Par une requête enregistrée le 14 mars 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il fixe l'Erythrée comme pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit ;
2°) de rejeter la demande de M. A...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...A..., se disant ressortissant érythréen, né le 20 janvier 1992, a été interpellé le 4 janvier 2018 dans la zone réservée du port de Calais alors qu'il tentait de rendre en Grande-Bretagne en se dissimulant dans la remorque d'un camion. Démuni de tout document pour entrer ou séjourner en France, il a fait l'objet d'un arrêté du 4 janvier 2018 du préfet du Pas-de-Calais, notifié le même jour à 16 heures 10, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et ordonnant son placement en rétention pour une durée de quarante-huit heures. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 12 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté en tant fixe l'Erythrée comme pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit.
2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté ne fixe pas le pays à destination duquel M. A...est susceptible d'être renvoyé, l'intéressé ne possédant aucun document permettant de justifier son identité et sa nationalité et l'administration devant engager des diligences afin de déterminer le pays de destination, par une décision distincte de celle lui faisant obligation de quitter le territoire. Le préfet du Pas-de-Calais est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 4 janvier 2018 en tant qu'il désigne l'Erythrée comme pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de l'arrêté en litige.
Sur les moyens communs aux différentes décisions :
4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés, alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. M. C...B..., chef de la section éloignement de la préfecture du Pas-de-Calais, dispose d'une délégation de signature du 20 mars 2017, par arrêté régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs n° 24 du même jour, à l'effet de signer la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
5. Les décisions contestées comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé. Le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
6. La décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu du premier alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, qui fait d'ailleurs l'objet d'une motivation spécifique. La décision fixant le pays de renvoi est, ainsi, sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. L'adoption de la décision fixant le pays de renvoi conditionne, en revanche, la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'obligation de quitter le territoire, dans les conditions prévues à l'article L. 513-1. Dès lors, la circonstance que l'administration n'édicte pas dans un même acte l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement mais fait obstacle à ce qu'elle puisse être exécutée d'office.
7. Il ressort des pièces du dossier que la préfecture du Pas-de-Calais établit la réalité de ses diligences auprès de l'ambassade d'Erythrée en France afin de se faire confirmer la nationalité de M.A.... Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir constitué par l'absence de mention du pays de destination dans l'arrêté du 4 janvier 2018 doit être écarté.
8. M. A...ne peut utilement se prévaloir du principe de non-refoulement énoncé par les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève, dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel il sera renvoyé et n'a pas non plus pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
9. Il ressort aussi des pièces du dossier que M.A..., qui a refusé de se soumettre au prélèvement d'empreintes digitales prévu par l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a déposé aucune demande d'asile en France, se contentant de confirmer, lors de son audition par les services de police sa volonté de gagner la Grande-Bretagne. Il n'est donc pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues ou qu'une erreur de droit aurait été commise par le préfet du Pas-de-Calais au regard de son besoin allégué de protection internationale.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français serait illégale.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant refus de délai de départ volontaire.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A...ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, il entre dans le champ des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent au préfet du Pas-de-Calais de l'obliger à quitter le territoire français sans délai. Il ne se prévaut d'aucune circonstance particulière qui aurait justifié de lui octroyer un délai de départ volontaire. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de ce code.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 12 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de l'illégalité du refus de délai de départ volontaire à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
14. Contrairement à ce qu'il soutient, M. A...a été informé, par les articles 2 et 4 de la décision litigieuse, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et de la possibilité d'exercer un doit d'accès aux informations. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information complète quant à l'enregistrement aux fins de non-admission doit être écarté.
15. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement sur le territoire français et y séjournait, selon ses déclarations lors de son audition par les services de police, depuis quelques jours lorsqu'il a été interpellé. Il n'a pas cherché à régulariser sa situation, ne se prévaut d'aucune attache privée et familiale en France et indique que son objectif était de gagner la Grande-Bretagne. Par suite, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. A...à l'encontre de l'arrêté préfectoral n'est fondé. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, les conclusions de M. A...à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées
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DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.
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