Par une requête enregistrée le 1er février 2016, l'Union départementale des associations familiales de la Somme, représentée par Me F...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Union départementale des associations familiales de la Somme la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
1. Considérant que Mme C...a été recrutée par l'Union départementale des associations familiales de la Somme le 1er juillet 1991, par un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'elle a occupé des emplois de déléguée à la tutelle, de chef de secteur, de chef de département, puis de chef du service des majeurs protégés ; que, depuis le 14 octobre 1999, elle est déléguée syndicale et représentante syndicale au comité d'entreprise de l'Union départementale des associations familiales de la Somme ; qu'au cours de l'année 2012, une procédure disciplinaire a été engagée par son employeur, visant à la licencier ; que, durant cette procédure, le comité d'entreprise a émis un avis défavorable sur la mesure envisagée de licenciement pour faute grave ; que, par une décision du 5 février 2013, l'inspectrice du travail a refusé son licenciement ; que, suite au recours hiérarchique de l'Union départementale des associations familiales de la Somme, exercé le 26 mars 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a décidé, par une décision du 26 juillet 2013, d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 5 février 2013 et d'autoriser le licenciement de MmeC..., qui a été licenciée pour faute grave le 13 août 2013 ; que l'Union départementale des associations familiales de la Somme relève appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 26 juillet 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social autorisant le licenciement de MmeC... ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...) " ;
3. Considérant que l'Union départementale des associations familiales de la Somme soutient ne pas avoir été avertie de la date de l'audience dans les délais prévus par les dispositions précitées ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que MeA..., représentant l'Union départementale des associations familiales de la Somme, a accusé réception de l'avis d'audience le 20 octobre 2015, soit vingt-neuf jours avant l'audience publique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif d'Amiens aurait méconnu les dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative manque en fait et ne peut qu'être écarté ;
Sur les moyens d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2411-3 de ce même code " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail : " Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. / Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1235-1 de ce même code : " (...) A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles du 2° de l'article L. 2411-1 du code du travail, que les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail que, lorsqu'un doute subsiste au terme de l'instruction diligentée par le juge de l'excès de pouvoir sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé, ce doute profite au salarié ;
6. Considérant, d'une part, que l'Union départementale des associations familiales de la Somme soutient que, lors d'une réunion le 27 novembre 2012, Mme C...aurait fait irruption dans le bureau de M.B..., son supérieur hiérarchique, afin d'exiger la signature d'un devis de réparation de son véhicule de fonction ; que, si la décision du ministre chargé du travail du 26 juillet 2013 retient que Mme C...aurait délibérément interrompu la réunion, en adoptant un comportement outrancier, déplacé, voire provocateur ainsi que trois attestations, produites par l'Union départementale des associations familiales de la Somme en première instance, l'affirment, Mme C...produit également trois attestations, précises, circonstanciées et contradictoires, rédigées par des personnes ayant entendu l'altercation du fait de la proximité de celle-ci avec leur bureau personnel, qui indiquent qu'au contraire, des propos outrageants et déplacés ont été tenus par M.B... ;que, d'autre part, si l'Union départementale des associations familiales de la Somme fait aussi valoir que Mme C...aurait tenu des propos dégradants à l'encontre de M. B...en réunion de comité de direction le 10 septembre 2012, les attestations produites par les deux parties se révèlent tout aussi contradictoires, et, en tout état de cause , la procédure disciplinaire ayant été engagée le 30 novembre 2012, les faits reprochés étaient prescrits ; que, dans ces conditions et eu égard à ce qui vient d'être dit, le ministre chargé du travail a entaché sa décision autorisant le licenciement de Mme C...d'erreurs de fait en considérant comme établis les faits énoncés par l'Union départementale des associations familiales de la Somme ;
7. Considérant que l'Union départementale des associations familiales de la Somme reproche également à Mme C...d'avoir diffusé, au sein de l'Union départementale des associations familiales de la Somme, des courriers des 12 octobre 2010 et 23 août 2011, dont la teneur serait de nature à remettre en cause l'ensemble de la politique managériale de M.B... ; qu'il ressort pourtant de ces courriers que Mme C...critique les choix organisationnels et financiers de M.B..., en se bornant à attirer son attention sur la situation du service , en des termes qui ne peuvent être qualifiés d'outranciers ou d'irrespectueux envers son supérieur hiérarchique ;
8. Considérant que les comportements ou propos réitérés, qualifiés d'agressifs ou diffamatoires à l'égard de M. B...et de Mme André, secrétaire générale de l'Union départementale des associations familiales de la Somme, lors de réunions de comité d'entreprise, également reprochés à MmeC..., ont été commis, à les supposer non prescrits, dans l'exercice de fonctions représentatives du personnel dont ils ne peuvent être détachés ;
9. Considérant que l'Union départementale des associations familiales de la Somme soutient aussi que le comportement fautif réitéré de Mme C...a affecté la santé de M.B... ; que, toutefois, si elle produit des certificats médicaux du docteur Martine Paris, médecin du travail, des 5 et 17 décembre 2012 établissant que M. B...était sujet à des " troubles anxieux et dépressifs liés à des tensions sur le lieu de travail ", ceux-ci ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir que ces troubles seraient directement nés de sa relation professionnelle avec MmeC... ;
10. Considérant que compte tenu de qui a été dit aux points 6 à 9 et de la contradiction entre les pièces produites, il existe un doute quant à la matérialité des faits reprochés à Mme C..., qui ont motivé la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'Union départementale des associations familiales de la Somme ; que le doute doit ainsi, en application des dispositions précitées, profiter à la salariée ; que, dans les conditions de l'espèce, le ministre chargé du travail a commis une erreur sur la qualification juridique des faits en décidant que les faits reprochés à Mme C...suffisaient à justifier un licenciement ; que, pour les mêmes motifs, le ministre chargé du travail a méconnu les dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail énonçant le principe selon lequel le doute profite au salarié protégé ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Union départementale des associations familiales de la Somme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 26 juillet 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; que les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union départementale des associations familiales de la Somme une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non-compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Union départementale des associations familiales de la Somme est rejetée.
Article 2 : L'Union départementale des associations familiales de la Somme versera à Mme C...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union départementale des associations familiales de la Somme, à Mme E...C...et à la ministre du travail.
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N°16DA00210
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