Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2017, M. C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision prononçant son transfert vers la Grande-Bretagne contenue dans l'arrêté du 3 avril 2017 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1364 du 28 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant afghan né le 20 juin 1978, a demandé l'asile en France le 9 juillet 2015 ; que, le 8 octobre 2015, les autorités britanniques, auprès desquelles M. C... avait demandé l'asile en 2007, ont donné leur accord à sa reprise en charge ; que, par un arrêté du 16 octobre 2015, le préfet du Nord a décidé de leur remettre l'intéressé ; que cette mesure n'a pas été exécutée ; que M. C... a été interpellé à Lille le 3 avril 2017 sans pouvoir justifier de son droit au séjour en France ; que, par un arrêté du 3 avril 2017, le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités britanniques, sur le fondement des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a ordonné son placement en rétention administrative ; que M. C... relève appel du jugement du 10 avril 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de transfert contenue dans cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
3. Considérant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a omis de répondre aux moyens soulevés devant lui par M. C..., tirés d'une part de ce qu'à la date de la décision du 3 avril 2017 prononçant son transfert, le délai d'exécution prévu par les dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride était expiré et, d'autre, part, de ce que le préfet du Nord ne pouvait sans commettre d'erreurs de droit prendre successivement une décision de remise puis une décision de transfert ; que le jugement du 10 avril 2017 est ainsi entaché d'une insuffisance de motivation et doit, par suite, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur la légalité de la décision de transfert :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) " ; qu'aux termes de l'article 29 de ce règlement : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant (...) " ; que les dispositions, issues du I de l'article 20 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui organisent la procédure d'édiction et de notification des mesures de transfert prévues par l'article 26 du règlement du 26 juin 2013, sont applicables aux demandes d'asile présentées à compter du 1er novembre 2015 en vertu des dispositions combinées des articles 35 de cette loi et 4 du décret du 28 octobre 2015 pris pour l'application des articles 13, 16 et 20 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et modifiant le code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. C... avait été présentée en juillet 2015 ; qu'en prononçant son transfert vers la Grande-Bretagne, le 3 avril 2017, sur le fondement de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015, alors qu'il résulte de ce qui précède que ces dispositions ne sont pas applicables aux demandes d'asile présentées antérieurement au 1er novembre 2015, le préfet du Nord a méconnu le champ d'application de la loi dans le temps et entaché sa décision d'illégalité ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par M. C..., que celui-ci est fondé à demander l'annulation de la décision contestée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et applicable, en vertu du II de l'article 4 du décret du 16 octobre 2015, aux demandes d'asile ayant fait l'objet d'une demande de transfert à compter du 1er novembre 2015 : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé " ;
9. Considérant qu'en application de ces dispositions, l'annulation de la décision prononçant le transfert de M. C... vers la Grande-Bretagne implique nécessairement que le préfet du Nord statue à nouveau sur son cas ; qu'il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens et d'impartir à l'administration, à cet effet, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
10. Considérant que M. C... ne justifie pas avoir obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour exercer devant le tribunal administratif de Lille un recours contre la décision contestée ; qu'il a, en revanche, obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour relever appel de ce jugement ; que, par suite, son avocat peut seulement se prévaloir au titre de l'instance d'appel des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me B... A...sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703114 du 10 avril 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La décision prononçant le transfert de M. C... vers la Grande-Bretagne contenue dans l'arrêté du préfet du Nord du 3 avril 2017 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me B... A...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me B...A....
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N°17DA02051