Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 août 2016, M. B..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2016 du préfet de la Somme ;
3°) d'enjoindre à l'Etat français de prendre en charge sa demande d'asile ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Somme de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision contestée n'a pas été précédée d'une demande de reprise en charge présentée dans les conditions et délai prévus par les dispositions du 3 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- en s'abstenant de faire usage de la clause de souveraineté prévue à l'alinéa 2 de l'article 53-1 de la Constitution ainsi qu'à l'article 17 de ce règlement, et reprise à l'article 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations des articles 2 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il poursuit en France une formation.
La requête a été communiquée au préfet de la Somme qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...B..., ressortissant nigérian né le 1er janvier 1996, est entré en France le 6 septembre 2015, selon ses déclarations, et a sollicité le bénéfice de l'asile ; que, par un arrêté du 13 octobre 2015, le préfet de l'Oise a refusé de l'admettre provisoirement au séjour à ce titre, au motif que l'Italie était responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que M. B... relève appel du jugement du 2 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2016 du préfet de la Somme prononçant sa remise aux autorités italiennes ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n°603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et les deuxièmes alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a présenté une demande d'asile le 28 septembre 2015 ; que le relevé décadactylaire auquel il a alors été soumis et la consultation du fichier " Eurodac " ont permis d'établir que l'intéressé avait été enregistré auprès des autorités italiennes le 7 juillet 2015 ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'une demande de reprise en charge mentionnant expressément l'Italie comme l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, en dépit d'une unique erreur matérielle mentionnant la Belgique figurant sur cette demande, a été établie par les services de la préfecture de l'Oise sur le formulaire prévu à cet effet, et que les autorités italiennes en ont été saisies le 30 septembre 2015, comme en attestent les mentions figurant sur l'accusé de réception édité automatiquement par le réseau de communication électronique " DubliNet " ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance par la décision attaquée du délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 manque en fait ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 53-1 de la Constitution : " (...) Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ; qu'aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ;
5. Considérant que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. B... ne produit aucun élément de nature à renverser, dans son cas particulier, la présomption de respect par cet Etat des droits fondamentaux garantis aux demandeurs d'asile et aux réfugiés par les règles et principes du droit international et interne ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que, du fait de l'échec des autorités italiennes à assurer le respect de ces droits face à un afflux massif de demandeurs d'asile sur son territoire, le préfet de la Somme aurait, en refusant de mettre en oeuvre à son profit la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et reprise à l'article 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu celles de l'article 53-1 de la Constitution ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le requérant, qui n'assortit ses allégations d'aucun élément probant, n'est en tout état de cause pas plus fondé à soutenir, sur le fondement des stipulations des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il serait soumis en Italie à un risque de renvoi au Nigéria sans avoir préalablement bénéficié d'un examen sérieux de sa demande d'asile et de la possibilité d'exercer un recours suspensif ;
7. Considérant, enfin, que la circonstance que le requérant poursuivrait en France une formation n'est par elle-même pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....
Copie sera adressée au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : D. BUREAU Le président-assesseur,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA01520