Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 23 janvier 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité guinéenne, né le 30 novembre 1990, entré en France le 4 octobre 2015 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 21 novembre 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 3 juillet 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 12 décembre 2017, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M.A..., annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". En application de l'article 30 du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'applique aux demandes d'asile présentées à compter du 1er novembre 2015. Aux termes des dispositions de l'article R. 723-19 du même code : " La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). III. - La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques et fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la Cour.
4. Pour annuler l'arrêté du 12 décembre 2017, par lequel le préfet du Nord a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pouvait être reconduit d'office, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a jugé que le préfet du Nord n'établissait pas, en l'absence de toute pièce produite, de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord produit, pour la première fois en appel, le relevé des informations de la base de données " TelemOfpra ", tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, selon lequel la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 mars 2017 a été notifiée à l'intéressé le 19 juillet 2017. En application des dispositions précitées de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. M.A..., qui ne fait état d'aucun élément contraire, de nature à remettre en cause l'exactitude de ces mentions, n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile antérieurement à l'arrêté en litige. Le préfet du Nord est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en litige au motif qu'il n'établissait pas la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille et la cour à l'encontre de l'arrêté en litige.
Sur le refus de titre de séjour :
6. La demande d'asile présentée par M. A...ayant été rejetée, le préfet du Nord était tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour présenté en cette qualité. Par suite, le moyen tiré de ce qu'un tel rejet serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté comme inopérant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. M. A...a sollicité son admission au séjour. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de la décision qui l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays de destination de cette mesure, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de celle-ci. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
9. M. A..., célibataire et sans enfant à charge, ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 4, de ce qu'à la date de la décision contestée, il bénéficiait d'un droit au séjour sur le fondement d'une demande d'asile en cours d'instruction ou de réexamen, et ne produit aucun élément de nature à établir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur le pays de destination :
10. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
11. Si M. A...fait valoir qu'il serait menacé en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il y encourrait des risques personnels et actuels alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1710986 du 23 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C...A...et à Me B...D....
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
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N°18DA00392