Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2017, le préfet du Nord, représenté par Me A...D..., demande à la cour d'annuler le jugement n° 1707074 du 17 août 2017.
Il soutient que :
- les documents produits par l'intéressé n'établissent pas qu'il serait retourné au Nigéria entre 2013 et 2016 et qu'il aurait quitté le territoire de l'ensemble des Etats de l'Union européenne pendant plus de trois mois ;
- l'Allemagne demeurait responsable de sa demande d'asile ;
- aucun des autres moyens invoqués par le requérant en première instance contre l'arrêté du 7 août 2017 n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2018, M.C..., représenté par Me B...F..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2017 ;
3°) à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., ressortissant nigérian né le 24 avril 1969, a sollicité le bénéfice de l'asile auprès des services de la préfecture du Nord le 4 juillet 2017 ; que, par un arrêté du 7 août 2017, le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités allemandes et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que le préfet du Nord relève appel du jugement du 17 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 7 août 2017 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers (...) dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre " ; qu'aux termes de l'article 19 du même règlement : " 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. (...) ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les documents produits par M. C... afin de démontrer qu'il a quitté l'Allemagne en 2012 à destination du Nigéria où il est demeuré jusqu'à son retour en France en janvier 2017 émanent tant de personnes privées que de personnes publiques ; qu'il produit notamment des attestations d'une entreprise aux termes de laquelle il a exercé au sein de cette dernière la profession de conducteur de travaux entre février 2013 et mars 2016 et d'une association indiquant qu'il a participé dans son pays à compter de 2015 à l'activité de ladite association de lutte contre la propagation du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ; qu'il produit également un rapport médical établi par l'hôpital général de Lagos qui fait état d'une consultation le 12 mai 2014 et un document des forces de police nigérianes, de la division d'Ikeja, daté du 28 décembre 2016 faisant état de son arrestation pour accusation de pratiques homosexuelles ; que le préfet du Nord qui se borne à mettre en doute l'authenticité de ces documents, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'intéressé n'aurait pas quitté le territoire des Etats membres ; que les circonstances qu'aucune mesure d'éloignement émise par les autorités allemandes en 2012 n'ait été produite par l'intéressé et que les autorités allemandes aient accepté le 10 juillet 2017 de reprendre en charge M. C...ne suffisent pas à remettre en cause les éléments produits par l'intéressé qui établissent qu'il est retourné au Nigéria entre le moment où ses empreintes digitales ont été relevées en Allemagne dans la catégorie 1 (demandeur d'asile) le 18 avril 2011, et son arrivée en France en janvier 2017, et avoir en conséquence quitté le territoire des Etats membres de l'Union européenne pendant plus de trois mois depuis sa demande d'asile formulée en Allemagne ; que, par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a estimé qu'à la date de la décision contestée, l'Allemagne n'était plus responsable de sa demande d'asile et que le préfet du Nord, en décidant sa remise aux autorités de ce pays, a méconnu les dispositions précitées de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a, par le jugement attaqué, annulé la décision du 7 août 2017 par laquelle le préfet du Nord a ordonné son transfert vers l'Allemagne, ainsi que par voie de conséquence, celle par laquelle il a ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant que le conseil de M. C...peut se prévaloir des dispositions susvisées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me F...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner ce dernier à lui verser une somme de 750 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du préfet du Nord est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 750 euros à MeF..., sous réserve de renonciation par cette dernière à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, à M. E... C...et à Me B...F....
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N°17DA02024