Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2016 et 5 décembre 2017, M. C..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 17 décembre 2015.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me A...D..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C...interjette appel du jugement du 7 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de X... , l'a astreint à se présenter trois fois par jour au commissariat de police de X... , tous les jours de la semaine y compris les jours fériés ou chômés, à demeurer tous les jours de 22 heures à 6 heures dans les locaux où il réside à X... et lui a fait interdiction de se déplacer en dehors de son lieu d'assignation sans avoir obtenu préalablement l'autorisation écrite du préfet du Nord.
Sur la régularité du jugement :
2. A supposer que M. C...entende soutenir devant la cour que les premiers juges n'ont pas fondé leur décision sur les mêmes motifs que ceux fondant l'arrêté du ministre de l'intérieur, cette critique, qui concerne le bien-fondé du jugement, n'est pas de nature à remettre en cause sa régularité. Le moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur :
3. En application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain, prorogé pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015, puis à compter du 26 février 2016 par l'article unique de la loi du 19 février 2016 et, à compter du 26 mai 2016 par l'article unique de la loi du 20 mai 2016. Aux termes de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 : " Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. (...) / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. / L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. (...) / L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille. / Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence : / 1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés (...) ". Il résulte de l'article 1er du décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015, modifié par le décret n° 2015-1478 du même jour, que les mesures d'assignation à résidence sont applicables à l'ensemble du territoire métropolitain à compter du 15 novembre à minuit.
4. Les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 autorisent le ministre de l'intérieur, tant que l'état d'urgence demeure en vigueur, à décider, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'assignation à résidence de toute personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence, dès lors que des raisons sérieuses donnent à penser que le comportement de cette personne constitue, compte tenu du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Tant la mesure d'assignation à résidence que sa durée, ses conditions d'application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans ces circonstances particulières. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article 14-1 de la loi du 3 avril 1955, de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit et d'apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l'existence de raisons sérieuses permettant de penser que le comportement de la personne assignée à résidence constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision contestée d'assignation à résidence sur le fondement de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les éléments contenus dans une " note blanche " des services de renseignement, versée au débat contradictoire. Aucune disposition législative, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les faits relatés par les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur, qui ont été versées aux débats et soumises aux échanges contradictoires, soient susceptibles d'être pris en considération par le juge administratif.
6. M. C...soutient que, contrairement à ce que relève le ministre de l'intérieur dans l'arrêté en litige, il n'a pas pu combattre dans les rangs de l'organisation terroriste Etat Islamique Daech, officiellement déclarée le 9 avril 2013, alors qu'il a quitté la Syrie définitivement le 8 janvier 2013 et non au début de l'année 2014. Il ne l'établit toutefois pas en produisant deux copies partielles de passeports syriens dont il est titulaire, l'un mentionnant une entrée en Syrie le 12 novembre 2013 et l'autre ayant été délivré le 21 novembre 2013. La seule mention manuscrite d'une délivrance de ce dernier passeport " en l'absence du titulaire " ne suffit pas, à elle seule, à établir le fait que M. C...n'était pas présent en Syrie, en l'absence de précision sur la personne qui aurait retiré ce passeport ou sur les raisons pour lesquelles il n'a pas été établi dans un poste consulaire syrien. A supposer même qu'une méprise sur la date à laquelle M. C...a quitté la Syrie serait établie, il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur aurait, compte tenu des termes de la " note blanche " sur laquelle il s'est fondé, pris la même décision s'il n'avait pas mentionné que M. C...a quitté la Syrie en 2013. Il ressort en effet de la " note blanche " des services de renseignement, produite par le ministre de l'intérieur, que les déplacements fréquents de M. C...en Egypte, au Liban et en Algérie, pays " qui sont apparus liés au développement de la mouvance radicale et pro-djihadiste internationale ", " interpellent dans le contexte sécuritaire d'alors ". S'agissant de ces nombreux et fréquents déplacements, M. C...n'établit pas qu'ils n'auraient pas dû être considérés comme suspects par le ministère de l'intérieur en se contentant d'affirmer alternativement, sans produire le moindre élément au soutien de ces allégations, qu'il voyageait pour " chercher refuge dans un pays limitrophe ", pour " faire du commerce " ou parce qu'il appartient à une communauté de gens du voyage, comme il l'a soutenu pour la première fois à l'audience. Par suite, compte tenu du contexte particulier dans lequel la décision a été prise, et de l'appréciation du comportement de M. C...par les services de renseignement, en prononçant son assignation à résidence au motif qu'il existait de sérieuses raisons de penser que son comportement constituait une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics, le ministre, à la date à laquelle il a apprécié les éléments en sa possession, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur de fait.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2015 du ministre de l'intérieur. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
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N°16DA01635