Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance en tant qu'elle est dirigée contre la décision fixant le pays de renvoi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation par les services de police, le 11 novembre 2017, dans la zone d'accès restreinte de la liaison fixe Trans Manche à Coquelles, caché dans la remorque d'un poids lourd, M. C... A..., se disant ressortissant irakien, né le 1er janvier 1986, démuni de tout document d'identité ou documents exigés pour entrer ou séjourner en France, après audition et refus de sa part de procéder au relevé de ses empreintes, a fait l'objet, le même jour, d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et décidant son placement en rétention administrative ; que le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Irak comme pays de renvoi ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui n'a pas demandé l'asile lors de son arrivée en Europe, se borne à faire état de menaces liées à une situation de guerre en Irak sans assortir ses allégations d'aucun autre élément, qu'en particulier il n'apporte aucun commencement de preuve s'agissant de sa nationalité ou de la province dont il serait originaire ; que, dès lors, il n'est pas fondé à se prévaloir du niveau de violence généralisée pour contester le pays de destination retenu ; qu'il n'établit pas davantage faire l'objet, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, de menaces quant à sa vie ou sa liberté ou de risque d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi en Irak ; que, dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... contre la décision fixant le pays de renvoi devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;
En ce qui concerne les moyens relatifs à la légalité externe :
5. Considérant que, par un arrêté du 3 avril 2017, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer notamment la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;
6. Considérant que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour désigner notamment le pays dont M. A... revendique la nationalité comme pays de renvoi et pour s'assurer qu'il a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque également en fait ;
En ce qui concerne les moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que, comme il a été dit aux points 5 et 6, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées et du défaut de motivation manquent en fait et doivent être écartés ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la convention de Genève susvisée : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. " ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué que le requérant ait demandé l'asile ; qu'au surplus, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas pour objet de fixer le pays de destination ; que, par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées ; que le moyen sera donc écarté ;
9. Considérant que M. A... est dépourvu d'attaches en France où il est arrivé selon ses déclarations quelques jours avant son interpellation ; que, dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; que ce moyen doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé sa décision du 11 novembre 2017 en tant qu'elle fixe le pays à destination duquel M. A...pourrait être renvoyé ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1709696 du 7 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille, tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 novembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il désigne l'Irak comme pays de renvoi est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA00096