Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, Mme B...E...A..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Nigéria comme pays de destination de l'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante nigériane née le 2 janvier 1997, entrée en France le 13 février 2013, a présenté une demande d'asile rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 janvier 2015, décision confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 juillet 2015. Une mesure d'éloignement a été prise à son encontre le 7 octobre 2015. Mme A...a sollicité le réexamen de sa demande d'asile qui a été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 juin 2017 selon la procédure accélérée. Un recours a été enregistré le 30 août 2017 contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile. Mme A...relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Nigéria comme pays de destination de l'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que se borne à soutenir MmeA..., le tribunal administratif d'Amiens a examiné aux points 6 et 7 du jugement attaqué le moyen qu'elle a soulevé en première instance tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / III.-L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : / (...) / 4° Le demandeur ne présente une demande d'asile qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". L'article L. 743-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement / (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le préfet peut, légalement, refuser à un étranger la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, alors même que l'ensemble de la procédure d'examen de sa demande n'est pas achevée, la Cour nationale du droit d'asile étant effectivement saisie d'un recours. Toutefois, une telle décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est subordonnée à la double circonstance que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la première demande de réexamen pour irrecevabilité et que le préfet a estimé que cette première demande de réexamen n'a été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement.
5. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme A...a présenté une première demande de réexamen de sa demande d'asile, initialement rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 janvier 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 juillet 2015, qui a été rejetée pour irrecevabilité par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 juin 2017 et, d'autre part, qu'alors qu'une mesure d'éloignement a été prise à son encontre le 7 octobre 2015 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, Mme A...s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà de ce délai. Par suite, la demande de réexamen de Mme A...peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce et alors, au demeurant, qu'elle n'invoque aucun motif ou fait nouveau de nature à se voir octroyer le statut de réfugié, comme ayant eu pour finalité de faire échec à une mesure d'éloignement.
6. D'autre part, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ".
7. Mme A...soutient que, dès lors qu'elle a formé un recours enregistré le 30 août 2017 devant la Cour nationale du droit d'asile, contre la décision du 14 juin 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de réexamen au titre de l'asile, la mesure d'éloignement prise à son encontre le 13 septembre 2017, alors que la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas encore statué, porte atteinte à son droit à un recours effectif. Toutefois, le droit à un recours effectif n'implique pas que l'étranger, qui fait l'objet de la procédure accélérée prévue par l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dispose alors du droit de contester la décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile, où il peut se faire représenter, puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction.
8. Par suite, il résulte des points 3 à 7 que le préfet de la Somme a pu, sans entacher son arrêté attaqué d'erreur de droit, prendre celui-ci sans attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
9. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
10. Si MmeA..., qui déclare être entrée en France le 13 février 2013, soutient qu'elle y vit avec toute sa famille depuis cette date, elle se borne à produire une autorisation provisoire de séjour au nom de sa mère et ne donne aucun élément concernant les autres membres de sa famille. Elle ne justifie pas davantage avoir tissé de " nombreux liens sociaux " depuis son arrivée sur le territoire français, comme elle l'allègue. Si elle fait valoir en cause d'appel qu'elle est étudiante à la faculté de médecine et dispose d'amis à l'université et au sein de la communauté française et nigériane, elle se borne à produire un certificat d'inscription à l'université. Si elle fait en outre valoir qu'elle réside en France depuis plus de quatre années, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, qu'elle s'est maintenue sur le territoire français au-delà du délai de trente jours qui lui était imparti pour quitter le territoire français par une décision du 7 octobre 2015. Enfin, Mme A...ne justifie pas être dénuée de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 16 ans. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, et n'a ainsi pas méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, s'agissant de la décision portant refus de séjour, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En se bornant à soutenir qu'elle " craint pour sa vie, sa liberté et sa sécurité dans son pays d'origine " et qu'il existe une procédure d'asile en cours d'instruction, Mme A...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle serait effectivement et personnellement exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine. D'ailleurs, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis la Cour nationale du droit d'asile, respectivement les 13 janvier et le 25 juillet 2015, puis l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à nouveau le 14 juin 2017, ont rejeté sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2017 du préfet de la Somme. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.
N°18DA00539 5