer sur l'authenticité d'un acte d'état civil délivré par ces autorités. Or, si les dispositions de l'article 47 du code civil imposent à l'autorité administrative, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil, de procéder à toutes vérifications utiles, elles ne lui imposent pas, en revanche, de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque, comme en l'espèce, l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont l'administration dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Pour démontrer la réalité de la date de naissance portée sur ce document, soit le 19 juin 2011, M. A... produit la carte consulaire qui lui a été délivrée le 3 juillet 2018 par les autorités consulaires maliennes en France et le passeport qui lui a été délivré le 12 novembre 2018 par ces mêmes autorités. Toutefois, ces deux documents doivent être regardés, en l'absence de tout élément permettant d'établir le contraire, comme ayant été délivrés sur la base de l'acte de naissance contrefait du 30 juin 2001. Si M. A... se prévaut aussi d'un extrait d'acte de naissance en date du 23 juillet 2019 accompagné d'un jugement supplétif d'acte de naissance du 15 juillet 2019, la valeur probante de ces documents dressés postérieurement à l'arrêté attaqué n'est pas établie. Enfin, si M. A... se prévaut du jugement du 1er février 2018 par lequel le juge des enfants a ordonné son placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, il ne ressort pas de ce jugement que la question de la minorité de l'intéressé aurait été discutée de sorte que cette décision ne saurait suffire à établir que M. A... était effectivement mineur au moment de son placement à l'aide sociale à l'enfance.
6. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles de l'article 47 du code civil ou l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 susvisé que le préfet du Nord a pu se fonder sur le caractère apocryphe des documents produits par M. A... pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. "
8. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire " présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 du présent arrêt que M. A... ne démontre pas avoir été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans. Ainsi, M. A..., qui ne saurait, par suite, utilement se prévaloir de son insertion socio-professionnelle, n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a déclaré être entré en France le 14 juillet 2017, est entré irrégulièrement sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Il ne fait état d'aucune attache familiale sur le territoire français et n'établit pas y avoir tissé des liens amicaux d'une particulière intensité. En outre, le contrat d'apprentissage conclu le 21 décembre 2018 en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle en qualité de boucher, qui devait prendre fin le 31 août 2020, a été interrompu avant son terme et la circonstance qu'il a travaillé pendant deux mois dans le secteur du bâtiment en mai et juin 2019 ne saurait suffire à démontrer une insertion suffisante dans la société française à la date de l'arrêté attaqué alors que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il ne serait pas isolé en cas de retour au Mali où sa mère réside. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en lui refusant un titre de séjour, n'a pas porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 2 à 10 du présent arrêt que la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale.
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision d'éloignement n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi sont privées de base légale.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 4 juillet 2019. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et Me Emilie Dewaele.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
5
N°20DA01921