Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 août 2017 et le 7 mai 2018, Mme F..., représentée par Me E...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 20 juin 2017
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 25 août 2016 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les observations de Me D...G..., substituant Me E...A..., représentant MmeF....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / (...) / (...) lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". " ;
2. Considérant qu'il est constant que la communauté de vie entre MmeF..., ressortissante marocaine, et son époux, un compatriote installé en France sous le couvert d'une carte de résident et qu'elle avait rejoint le 20 juin 2015 au titre du regroupement familial, a cessé et que Mme F...a déposé, le 1er mars 2016, une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Rouen ; que l'intéressée soutient toutefois que cette situation résulterait de violences conjugales que lui aurait fait subir son mari et que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait, par suite, pu, sans commettre une erreur d'appréciation et méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, procéder, par l'arrêté du 25 août 2016 en litige, au retrait de la carte de résident dont elle était titulaire ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir déposé, le 19 novembre 2015, une déclaration de main courante au commissariat de police de Rouen, faisant état, sans autre précision, de différends de nature familiale, Mme F...a ensuite déposé une plainte, le 17 décembre 2015 à 20 heures, pour des menaces de mort proférées par son époux à son endroit ; que Mme F...a alors déclaré au fonctionnaire de police qui a reçu cette plainte avoir été l'objet, à plusieurs reprises, de telles menaces, ainsi que d'insultes de la part de son conjoint, qui, s'il n'avait jamais perpétré de violences physiques sur sa personne, avait eu souvent des manifestations colériques vives caractérisées notamment par des coups portés sur des battants de porte ou par des jets d'objets dans sa direction, qui lui avaient fait craindre pour sa sécurité ; qu'il ressort aussi du compte-rendu établi le 24 décembre 2015 par le docteur Lhoumeau, praticien hospitalier exerçant au centre hospitalier de Rouen, dans le cadre d'une mission qui lui avait été confiée, sous serment, par le parquet, que les violences psychologiques qu'a subies Mme F...ont eu pour conséquence une fausse couche, survenue en juillet 2015, et qu'elles sont à l'origine d'un retentissement psychologique, constaté par ce médecin, et ayant entraîné selon lui une incapacité totale de travail de dix jours à préciser par une expertise psychiatrique ; qu'il ressort, enfin, des autres pièces versées au dossier, que Mme F...bénéficie d'un suivi régulier par plusieurs associations oeuvrant pour la protection des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales et que plusieurs des connaissances qu'elle a nouées dans ce cadre ou dans celui des séances de formation qu'elle a suivies pour améliorer sa pratique de la langue française attestent de façon concordante, de même que des formateurs, du retentissement perceptible de la souffrance psychologique de l'intéressée sur son comportement et sur ses relations sociales ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, la réalité des violences psychologiques invoquées par Mme F...pour justifier son départ du domicile conjugal doit être regardée comme établie ; que, par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pu sans se méprendre dans son appréciation de la situation de l'intéressée et méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui retirer la carte de résident dont elle était titulaire ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté, le présent arrêt implique nécessairement que la préfète de la Seine-Maritime restitue à Mme F...sa carte de résident ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme F... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 juin 2017 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté en date du 25 août 2016 de la préfète de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de restituer à Mme F...sa carte de résident dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme F...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F...néeC..., à la préfète de la Seine-Maritime et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
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N°17DA01669