Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2017, M. B..., représenté par Me Norbert Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- l'arrêté du 6 janvier 2017 modifiant l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les observations de M. C...A..., chef du bureau du contentieux des étrangers à la préfecture du Pas-de-Calais, représentant le préfet du Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1987, a présenté une demande d'asile en France le 25 juillet 2017. La consultation du système " Eurodac " a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées le 9 mars 2012 par les autorités belges, qui ont donné leur accord à sa reprise en charge. Par un arrêté du 18 septembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé le transfert de M. B... vers la Belgique et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 25 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en annulation de ces décisions.
Sur la décision de transfert vers la Belgique :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. Aucune disposition n'impose l'indication, sur le compte-rendu de l'entretien individuel prévu par ces dispositions, de l'identité et de la qualité de l'agent qui a conduit cet entretien. En l'espèce, le compte-rendu de l'entretien au cours duquel M. B... a été reçu le 25 juillet 2017, mentionne qu'il a été conduit par un agent qualifié de la préfecture du Nord. Celui-ci doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national, dès lors que le préfet du Nord avait reçu compétence à cet effet des dispositions de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement et de son annexe, modifié par arrêté du 6 janvier 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que l'entretien individuel n'a pas été mené par la personne prévue par le point 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
4. En second lieu, si M. B... bénéficie en France d'une prise en charge médicale des calculs dont il souffre et d'un suivi de l'hépatite B dont il est atteint, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier en Belgique d'une prise en charge adaptée à son état de santé. Ainsi, en refusant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire figurant au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 pour lui permettre de faire examiner en France sa demande d'asile, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
5. Dans les circonstances décrites au point précédent, et alors que M. B... s'est borné à invoquer les pathologies dont il est atteint, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais, qui s'est prononcé au vu des éléments portés à sa connaissance par l'intéressé, aurait porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi par la mesure de transfert.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision de transfert.
Sur l'assignation à résidence :
7. Le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité administrative de " prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ", notamment lorsque cet étranger fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 de ce code.
8. Il résulte des dispositions de l'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'appliquent aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du neuvième alinéa de ce même article, et de l'article R. 561-2 du même code qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile.
9. En l'espèce, il ressort des nombreuses pièces médicales produites par M. B... que celui-ci souffrait de calculs et présentait une contamination par le virus de l'hépatite B qui, diagnostiqués avant l'intervention de la décision contestée, faisaient l'objet d'un suivi régulier dans les services d'urologie et d'hépato-gastro-entérologie du centre hospitalier d'Arras. Ce double suivi imposait à l'intéressé de se rendre régulièrement sur le territoire de la ville d'Arras, alors que la nécessité, pour assurer l'exécution de son transfert, de limiter son assignation à résidence au seul territoire de la commune de Bruay la Buissière, où il justifiait d'une domiciliation, n'est pas démontrée par le préfet du Pas-de-Calais. Ainsi, cette décision d'assignation à résidence est entachée d'illégalité.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en annulation de la décision du 18 septembre 2017 en tant qu'elle prononce son assignation à résidence.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Norbert Clément, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du préfet du Pas-de-Calais du 18 septembre 2017 est annulée en tant qu'elle prononce l'assignation à résidence de M.B....
Article 2 : Le jugement n° 1708124 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 25 septembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me Norbert Clément, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Pas-de-Calais et à Me Norbert Clément.
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N°17DA02403