Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2020, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de M. F... devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant kosovar né le 22 novembre 1997, est entré en France, le 21 février 2015, selon ses déclarations. Il a bénéficié à sa majorité, d'une carte de séjour en qualité d'étudiant à compter du 19 juillet 2016 et renouvelée jusqu'au 15 octobre 2019. Il a alors demandé une carte de séjour " travailleur temporaire " que le préfet du Nord lui a refusée par arrêté du 26 juin 2020, portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Saisi par M. F..., le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. F... dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement ainsi que de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour Le préfet du Nord relève appel de ce jugement du 6 novembre 2020.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / .../2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code [du travail], dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ; ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " et aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; / 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; /
4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; / 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l'emploi sollicité ; /
6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; /
7° Le cas échéant, lorsque l'étranger réside hors de France au moment de la demande et lorsque l'employeur ou l'entreprise d'accueil pourvoit à son hébergement, les dispositions prises par l'employeur pour assurer ou faire assurer, dans des conditions normales, le logement de l'étranger directement ou par une personne entrant dans le champ d'application de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif. Ces dispositions s'appliquent également lorsque l'étranger change d'employeur avant l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 5221-23. ".
3. Pour annuler le refus de titre de séjour du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a jugé que le préfet ne s'est pas livré à un examen sérieux de la situation de M. F.... Il ressort toutefois des pièces du dossier que le 29 janvier 2020, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a rejeté comme irrecevable la demande de la société Triangle d'autorisation de travail de M. F.... En application des dispositions citées au point 2, le préfet ne pouvait donc délivrer une carte de séjour temporaire " travailleur temporaire " à l'intéressé qui ne disposait pas d'une autorisation de travail visée par l'autorité administrative. Il ressort en outre de la décision du 29 janvier 2020 que trois courriers des 23 octobre 2019, 13 novembre 2019 et 27 novembre 2019 ont en vain demandé à l'employeur de compléter le dossier d'autorisation notamment sur la rémunération de M. F... et sur le respect des obligations fiscales et sociales par l'entreprise demanderesse. Si M. F... soutient que le préfet n'établit pas la réalité de ses démarches pour compléter le dossier, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet aurait été destinataire des éléments demandés qui ne sont pas plus fournis par M. F..., de même que son contrat de travail, ni en première instance, ni en appel. Le préfet ne disposait pas, par la faute de l'employeur de M. F..., des éléments prévus par l'article R. 5221-20 pour délivrer l'autorisation de travail. Il n'est donc pas établi que le préfet qui s'est fondé, selon les termes de la décision de refus de titre, sur " l'incomplétude du dossier présenté mais aussi sur l'ensemble des éléments du dossier ", ne se soit pas livré à un examen sérieux de la situation de M. F.... Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif tiré du défaut d'examen pour annuler la décision du préfet du Nord du 26 juin 2020. Il appartient toutefois à la cour saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les autres moyens :
4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a donné délégation à Mme C... A... de la Perrière chef du bureau du contentieux et du droit des étrangers pour signer les refus de titre ainsi que chacune des décisions comprises dans l'arrêté contesté du 26 juin 2020, par un arrêté du 2 janvier 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté pour ce motif.
5. La décision contestée cite les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. F... ne bénéficiait pas d'une autorisation de travail visée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ainsi qu'il a été dit au point 2. Par ailleurs, si l'intéressé soutient que le préfet ne lui a pas demandé de compléter son dossier, le préfet pour sa part fait valoir que cette demande de complément a été adressée sans succès à son employeur. En tout état de cause, l'appelant n'apporte aucun élément sur sa rémunération comme sur le respect par l'entreprise qui avait demandé une autorisation de travail, de ses obligations fiscales et sociales. Par suite, le préfet du Nord n'a pas fait, contrairement à ce que soutient l'intéressé, une inexacte application des dispositions citées au point 2 en refusant à M. F..., une carte de séjour " travailleur temporaire ".
7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
8. En l'espèce, le préfet, bien que saisi d'une demande sur le fondement de l'article L. 313-10 précité s'est également prononcé sur le fondement des dispositions citées au point 7. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est arrivé mineur en France en 2015 et a été confié à l'aide sociale à l'enfance par ordonnance de placement provisoire du 27 février 2015. Il a pu obtenir, à l'issue de sa scolarisation, un certificat d'aptitude professionnelle " préparation et réalisation d'ouvrages électriques " en juin 2018. Il a travaillé très régulièrement chaque mois comme intérimaire de juin 2018 à juin 2020. Il a à ce titre, travaillé pour des volumes horaires supérieurs ou équivalents en moyenne à un plein temps pour la période comprise entre juillet 2018 et janvier 2020. Toutefois, il n'a obtenu un emploi correspondant à sa qualification qu'uniquement pour les périodes du 10 au 20 mars 2020 et du 15 au 19 juin 2020. Par ailleurs, s'il fait valoir ses relations amicales, il ne produit que des attestations peu circonstanciées à l'appui de ses allégations. Il a fait l'objet, le 23 octobre 2019, d'une condamnation à trois mois de prison avec sursis pour détention non autorisée de stupéfiants, puis à nouveau le 8 janvier 2020, également à trois mois de prison avec sursis pour vol en réunion. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine où vivent ses parents. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 précité. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté de même que le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors d'ailleurs que l'intéressé n'a pas demandé de titre sur ce dernier fondement.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que les conclusions d'annulation du refus de titre ne peuvent qu'être rejetées. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. F... :
10. Si M. F... fait valoir qu'il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en raison de son état de santé, il n'établit pas qu'il nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni a fortiori qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté.
11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
Sur les autres décisions :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 11 que les conclusions d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions portant délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. M. F... ne soulevant aucun autre moyen concernant ces décisions, ses conclusions d'annulation des décisions lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 juin 2020. Par suite, les conclusions d'annulation de M. F... étant rejetées, ses conclusions au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 6 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. F... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me D... E... pour M. B... F....
Copie sera transmise au préfet du Nord.
N° 20DA01820 6