Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2017, M. C..., représenté par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 du préfet de l'Eure ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance, ainsi qu'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
1. Considérant que M. C..., ressortissant marocain né le 28 janvier 1990, est entré en France le 25 août 2016, muni de son passeport et d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes en cours de validité ; que le 14 septembre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne, en faisant valoir qu'il était à la charge de son père, de nationalité italienne et installé en France ; que, par un arrêté du 9 mai 2017, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. C... relève appel du jugement du 28 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Rouen a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant ; qu'en particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment répondu aux moyens tirés du défaut de motivation de la décision de refus de séjour, du défaut d'examen de la situation particulière du requérant préalablement à cette décision, et de ce que le préfet de l'Eure aurait illégalement ajouté aux conditions de délivrance du titre sollicité et omis de rechercher si sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public ; qu'en outre, le tribunal a suffisamment identifié l'erreur commise selon lui par le préfet de l'Eure sur la situation au regard du séjour des membres de la famille de M. C..., qu'il n'avait pas à qualifier expressément d'erreur de fait ou d'erreur de droit et, ayant précisé les conditions de délivrance du titre sollicité, a ainsi suffisamment explicité dans son jugement les raisons pour lesquelles il a considéré que cette erreur était sans influence sur la légalité de la décision rejetant la demande de l'intéressé ; que, par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'insuffisance de motivation ;
3. Considérant que les éventuelles erreurs de droit ou contradictions de motifs susceptibles d'entacher une décision juridictionnelle n'affectent pas sa régularité ;
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mai 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 9 mai 2017 mentionne notamment les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les éléments factuels pris en compte par le préfet de l'Eure pour estimer que M. C... n'était pas à la charge de son père ; qu'il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Eure s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C... ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'en particulier, ni la circonstance que l'arrêté comporterait dans ses visas la référence à certains textes dont le préfet de l'Eure n'a pas fait application ou, à l'inverse, ne vise pas les articles L. 121-1 et L. 121-3 mentionnés dans les motifs de l'arrêté, ni les erreurs que comporte cet arrêté, relatives à certains éléments factuels de la situation du requérant, n'ont d'incidence sur le respect par l'administration de l'obligation de motivation qui lui incombe ; qu'en outre, dès lors qu'il ne s'est pas fondé sur la menace que constituerait la présence de M. C... sur le territoire français pour l'ordre public, le préfet de l'Eure n'avait à faire figurer dans son arrêté aucune indication sur ce point ; qu'enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de la même décision, du caractère selon lui insuffisamment précis des indications, relatives à l'obligation de quitter le territoire français et à la décision fixant le pays de renvoi, selon lesquelles il ne rentre pas dans l'un des cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour et à l'absence de violation des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles manifestent seulement que le préfet de l'Eure s'est assuré de l'absence d'obstacle à l'édiction à son encontre d'une obligation de quitter le territoire français et à la désignation du pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure se serait abstenu d'examiner l'ensemble des éléments portés à sa connaissance, susceptibles d'influencer son appréciation de la situation personnelle du requérant au regard des dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier en ce qui concerne la situation de descendant à charge d'un citoyen de l'Union européenne que M. C... faisait valoir à l'appui de sa demande ; que les erreurs que comporte l'arrêté du 9 mai 2017 sur le prénom de M. C... et celui de son père, la composition exacte de sa famille, minorée dans l'arrêté, et la situation précise de chacun de ses membres par rapport au séjour, qui n'étaient pas par elles-mêmes de nature à influencer cette appréciation, ne permettent pas de démontrer que le préfet de l'Eure aurait procédé à un examen insuffisant de la situation particulière de l'intéressé ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, que, sous réserve que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le descendant direct, âgé de vingt-et-un ans ou plus, d'un citoyen de l'Union européenne, qui accompagne ou rejoint celui-ci en France, est en droit de bénéficier à ce titre d'un titre de séjour à la double condition, d'une part, que son ascendant soit lui-même en droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois, du fait de l'exercice d'une activité professionnelle ou de la disposition de ressources suffisantes pour lui et les membres de sa famille, ainsi que d'une assurance maladie, et d'autre part, que l'intéressé soit considéré comme étant à la charge de cet ascendant ;
8. Considérant que ces mêmes dispositions, dont l'objet est d'assurer la transposition en droit interne de la directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de séjourner et de circuler librement sur le territoire des Etats membres, doivent être interprétées à la lumière des objectifs de cette directive, tels qu'interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en particulier, il résulte de l'arrêt C-1/05 du 9 janvier 2007 de la Cour de justice des communautés européennes, et notamment de ses points 35, 37 et 42, rappelés dans l'arrêt C-423/12 du 16 janvier 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que pour qu'un descendant direct, âgé de vingt-et-un ans ou plus, d'un citoyen de l'Union, puisse être considéré comme étant à charge de celui-ci au sens de l'article 2, point 2 sous c) de la directive du 29 avril 2004, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie, cette dépendance résultant d'une situation de fait caractérisée par la double circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le citoyen de l'Union ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint et que le descendant ne subvient pas à ses besoins essentiels et, d'autre part, que la nécessité du soutien matériel doit exister dans l'État d'origine ou de provenance d'un tel descendant au moment où il demande à rejoindre le citoyen de l'Union ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la " précision " apportée par le préfet de l'Eure dans son arrêté, selon laquelle la qualité de membre de famille " est reconnue au conjoint du citoyen européen, aux descendants directs de moins de 21 ans ou à charge du citoyen européen " et " sont ainsi susceptibles de se voir reconnaître un droit d'entrée et de séjour, les membres de famille qui, dans le pays de provenance, sont à charge ou font partie du ménage ", n'ajoute aucune condition à celles découlant des dispositions des articles L. 121-1 et 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a fait application ; qu'en revanche, le préfet de l'Eure a entaché sa décision d'une erreur de droit en relevant dans son arrêté que M. C... n'établissait pas être à la charge de son père de manière ininterrompue depuis son enfance, y compris durant la période au cours de laquelle l'intéressé avait vécu au Maroc, alors que celui-ci, entré en France le 25 août 2016 avant de demander un titre de séjour, le 14 septembre 2016, provenait d'Italie où la famille s'était installée durant plusieurs années et où il avait obtenu une carte de résident de longue durée - CE ;
