Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, Mme A... C..., représentée par Me E... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à son avocat au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité marocaine née le 28 décembre 1975, entrée en France le 12 septembre 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, a épousé le 8 juillet 2016 un ressortissant français, M. A... C... et a obtenu en sa qualité de conjoint de français, un titre de séjour valable du 24 mars 2017 au 23 mars 2018. Elle a sollicité, le 22 février 2018, un changement de statut en raison de la cessation de la communauté de vie avec son époux le 24 avril 2017 et demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Elle relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2018 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Sur le refus de titre de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l''article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " Pour exercer une activité professionnelle en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur. " Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative et que la demande d'autorisation de travail d'un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur.
4. Si Mme A... C... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour des contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel et à durée indéterminée à temps partiel, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses employeurs aient transmis au préfet une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger. Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'elle était précédemment en possession d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français qui l'autorisait à exercer un emploi en France ne dispensait pas ses employeurs d'une telle saisine en raison de l'expiration de la validité du titre de séjour le 23 mars 2018. Par suite, Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime aurait dû transmettre les contrats de travail fournis à l'appui de sa demande de titre de séjour à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). En conséquence, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
5. Mme A... C... n'ayant pas présenté de contrat de travail visé, la préfète de la Seine-Maritime a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain.
6. Aux termes de l'article L. 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. Mme A... C... fait valoir qu'elle réside en France depuis le 12 septembre 2014, que ses frères et soeurs y vivent, qu'elle est toujours mariée avec un ressortissant français bien qu'étant séparée de celui-ci, et qu'elle dispose de trois contrats de travail à temps partiel en qualité d'agent de service. Cependant, l'intéressée est sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Par ailleurs, l'insertion professionnelle dont se prévaut la requérante en qualité d'agent de service au sein de plusieurs sociétés de nettoyage est récente. Enfin, la requérante, qui n'allègue au demeurant pas qu'une procédure de divorce serait en cours devant le juge aux affaires familiales, n'établit pas être dans l'incapacité d'être ponctuellement présente sous couvert d'un visa de court séjour ou d'être représentée devant cette juridiction pour y faire valoir ses arguments le cas échéant. Dans ces conditions, la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît ainsi pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
9. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la préfète de la Seine-Maritime a procédé à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle et familiale de Mme A... C....
10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de Mme A... C... doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que la décision refusant un titre de séjour à Mme A... C... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
12. Mme A... C... a sollicité son admission au séjour. Elle a ainsi été mise à même de faire valoir avant l'intervention de l'arrêté en litige tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Elle n'est par suite, pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de son droit d'être entendue, conformément au principe général du droit de l'Union européenne énoncé notamment à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de Mme A... C... doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA00607