Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de première instance de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes, signée à Bamako le 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant malien, né le 27 décembre 1997, a déclaré être entré en France le 27 octobre 2014. Par une ordonnance du juge des enfants D... C..., il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime, en qualité de mineur puis, à compter du 16 mars 2015, par le service d'accompagnement personnalisé jeunes majeurs, dans le cadre d'un contrat jeune majeur. Le 24 février 2016, il a sollicité un titre de séjour [0]sur le fondement des dispositions du 2° bis et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des dispositions de l'article L. 313-14 du même code et s'est vu opposer un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 25 septembre 2017. Cet arrêté a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de C... le 22 mai 2018, et par la cour administrative d'appel de Douai le 11 décembre 2018. Le 16 octobre 2019, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de C... a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à sa charge la somme de 900 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Aux termes de cet article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1".
3. L'article L. 313-14 définit, pour les personnes qui ne satisfont pas aux conditions fixées par le code pour la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 ou portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 et qui sollicitent leur régularisation, un régime d'admission exceptionnelle au séjour en France.
4. L'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu'" un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnées au 2° de l'article L. 5221-2 ", c'est-à-dire " un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". L'article L. 5221-6 du même code précise que la délivrance d'un titre de séjour ouvre droit, dans les conditions fixées aux chapitres III à VI du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exercice d'une activité professionnelle salariée. Ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoit que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le cadre de ce régime d'admission exceptionnelle au séjour autorise, en elle-même, l'exercice d'une activité professionnelle sans qu'ait été obtenue au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail. Le dispositif de régularisation ainsi institué à l'article L. 313-14 ne peut donc être regardé comme dispensant d'obtenir cette autorisation avant que ne soit exercée l'activité professionnelle considérée.
5. Pour autant, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2. Il s'ensuit que, le préfet n'est pas tenu de saisir l'autorité administrative compétente afin que cette dernière accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire, l'autorisation de travail visée à l'article L. 5221-5 du code du travail. La demande d'autorisation de travail pourra, en tout état de cause, être présentée auprès de cette administration lorsque l'étranger disposera d'un récépissé de demande de titre de séjour ou même de la carte sollicitée.
6. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a jamais produit une autorisation de travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ni avant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, ni pendant l'instruction de sa demande et ne bénéficiait donc pas d'un avis favorable de cette direction préalablement à l'arrêté contesté, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que les dispositions précitées de l'article L. 313-14 n'exigent pas qu'une autorisation de travail soit obtenue préalablement à la demande d'admission exceptionnelle au séjour. Il suit de là qu'en rejetant la demande de M. A... au motif que le contrat qu'il présentait n'avait pas été visé conformément à l'article L. 5221-5 du code du travail, le préfet de la Seine-Maritime, qui ne peut davantage opposer la circonstance que l'intéressé n'était pas titulaire d'un visa long séjour, cette condition n'étant pas non plus exigée pour se voir attribuer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14, a entaché sa décision d'une erreur de droit. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont annulé, pour ce motif, son arrêté du 3 décembre 2020.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de C... a annulé l'arrêté du 3 décembre 2020 refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
8. M. A... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Prince renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leprince de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. A... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leprince renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Solenn Leprince.
N°21DA01335 2