Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, M.B..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens du 29 décembre 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2017 du préfet de la Somme ordonnant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de prendre en charge l'instruction de sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité guinéenne né le 1er mai 1999, entré en France le 20 août 2017 selon ses déclarations, a déposé auprès du préfet de la Somme une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Les contrôles effectués par les services de la préfecture, en particulier la consultation du fichier " Eurodac ", ont révélé que l'intéressé avait été identifié en Italie le 20 juin 2017 sous le n° IT2TA012YV. Le préfet de la Somme a, le 26 septembre 2017, saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge, en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a fait l'objet d'un accord implicite le 27 novembre 2017. Par un arrêté du 26 décembre 2017, le préfet de la Somme a ordonné son transfert aux autorités italiennes. M. B...relève appel du jugement du 29 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'après avoir annulé l'arrêté du 26 décembre 2017 du préfet de la Somme l'assignant à résidence, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2017 ordonnant son transfert aux autorités italiennes.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite (...) ; / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu remettre le 12 septembre 2017 les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", en langue française, langue qu'il a déclaré comprendre. En outre, lors de l'entretien individuel du 12 septembre 2017, il a été assisté d'un interprète en langue soussou et il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 20 juin 2017 et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il a, enfin, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant le 26 décembre 2017, date à laquelle le préfet de la Somme a décidé son transfert aux autorités italiennes et de la possibilité de formuler des observations. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de transfert aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".
5. Si M. B...soutient que la décision contestée ne mentionnait pas qu'il avait la possibilité d'avertir ou de faire avertir son consulat, de saisir un conseil ou une personne de son choix, il est constant que l'omission de formalités de notification de la décision de transfert est sans incidence sur la légalité de la décision elle-même. Par suite, M. B...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit ". Si le requérant invoque sa situation familiale, et notamment sa maladie et le fait qu'il soit à la charge de sa soeur, ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, la reconnaissance d'un droit à l'examen en France de sa demande d'asile, ainsi que l'a estimé à bon droit, et par motifs adoptés, le premier juge.
7. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
8. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
9. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de la Somme, qui a notamment estimé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B... ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressé, alors-même qu'elle n'en était pas responsable. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale n'a pas apprécié la possibilité d'examiner sa demande d'asile, ni qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle. Il n'est pas plus fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens aurait omis de répondre à ce moyen, alors qu'il l'a explicitement écarté au point 8 du jugement contesté.
10. Aux termes de l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale ". Aux termes de l'article 4 de la même charte : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. B...se borne à soutenir qu'il craint des mauvais traitements en cas de retour en Italie sans toutefois établir l'existence d'un risque personnel d'y être accueilli dans des conditions indécentes, ni d'ailleurs l'existence de défaillances systémiques de la procédure d'asile dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant, dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A...'famoussaB..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....
Copie sera adressée au préfet de la Somme.
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N°18DA00870