Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020, la préfète de l'Oise demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 14 juillet 2001, est entré en France selon ses déclarations le 17 février 2017 et a été confié à l'aide sociale à l'enfance par ordonnance de placement provisoire du 6 mars 2017. Le 5 août 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 août 2020, la préfète de l'Oise lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé la Guinée comme pays à destination duquel il pourra être éloigné. La préfète de l'Oise relève appel du jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit: / (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L.311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
4. La préfète de l'Oise soutient qu'elle s'est fondée dans son arrêté, sur la menace à l'ordre public que représente M. A... pour lui refuser le titre de séjour visé au point 2. Toutefois, si M. A... a fait l'objet d'une part, le 13 décembre 2018 d'un jugement de mainlevée de la tutelle de l'Etat, du juge des tutelles des mineurs E..., en raison d'excès violents dus à l'alcool et au cannabis et d'une mise en danger de ses camarades, d'autre part, le 27 août 2019 d'une interpellation pour usage de stupéfiants, rébellion et port d'arme blanche selon le fichier relatif traitement des antécédents judiciaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que des poursuites judiciaires auraient été diligentées à son encontre, ni a fortiori qu'il aurait fait l'objet d'une condamnation. Ces faits ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour permettre de considérer que M. A... constituerait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise n'est pas fondée à soutenir que M. A... représentait une menace à l'ordre public à la date de l'arrêté en litige et que ce motif pouvait à lui seul justifier le refus de titre de séjour sollicité.
5. Il ressort des motifs de l'arrêté en litige que refuser le titre de séjour à M. A... dont il est constant qu'il a été pris en charge avant l'âge de seize ans, la préfète de l'Oise s'est également fondée sur la circonstance que l'intéressé, présent en France que depuis trois ans, avait conservé des liens dans son pays d'origine. Toutefois, une note du 2 décembre 2019 de la cellule " mineurs non accompagnés " du département de l'Oise, qui a maintenu un lien avec M. A..., indique que si son comportement avait pu questionner durant plusieurs mois, celui-ci avait effectué un travail sur lui-même et avait réagi de façon favorable. Il a d'ailleurs obtenu son baccalauréat professionnel en juin 2020. Or il ne ressort ni des motifs de l'arrêté, ni des pièces du dossier et en particulier de la " fiche décision mineur non accompagnée " du 18 février 2020, établie par les services de la préfecture six mois avant l'arrêté contesté et selon laquelle les résultats scolaires étaient insuffisants, que la préfète de l'Oise aurait effectué un examen sérieux du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation de M. A.... Dans ces conditions, l'arrêté du 17 août 2020 est entaché d'un défaut d'examen global de la situation de M. A... notamment quant au caractère réel et sérieux du suivi de sa formation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Oise n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté, lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été maintenu de plein droit au profit de M. A.... Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Oise est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me D... B... pour M. C... A....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Oise.
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N°20DA01954
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N°"Numéro"