10. Considérant, toutefois, qu'il résulte des termes mêmes de cet arrêté que le préfet de l'Eure a également tenu compte de ce que, selon les autorités italiennes, l'intéressé exerçait depuis le 30 mars 2015, une activité de marchand ambulant, du niveau de ressources de son père, déclarées à l'administration fiscale pour un montant de 8 585 euros au titre de l'année 2015, et perçues à hauteur d'un salaire mensuel de 625 euros environ de juillet à décembre 2016, et de l'absence de caractère suffisamment probant de la déclaration d'un enfant majeur à charge pour l'année 2015 ; que ces éléments récents pouvaient légalement être pris en considération par le préfet de l'Eure pour estimer que M. C... ne se trouvait pas en situation de dépendance réelle par rapport à son père ; que M. C... ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément probant sur l'effectivité de l'aide apportée par son père alors qu'il se trouvait dans son pays de provenance, les attestations rédigées par ses parents, l'exercice ponctuel par sa mère d'une activité professionnelle et la circonstance qu'il est hébergé chez eux depuis son arrivée sur le territoire français étant insuffisantes, et l'accroissement ultérieur de revenus de son père sans influence à cet égard ; que les erreurs factuelles commises par le préfet de l'Eure dans son arrêté sur la composition de la famille de M. C... et la situation de ses membres au regard de leur séjour en France n'a pu avoir d'incidence sur l'appréciation de sa situation de dépendance, dès lors qu'elle n'a pas eu pour effet de majorer le nombre de personnes aux besoins desquelles le père du requérant pourvoit ; qu'en outre, dès lors qu'il estimait que M. C... ne remplissait pas la condition d'être à la charge de son père, le préfet de l'Eure n'avait pas à vérifier si la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait ou non une menace pour l'ordre public ; que, dans ces conditions, le motif tiré de l'absence de situation de dépendance de M. C... vis-à-vis de son père dans son pays de provenance, appréciée à la date de sa demande, suffisait à justifier légalement la décision contestée ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Eure aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que le préfet de l'Eure a relevé à tort que, à l'exception de son père, tous les membres de la famille de M. C... étaient titulaires de titre de séjour italien alors que certains d'entre eux ont la nationalité française, est sans influence sur son appréciation de la possibilité de l'admettre au séjour au titre de la vie privée et familiale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que celui-ci, âgé de vingt-six ans lorsqu'il est venu les rejoindre sur le territoire français, ne vivait auprès d'eux que depuis moins d'un an à la date de cette décision, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache en Italie, où il dispose d'un titre de séjour d'une durée de validité illimitée et qu'ainsi, sa situation ne revêt pas un caractère exceptionnel ;
12. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté du 9 mai 2017 que le préfet de l'Eure, à qui il était loisible d'examiner, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, si M. C... justifiait d'une insertion professionnelle suffisante permettant d'envisager son admission exceptionnelle au séjour, n'a pas entendu opposer cette condition à la demande de titre de séjour présentée par le requérant sur le fondement des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait ainsi commise le préfet de l'Eure dans l'application de ces dispositions manque en fait ;
13. Considérant, en sixième lieu, que la circonstance que le préfet de l'Eure, qui a également cru devoir examiner si M. C... pouvait se prévaloir " à titre personnel des conditions du droit au séjour ", se serait mépris sur la justification par l'intéressé d'une couverture sociale, est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour, dès lors que l'intéressé, qui n'est pas citoyen de l'Union européenne, ne pouvait bénéficier à ce titre des dispositions des 1° à 3° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exclusivement applicables à ces citoyens et dans le champ desquelles il n'entre pas ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
14. Considérant que M. C... ne peut utilement invoquer les dispositions des articles 28 et 30 de la directive du 29 avril 2004, relatives à la limitation du droit d'entrée et du droit de séjour pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, dès lors que leur transposition complète est assurée en droit français par l'article L. 311-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et alors, au surplus, qu'il n'est pas citoyen de l'Union européenne et qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il ne justifie pas non plus de la qualité de membre de famille d'un tel citoyen ;
15. Considérant qu'en application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionné dans l'arrêté du 9 mai 2017, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision ; que celle-ci, ainsi qu'il a été dit au point 2, est en l'espèce suffisamment motivée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français manque en fait ;
16. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait procédé à un examen insuffisant de la situation particulière de M. C... avant de décider de l'obliger à quitter le territoire français ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et, en tout état de cause, celles tendant au paiement des dépens de l'instance et à l'exécution provisoire de l'arrêt, doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A... D....
Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 10 avril 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Odile Desticourt, présidente de chambre,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 mai 2018.
Le rapporteur,
Signé : D. BUREAU La présidente de chambre,
Signé : O. DESTICOURT
La greffière,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Marie-Thérèse Lévèque
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N°17DA02011