Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2018, M. C...A..., représenté par Me B...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 juin 2017 par lequel le préfet de l'Eure lui a retiré son titre de séjour, lui a enjoint à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et la décision portant retenue de son passeport.
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an portant mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ; à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et à lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat, ou subsidiairement de mettre à la charge de l'Etat la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code civil ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. H...Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant marocain né le 28 décembre 1989, est entré régulièrement en France le 7 novembre 2015 sous couvert d'un passeport muni d'un visa de long séjour valable du 20 octobre 2015 au 20 octobre 2016. Après avoir contracté mariage le 3 novembre 2014 au Maroc, avec Mme E...G..., de nationalité française, il a obtenu le 20 octobre 2016 un titre de séjour valable un an en tant que conjoint de français sur le fondement de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable jusqu'au 20 octobre 2017. Son épouse a déposé des mains courantes, puis porté plainte pour violences et menaces à l'encontre de M.A..., en produisant deux certificats médicaux constatant une incapacité totale de travailler. Une ordonnance de protection, faisant interdiction à M. A...d'entrer en relation avec son épouse, a été émise par le juge aux affaires familiales le 7 mars 2017. Par arrêté du 7 juin 2017, notifié le 19 septembre 2017, le préfet de l'Eure lui a retiré son titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de l'éloignement et a aussi retenu son passeport. M. A...a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Rouen. Il relève appel du jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges se sont prononcés, au point 7 du jugement attaqué, sur le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement du fait de l'illégalité des décisions portant retrait de son titre de séjour la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qu'il avait soulevé. Si M. A...soutient aussi que ce jugement attaqué est entaché d'omission de réponse au moyen tiré de ce que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit entraîner celle du refus de titre de séjour par voie de conséquence, ledit moyen est en tout état de cause inopérant, le refus de titre de séjour n'ayant pas été pris pour l'application de l'obligation de quitter le territoire français ni sur son fondement.
3. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant lui par M.A..., a suffisamment motivé son jugement dans ses réponses aux moyens tiré du défaut de motivation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, avec un délai de départ volontaire.
4. Pour le reste, il est exact que les premiers juges ont estimé à tort, par une motivation surabondante, que si le requérant soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il ne l'établit pas par les pièces qu'il verse aux débats , pour écarter un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, dès lors qu'ils n'ont pas omis de répondre, pour l'écarter, au moyen soulevé par M.A..., tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui retirant son titre de séjour, ainsi que cela résulte du point 7 du jugement, l'erreur commise par les premiers juges d'ailleurs sans incidence au fond, n'a pas été de nature à entacher le d'irrégularité.
Sur la légalité de la décision du refus de séjour :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). ". D'autre part, aux termes de l'article L. 313-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle doit être en mesure de justifier qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. / Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée ou son renouvellement refusé par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. (...) ".
6. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige, que le préfet de l'Eure, sous le visa notamment des dispositions citées au point 5 dont il est fait application, et de la carte de séjour " vie privée et familiale qui lui a été délivrée valable du 21 octobre 2016 au 20 octobre 2017, s'est fondé sur les procès-verbaux des déclarations de Mme G...auprès des services de police, datés du 26 janvier 2017, du 16 février 2017 et du 26 juillet 2017, sur une main courante effectuée par l'intéressée le 22 février 2017, sur une autre main courante effectuée par sa soeur le 31 janvier 2017, sur des certificats médicaux concordants concernant les violences subies par l'intéressée, ainsi que sur ses plaintes pour violences conjugales et sur l'ordonnance de protection rendue par le juge aux affaires familiales le 7 mars 2017. La décision attaquée, qui indique les motifs de fait et de droit sur lesquelles elle repose, est, par suite, suffisamment motivée.
7. Ensuite, les erreurs matérielles commises par le préfet à propos du numéro du titre de séjour délivré à M.A..., et de sa durée de validité, à l'article 1er de la décision en litige, ne mettent pas non plus M. A...dans l'incapacité de connaître la portée de la décision lui retirant son titre de séjour en cours de validité et de la contester utilement devant le juge de l'excès de pouvoir. Elles ne révèlent pas non plus, compte tenu de l'ensemble des éléments cités au point 6, mentionnés par le préfet, un défaut d'examen séreux de l'ensemble des particularités de sa situation.
