Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement d'exécution (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant irakien né le 18 mars 1991, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 8 décembre 2017, selon ses déclarations, et a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime. Le 22 décembre 2017, il a été reçu en entretien en vue de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande. Le même jour, la consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées le 24 septembre 2015 par les autorités finlandaises et le 10 juillet 2017 par les autorités allemandes. Constatant l'accord exprès des premières pour reprendre en charge l'intéressé et le refus des secondes, la préfète de la Seine-Maritime a prononcé son transfert vers la Finlande par un arrêté du 12 février 2018. M. B... relève appel du jugement du 30 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, applicable, en vertu de l'article R. 777-3-6 du même code, au contentieux des décisions de transfert visées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ". Aux termes de l'article R. 776-27, dont les trois premiers alinéas sont également applicables : " (...) / A moins qu'un procès-verbal d'audience signé par le juge et par l'agent chargé du greffe de l'audience ait été établi, le jugement mentionne les moyens nouveaux soulevés par les parties lors de l'audience (...) ".
3. Il ressort du dossier de première instance qu'aucun procès-verbal d'audience n'a été établi. Dès lors que le requérant affirme sans l'établir que son avocat, qui le représentait devant le tribunal administratif, aurait verbalement soulevé à l'audience des moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 12 février 2018 et de ce que le refus par l'Allemagne de le reprendre en charge ne serait pas établi, le jugement, qui ne mentionne pas dans ses visas que de tels moyens aient été invoqués à l'occasion des observations orales présentées devant le premier juge, n'est pas entaché d'insuffisance de motivation faute d'écarter expressément de tels moyens.
4. En second lieu, les moyens soulevés par M. B... en appel, tirés des " erreurs de droit " et de " l'erreur manifeste d'appréciation " qu'aurait commises le premier juge en écartant certains des moyens invoqués devant lui sont relatifs à la légalité de l'arrêté contesté et sont insusceptibles d'être invoqués pour contester la régularité du jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2018 :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. En premier lieu, si M. B... soutient que la préfète de la Seine-Maritime n'établit pas l'avoir fait effectivement bénéficier des garanties correspondant à l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il n'invoque à ce titre aucune irrégularité précise à l'exception du défaut de qualification, au regard du droit national, de la personne qui a conduit cet entretien. Toutefois, alors que ni les dispositions de l'article 5 du règlement, ni aucune autre n'imposent que l'entretien individuel soit mené par le préfet ou par une personne disposant d'une délégation de signature accordée par le préfet et régulièrement publiée, la mention figurant sur le compte-rendu de l'entretien du 22 décembre 2017 selon lequel celui-ci a été conduit par un agent de la préfecture de la Seine-Maritime, qui doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national, n'est pas sérieusement contestée par M. B.... Aucune disposition n'impose en outre la mention obligatoire sur le compte-rendu individuel de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien.
6. En second lieu, l'arrêté du 12 février 2018 vise les règlements de l'Union européenne applicables, en particulier le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, le règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif au système Eurodac et le règlement d'exécution (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, ainsi que les articles L. 742-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté mentionne que les contrôles auxquels il a été procédé, en application de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013, ont révélé " que M. A... B...avait été identifié d'une part par les autorités finlandaises le 24 septembre 2015 sous le numéro FI12241488 et d'autre part par les autorités allemandes le 10 juillet 2017 sous le numéro DE1170711XXX00641 ". Il précise que la Finlande a accepté de reprendre M. B... en charge sur le fondement des dispositions du paragraphe 1 sous d) de l'article 18 de ce dernier règlement, ce dont il se déduit nécessairement que cet Etat a procédé à l'examen de sa demande de protection internationale et l'a rejetée. Les énonciations de l'arrêté contesté permettent ainsi d'identifier le critère subsidiaire du lieu de première présentation d'une demande d'asile et le critère dérogatoire de l'Etat qui a accepté d'examiner une telle demande, prévus respectivement par le paragraphe 2 de l'article 3 et le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, comme étant ceux dont la préfète de la Seine-Maritime a entendu faire application pour décider le transfert de M. B... vers la Finlande. Cet arrêté est, dès lors, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., la préfète de la Seine-Maritime produit la décision des autorités allemandes du 29 décembre 2017 refusant de le reprendre en charge.
8. En deuxième lieu, la Finlande étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités finlandaises répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
9. En l'espèce, M. B... n'établit pas par les documents produits que la situation générale en Finlande ne permettrait pas d'y assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile. Il ne fournit, par ailleurs, aucune précision ni aucun élément sur les conditions de son séjour dans ce pays et sur les difficultés qu'il y aurait rencontrées pour présenter sa demande de protection internationale. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette demande, dont l'examen a duré un an et demi avant de donner lieu à un rejet contre lequel il a vainement exercé un recours contentieux, n'aurait pas été traitée par les autorités finlandaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure de transfert contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
10. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la préfète de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et de procéder à l'examen de la demande d'asile du requérant, alors même que ses frères se trouvent en France dans la même situation que lui.
11. En quatrième lieu, M. B... n'assortit d'aucune justification ses affirmations selon lesquelles son appartenance à la minorité sunnite l'exposerait, ainsi que sa famille, à des risques d'agression de la part de milices chiites. Dans ces conditions, alors-même que la Finlande a décidé qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile, il serait renvoyé vers l'Irak, la décision de le transférer vers ce pays n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a prononcé son transfert vers la Finlande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à MeC....
Copie en sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00940