Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre, Mme C..., représentée par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 février 2020 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de réexaminer sa situation " dans les meilleurs délais " et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1403 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... est une ressortissante arménienne née le 13 mars 1983 à Leninakan (URSS). Elle a déclaré être entrée en France le 4 mars 2009. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 avril 2010 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 juin 2011. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 avril 2014, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 4 mai 2015. Par un arrêté du 15 février 2012, la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Son recours a été rejeté par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 31 mai 2012, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 21 février 2013. Par un arrêté du 27 mars 2018, la préfète de la Somme a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé l'Arménie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français. Le recours pour excès de pouvoir formé par Mme C... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement de ce tribunal du 12 juin 2018, confirmé par une ordonnance du président de la cour de céans du 3 décembre 2018. Mme C... a de nouveau sollicité, le 16 avril 2019, son admission exceptionnelle au séjour. Après avis défavorable de la commission du titre de séjour du 12 novembre 2019, la préfète de la Somme a, par un arrêté du 17 février 2020, refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande, l'a condamnée à une amende d'un montant de 1 000 euros pour recours abusif et a prononcé le retrait de l'aide juridictionnelle.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision vise les stipulations des articles 4, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1, du II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle mentionne les éléments de fait permettant d'apprécier ses conditions de séjour et la situation personnelle de la requérante. Dès lors, elle comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision contestée, ni des pièces produites que la préfète de la Somme n'aurait pas examiné la situation individuelle de Mme C.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen individuel doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
5. En l'espèce, Mme C... déclare être entrée en France en 2009. Sa demande d'asile a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'Office français de la protection des réfugiés et des apatrides le 27 avril 2010, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 avril 2014, décision confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 4 mai 2015. Elle est mariée à un ressortissant arménien, également en situation irrégulière. En outre, elle ne fait état d'aucune insertion professionnelle. Pour fonder sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, Mme C... fait valoir la naissance et la scolarisation en France de ses enfants, son état de santé ainsi que son suivi d'ateliers d'apprentissage de la langue française et de participation à des activités bénévoles au sein de l'association Aratta. Toutefois, aucun de ces éléments n'est de nature à caractériser un motif exceptionnel ou des circonstances humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que prétend Mme C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, Mme C... déclare être entrée en France en 2009. Elle est mariée à un ressortissant arménien, également en situation irrégulière. Contrairement à ce que prétend Mme C..., la préfète de la Somme n'a pas entendu se fonder sur un motif tiré du trouble à l'ordre public que son mari ou la requérante elle-même représenterait. Toutefois, la préfète de la Somme a entendu souligner l'absence d'intégration de l'époux de la requérante en raison des faits pour lesquels il a fait l'objet de condamnations pénales ainsi que l'absence d'intégration de la requérante motivée par le non-respect des précédentes décisions d'éloignement et décisions juridictionnelles les ayant confirmées. L'ensemble de la cellule familiale, y compris les enfants également en situation irrégulière, pourra se reconstituer en Arménie, où Mme C... a vécu jusque l'âge de vingt-six ans et où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. La requérante ne fait valoir aucune insertion professionnelle particulière. Elle fait ensuite valoir qu'elle a suivi la scolarité de ses enfants, qu'elle suit assidument des cours de langue française, qu'elle est engagée au sein de l'association Attara et qu'elle participe à des manifestations socioculturelles. Toutefois, ces éléments, au demeurant peu circonstanciés et reposant, pour la plupart, sur des justificatifs établis il y a plusieurs années, ne sont pas suffisants pour caractériser une insertion sociale particulière. Dans ces conditions, en édictant la décision litigieuse, la préfète de la Somme n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de Mme C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En cinquième lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment du fait que la décision n'a pas vocation à séparer les parents des enfants, âgés de huit et trois ans à la date de la décision contestée, et alors qu'il n'est pas établi qu'il existerait un obstacle à la reconstitution de la cellule familiale notamment en Arménie où la requérante a vécu jusque 2009, pays dont la requérante, le père de ses enfants et leurs enfants ont la nationalité et dans lequel les enfants pourront être scolarisés et pratiqués leurs loisirs, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas méconnu l'intérêt de l'enfant garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est illégale.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
9. La requérante soutient qu'elle souffre de graves pathologies qui nécessitent un suivi médical en France. Elle allègue souffrir d'une maladie périodique et verse un certificat médical indiquant qu'elle doit suivre des soins longs et réguliers. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a fait l'objet d'un arrêté du 15 février 2012 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Son recours a été rejeté par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 31 mai 2012, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 21 février 2013. Mme C..., qui, au demeurant, ne fait état d'aucune aggravation de son état de santé et n'a pas déposé de demande de titre de séjour pour soins, n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Somme disposait, à la date de la décision contestée, d'éléments d'information précis lui permettant d'établir son état de santé était susceptible de la faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
10. Le délai de départ volontaire dont est assortie une obligation de quitter le territoire français, est de droit commun fixé à une durée de trente jours, en application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait demandé un délai supplémentaire au délai de trente jours qui lui a été accordé. En se bornant à soutenir qu'un tel délai est insuffisant au regard de la scolarisation de ses enfants, la requérante ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à justifier la prolongation de ce délai de trente jours.
Sur l'amende pour recours abusif :
12. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
13. Il ressort des pièces du dossier que si Mme C... a déjà présenté des demandes de titre de séjour, ces demandes avaient été présentées pour partie sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et pour partie sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Seule l'une d'entre elles avait donc déjà été sollicitée au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par ailleurs, en l'espèce, la requérante a joint à sa requête une pièce médicale nouvelle et récente. Dès lors, sa demande devant le tribunal administratif d'Amiens ne peut être regardée comme abusive. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné au paiement d'une amende de 1 000 sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :
14. Aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes. Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ". Et aux termes de l'article 51 de la même loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. / Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article 50, le retrait est prononcé par le bureau qui a accordé l'aide juridictionnelle. / Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, les demandes présentées par Mme C... devant le tribunal administratif d'Amiens ne présentaient pas un caractère abusif. Il suit de là que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal lui a infligé une amende pour recours abusif et lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2000883 du tribunal administratif d'Amiens du 23 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête Mme C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise à la préfète de la Somme.
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N°20DA01747