Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, M. G..., représenté par Me D... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que la préfète n'a pas statué sur sa demande d'asile ;
- il n'est pas établi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des trois médecins ayant rendu l'avis ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il n'avait pas déposé de demande d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que la préfète n'a pas statué sur sa demande d'asile ;
- il n'est pas établi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des trois médecins ayant rendu l'avis ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'arrêté en litige n'avait pas à viser les articles L. 314-8 et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision en litige méconnaît le principe général du droit communautaire d'être entendu ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance du 8 février 2019 du président de la Cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... E..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., ressortissant nigérian né le 10 octobre 1979, interjette appel du jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements. Un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
4. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
6. La préfète de la Seine-Maritime qui était à même d'obtenir auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les éléments probants de nature à établir l'identité du médecin ayant établi le rapport médical, s'est abstenue de produire de tels éléments en réponse aux allégations du requérant formulées pour la première fois en appel. Dans ces conditions, il y a lieu de tenir pour établi le vice de procédure allégué. Ce vice de procédure ayant privé le requérant d'une garantie consistant en l'examen de sa situation médicale par un collège de trois médecins distincts du médecin instructeur à l'origine du rapport médical, M. G... est par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.
7. Les décisions du 12 février 2018 obligeant M. G... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Seine-Maritime délivre à M. G... un titre de séjour, mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
10. M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement à Me A... de la somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. G... et non compris dans les dépens, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1802575 du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 12 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder à un nouvel examen de la situation de M. G..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me A... la somme de 800 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me D... A....
Délibéré après l'audience publique du 8 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme F... E..., présidente de chambre,
- M. Julien Sorin, président-assesseur,
- Mme C... B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 22 octobre 2019.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : J. SORINLa présidente de chambre,
rapporteur
Signé : C. E...
La greffière,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Marie-Thérèse Lévèque
N°19DA00584 2