Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par M. C....
Il soutient que c'est à bon droit qu'il a refusé de renouveler le récépissé demandé et de délivrer le titre de séjour sollicité dès lors que l'analyse effectuée par la cellule fraude documentaire de la police aux frontières a permis de démontrer que les actes d'état civil produits par M. C... étaient falsifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020, M. C..., représenté par Me A... B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui déclare être ressortissant de République démocratique du Congo, né le 6 février 2000 à Kinshasa et être entré sur le territoire français en 2010, a été confié à l'aide sociale à l'enfance à compter du 24 mai 2013, dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative judiciairement ordonnée. Le 12 février 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a bénéficié d'un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 12 août 2018 renouvelé jusqu'au 12 novembre 2018. A cette échéance, il s'est présenté en préfecture afin d'obtenir le renouvellement de son récépissé de demande de titre de séjour, qui lui a été refusé. Par un jugement n° 1900230 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions de refus de renouvellement de son récépissé de demande de titre de séjour et de refus de séjour et a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. En exécution de ce jugement, M. C... s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an jusqu'au 18 décembre 2020. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement du 17 décembre 2019, estimant avoir à juste titre écarté les documents d'état civil produits par l'intéressé au regard de leur apparence apocryphe confirmée par l'analyse de la cellule fraude documentaire de la police aux frontières.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour (...) est tenu de se présenter (...) à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...) ". Aux termes de l'article R. 311-4 de ce code : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité ". Aux termes de l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Enfin, l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. En l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, il est constant que le 12 novembre 2018, M. C... s'est présenté en préfecture pour voir renouveler son récépissé de demande de titre de séjour, en produisant, pour justifier de son état civil et de sa nationalité, d'abord en copie puis en original, un acte de naissance n° 926, un certificat de non-appel n° 555/2018, un acte de naissance n° 2367 et un acte de signification d'un jugement supplétif RCG 2.032/XXIII. M. C... s'est alors vu opposer un refus de renouvellement de son récépissé de demande de titre de séjour et un refus implicite de délivrance du titre de séjour sollicité le 12 février 2018, au motif du caractère apocryphe des documents produits pour justifier de son état civil et de sa nationalité. Les conclusions de la cellule fraude documentaire de la police aux frontières, en date du 6 mai 2019, dont le préfet de la Seine-Maritime a produit, pour la première fois en appel, l'intégralité des rapports, confirment le défaut d'authenticité de ces documents au regard de leur absence de légalisation et des incohérences manifestes dans leur rédaction. La production par M. C... d'une copie d'un passeport, prétendument délivré par les autorités consulaires de la République démocratique du Congo le 14 septembre 2019, peu lisible et présentant des lignes effacées ou se chevauchant et dont l'authenticité n'est pas davantage établie, ne permet pas de pallier l'insuffisance des documents produits au soutien de la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé. Il s'ensuit que, pour le seul motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Seine-Maritime pouvait refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. C... et, par voie de conséquence, de renouveler son récépissé de demande de titre de séjour.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions refusant la délivrance d'un récépissé et d'un titre de séjour à M. C....
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur la légalité des décisions litigieuses :
7. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 2 à 4 du présent arrêt, que la préfète de la Seine-Maritime pouvait, pour le seul motif tiré de l'absence de production par M. C... de documents justifiant de son état civil et de sa nationalité requise par les dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer irrecevable la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé et, en conséquence, la rejeter. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'un vice de procédure, méconnaîtrait les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 7° de l'article L. 313-11 et de L. 313-14 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent qu'être écartés comme étant inopérants.
8. M. C... ne peut davantage utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision portant refus de renouvellement du récépissé de demande de titre de séjour, des moyens tirés de l'incompétence de l'auteur du refus, de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et de l'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la préfète de la Seine-Maritime, en refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, était tenue de refuser le renouvellement de ce récépissé.
9. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen ou devant la cour n'est fondé. Par voie de conséquence, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à demander l'annulation du jugement n° 1900230 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Rouen ainsi que le rejet de la demande de première instance de M. C.... Les conclusions présentées en appel par M. C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900230 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions d'appel sont rejetées.
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N°20DA00078