Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2021, la société Eiffage Construction Picardie et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), son assureur, représentées par Me G... E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les conclusions tendant à la mise en cause de la société Consortium des peintures et revêtements et de la société Resipoly Chrysor ;
2°) de dire l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif opposable et contradictoire auxdites sociétés ;
3°) de réserver les dépens.
Elles soutiennent que :
- le juge administratif est, avant dire droit, compétent pour statuer sur leur demande ;
- la société Consortium des peintures et revêtements, qui a fourni la résine litigieuse et aurait émis des préconisations, connaît les caractéristiques techniques de ce produit de telle sorte que son intervention à l'expertise est utile ;
- la société Resipoly Chrysor, en tant que fabricant de ladite résine, est la plus à même de confirmer la bonne ou mauvaise mise en oeuvre de son produit de telle sorte que son intervention à l'expertise est utile.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2021, la société Resipoly Chrysor, représentée par Me A... H..., donne acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de mise en cause et conclut à la condamnation des appelants aux dépens.
Elle soutient qu'en l'état, aucun élément technique ne remet en cause la qualité du produit qu'elle fabrique.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2021, la communauté de communes du Liancourtois-La Vallée Dorée, représentée par Me D... B..., donne acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de mise en cause et demande à la cour de condamner solidairement la société Eiffage Construction Picardie et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'en sa qualité de demanderesse initiale à l'expertise, elle subit les retards de l'expertise et les frais de la procédure consécutifs à la demande de mise en cause des sociétés appelantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020,
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes du Liancourtois-La Vallée Dorée, a conclu le 3 avril 2017 un marché public de travaux de réfection de la superstructure mobile de la piscine intercommunale située à Liancourt. Ayant constaté des désordres concernant l'adhérence de la résine utilisée pour le revêtement du sol mobile de la piscine, elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'ordonner une expertise portant sur la nature et la cause de ces désordres et les moyens d'y remédier. Par ordonnance du 28 février 2020, le juge des référés a désigné un expert à cette fin. Postérieurement, M. C... F..., en sa qualité d'expert, a demandé au juge des référés de rendre communes et opposables les opérations de l'expertise prescrite à la société Consortium des peintures et revêtements et à la société Resipoly Chrysor en leur qualité respective de fournisseur et de fabricant de la résine utilisée. L'expert a également sollicité une prolongation du délai pour le dépôt de son rapport. Par ordonnance du 25 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a reporté la date de dépôt du rapport d'expertise au 30 avril 2021 et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société Eiffage Construction Picardie et son assureur interjettent appel de cette ordonnance.
Sur la demande d'extension de l'expertise à la société consortium des peintures et revêtements et la société Resipoly Chrysor :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. (...) "
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance ou à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, le juge ne peut faire droit à une demande d'extension de l'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. Enfin, peuvent être appelées à participer à une expertise ordonnée sur le fondement de ces dispositions non seulement les personnes dont la responsabilité est susceptible d'être engagée par l'action qui motive l'expertise, mais aussi toute personne dont la présence est de nature à éclairer les travaux de l'expert.
4. Pour justifier la mise en cause de la société Consortium peintures et revêtements et de la société Resipoly Chrysor dans l'expertise prescrite par le tribunal administratif d'Amiens, la société Eiffage Construction Picardie ainsi que son assureur soutiennent qu'en leur qualité respective de fournisseur et de fabricant de la résine litigieuse, leur intervention est de nature à permettre de mieux comprendre techniquement la mise en oeuvre dudit produit.
5. D'une part, s'il est constant que la société Consortium des peintures et revêtements a livré le produit litigieux ainsi que la notice technique y afférente, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci ait émis la moindre préconisation sur la mise en oeuvre dudit produit. Il n'est dès lors pas établi que ladite société détienne des informations spécifiques sur le produit litigieux, de nature à éclairer l'expert dans l'exercice de ses missions. Dans ces conditions, la mesure d'extension sollicitée par les requérantes ne revêt pas un caractère utile au sens des dispositions précitées des articles R. 532-1 et R. 532-3 du code de justice administrative telles que définies au point 3.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Resipoly Chrysor est le fabricant de la résine litigieuse et l'auteur des différentes données techniques et pratiques de ce produit qu'elle commercialise. Dès lors que l'expertise a pour objet de déterminer si les désordres constatés, notamment liés à des problèmes d'adhérence de la résine utilisée au sol, menacent la destination ou la solidité de l'ouvrage et de fournir au tribunal tous éléments de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues dans un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, sa participation aux opérations d'expertise présente un caractère d'utilité en raison notamment des renseignements qu'elle détient et qu'elle peut fournir à l'expert.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Eiffage Construction Picardie et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics sont uniquement fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce que la société Resipoly Chrysor soit attraite aux opérations d'expertise.
Sur les conclusions relatives aux dépens :
8. En application des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, il appartiendra au président du tribunal, lorsqu'il liquidera et taxera les frais de l'expertise, de désigner dans l'ordonnance la partie qui les supportera. Les conclusions de la société Resipoly Chrysor tendant à la condamnation des appelants aux dépens doivent en conséquence être rejetées.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Les conclusions de la communauté de communes du Liancourtois-La Vallée Dorée, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées dès lors que les sociétés requérantes ne sont pas parties perdantes dans la présente instance.
ORDONNE :
Article 1er : Les opérations de l'expertise prescrite par l'ordonnance du 28 février 2020 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens sont rendues communes et opposables à la société Resipoly Chrysor. L'expert lui communiquera les résultats de ses constatations, l'invitera à formuler ses observations et la convoquera à toutes les réunions ultérieures.
Article 2 : L'ordonnance susvisée du 25 janvier 2021 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes du Liancourtois-La Vallée Dorée, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles de la société Resipoly Chrysor, tendant à la condamnation aux dépens, sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Me D... B... pour la communauté de communes du Liancourtois-La Vallée Dorée, à Me A... H... pour la société Resipoly Chrysor, à Me G... E... pour la société Eiffage Construction Picardie et son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à la société Etic, à la SASU David Pouillieute, à la société Consortium des peintures et revêtements (CPR) et à M. C... F..., expert.
Fait à Douai le 31 mai 2021.
Le président de la cour,
Signé
Jean-François MOUTTE
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Bénédicte Gozé
N°21DA00260 2