8. M. A...a obtenu un titre de séjour valable un an en tant que conjoint de français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable jusqu'au 21 octobre 2017, dont l'obtention est subordonnée à une communauté de vie effective entre les époux. Pour retirer le titre de séjour de M.A..., le préfet de l'Eure se fonde sur les éléments établis par les pièces du dossier, rappelés au point 6 et, sur l'ordonnance de protection adoptée le 7 mars 2017 par le juge aux affaires familiales, prévue à l'article 515-9 du code civil et mentionnée à l'article L.316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui attribue le domicile familial à son épouse et interdit au requérant d'entrer en contact avec celle-ci. Il ressort de ces éléments, qui démontrent la réalité de la rupture de la communauté de vie, que M. A...ne remplissait plus, à la date de la décision en litige, les conditions exigées pour le bénéfice d'une carte de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français. Le préfet de l'Eure n'a, par suite, pas entaché sa décision d'une erreur de droit et ne s'est pas fondé sur des faits inexacts.
9. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".Le préfet de l'Eure a envoyé le courrier du 12 avril 2017 invitant M. A...à formuler ses observations sur la mesure de retrait de titre de séjour qu'il envisageait de prendre à son encontre, à la dernière adresse connue de celui-ci. Il appartenait alors à M.A..., qui disposait d'un titre de séjour, de faire part à la préfecture de son changement d'adresse après le prononcé de l'ordonnance du 7 mars 2017 du juge aux affaires familiales et, en tout état de cause, il a pu retirer ce courrier, qui lui a été notifié. Le courrier envoyé à l'adresse connue de l'administration lui a été remis le 14 avril 2017 et il a, ainsi, été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision en litige. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier ni qu'il ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations, avant que ne soit prise la décision en litige, le préfet de l'Eure n'ayant ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, la circonstance que M. A...a eu notification du courrier du 12 avril 2017 à l'adresse qu'il a indiquée ne peut non plus, comme il le soutient en cause d'appel, établir la poursuite effective d'une vie commune avec son épouse, à laquelle avait en tout état de cause mis fin l'ordonnance de protection analysée au point 7 du juge aux affaires familiales. La décision de retrait de titre de séjour prise par le préfet de l'Eure n'est, dès lors, pas intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
10. M. A...ne peut se prévaloir du bénéfice d'une carte de séjour temporaire ou d'une autorisation provisoire de séjour sur un autre fondement que celui dont il a bénéficié au titre des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'en a pas fait la demande et que le préfet ne se trouve pas en situation de compétence liée pour statuer sur une demande de titre de séjour dont il n'a pas été saisi.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois :
11. La décision portant retrait de titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la mesure d'éloignement n'est pas privée de base légale de ce fait.
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; ( ...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l' objet d'une motivation distincte de celle relative au séjour dans les cas prévus au 3° (...) du présent I. (...) ".
13. En application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du retrait ou du refus de titre de séjour, dont elle découle nécessairement, quand elle a été prise sur le fondement du 3° de ce I, comme en l'espèce. Par suite, dès lors que ce retrait ou refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation d'une telle obligation n'implique pas de mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation des actes administratifs. Ainsi qu'il a été dit, la motivation du retrait de séjour opposé à M. A...par le même arrêté est suffisante. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français manque en fait.
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est récemment arrivé en France, le 7 novembre 2015, et qu'il n'entretient plus de communauté de vie avec son épouse, qui a subi des violences. Il n'a aucune charge de famille en France et n'établit pas non plus être isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. La seule circonstance que son frère, qui réside régulièrement en France, soit marié avec la soeur de son épouse, ne suffit pas à caractériser des attaches personnelles et familiales suffisamment intenses et anciennes. En obligeant M. A...à quitter le territoire, le préfet de l'Eure n'a, dans ces conditions, pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a, par suite, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A...n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.
Sur la légalité de la décision portant retrait du passeport
16. En vertu des dispositions de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière à qui ils remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu.
17. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. La décision attaquée est signée par Mme I...D..., adjointe au chef du bureau de l'immigration, de l'intégration, de l'identité et du développement solidaire de la préfecture de l'Eure, à laquelle délégation a été accordée par l'arrêté du 9 mai 2017 du préfet de l'Eure, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure du même jour, à l'effet de signer, notamment, dans la limite des attributions du bureau, tous documents, correspondances administratives courantes, certificats, documents de séjour et d'identité . Ainsi, le moyen tiré du défaut de publication de cet arrêté, qui n'avait pas été soumis aux premiers juges, comme celui tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire, doivent être écartés.
18. Les modalités de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Dès lors, la circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas sa date de notification est sans incidence sur sa légalité. Le moyen doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
19. A la date de retenue de son passeport, le titre de séjour du requérant avait fait l'objet d'un retrait qui lui avait été notifié et lui était donc opposable. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne se trouvait pas en situation de séjour irrégulier sur le territoire français.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°18DA00326 2