2°) d'annuler la décision du 26 mars 2018 par laquelle le préfet de l'Eure l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction des requêtes :
1. Les requêtes susvisées n° 18DA02503-18DA02514-18DA02515-18DA02516-18DA02517 sont relatives à la situation d'une famille de ressortissants étrangers et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. M. F...D..., son épouse Mme C...E..., et leurs enfants Mme B... E..., M. A...D...et Mme G...E..., ressortissants géorgiens, sont entrés en France le 10 avril 2017, selon leurs déclarations. Ils interjettent appel des jugements du 16 août 2018 par lesquels le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 26 mars 2018 du préfet de l'Eure, prises sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles portent obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées :
3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; ". Aux termes de l'article L. 723-15 du même code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris lorsque le demandeur avait explicitement retiré sa demande antérieure, lorsque l'office a pris une décision définitive de clôture en application de l'article L. 723-13 ou lorsque le demandeur a quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine ". Enfin, aux termes de l'article R. 723-15 du même code : " Lorsque dans les cas et conditions prévues à l'article L. 723-15, la personne intéressée entend présenter une demande de réexamen, elle doit procéder à une nouvelle demande d'enregistrement auprès du préfet compétent ".
4. Ces dispositions permettent à la personne qui, invoquant des éléments nouveaux, présente une première demande de réexamen de sa demande asile, de se maintenir sur le territoire national jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à la condition toutefois que l'intéressé se soit présenté au service compétent pour enregistrer sa demande visant à se voir reconnaître la qualité de réfugié et se voir remettre une attestation de demande d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier, que M. F...D..., Mme C...E..., Mme B...E..., M. A...D...et Mme G...E...se sont vu refuser la qualité de réfugié par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 septembre 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 31 janvier 2018. Les requérants produisent, pour la première fois en cause d'appel, une convocation datée du 15 mars 2018 remise par France Terre d'Asile, organisme auquel le préfet de l'Eure a confié le soin de se voir présenter les demandes d'asile dans ce département, afin qu'ils se présentent le 28 mars 2018 pour l'enregistrement de leur demande de réexamen de leur demande d'asile au guichet unique de Rouen. Ainsi, les intéressés doivent être regardés comme ayant formé leur demande de réexamen au plus tard le 15 mars 2018, date à laquelle le guichet unique était nécessairement avisé de leur intention de solliciter l'asile et avait en sa possession les principales informations les concernant. Il est constant que les 4° et 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient les exceptions au droit au maintien sur le territoire français, ne leur étaient pas applicables, dès lors qu'il s'agit d'une première demande de réexamen, et dont le caractère dilatoire n'est, au demeurant, ni allégué ni soutenu par le préfet de l'Eure. Par suite, en obligeant les requérants à quitter le territoire français alors qu'ils bénéficiaient du droit à s'y maintenir, le préfet de l'Eure a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que M. F...D..., Mme C...E..., Mme B...E..., M. A...D...et Mme G...E...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 16 août 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 26 mars 2018 les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les frais liés au litige :
7. M. F...D..., Mme C...E..., Mme B...E..., M. A... D... et Mme G...E...ont tous obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me David Boyle, avocat des requérants, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme globale de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements no 1801471-1801472-1801519-1801473-1801518 du tribunal administratif de Rouen du 16 août 2018 sont annulés.
Article 2 : Les décisions du 26 mars 2018 du préfet de l'Eure obligeant M. F...D..., Mme C...E..., Mme B...E..., M. A... D... et Mme G...E...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont annulées.
Article 3 : L'Etat versera à Me David Boyle la somme globale de 1 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...D..., à Mme C...E..., à Mme B...E..., à M. A...D..., à Mme G...E..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Eure et à Me David Boyle.
N°18DA02503,18DA02514,18DA02515,18DA02516,18DA02517 2