1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande du groupe hospitalier public du sud de l'Oise ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 23 %, conformément au rapport d'expertise, et de limiter le montant de sa condamnation à la somme de 2 400 euros ;
3°) en tout état de cause, de limiter la part des frais d'expertise mise à sa charge à 23 % au plus et de mettre à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise la somme de 15 000 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit en écartant sa fin de non-recevoir tirée de ce que le principe de l'unicité du décompte des marchés de travaux s'oppose à ce que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise lui réclame la somme litigieuse, qui a vocation à figurer dans le décompte général du marché, la créance n'étant ainsi pas encore exigible lors de la saisine du juge ;
- le tribunal administratif d'Amiens a dénaturé les pièces du dossier et plus précisément les stipulations de l'article 7.2 du cahier des clauses administratives particulières en en tirant une obligation de vérifier les cotes des bâtiments existants alors que ces stipulations ne portent que sur les seuls ouvrages souterrains ou enterrés ;
- elle n'avait pas plus à vérifier les cotes des bâtiments existants figurant dans les pièces du marché sur le fondement des articles 1.4.2, 1.5 et 3.4.9.2. des spécifications techniques particulières, contrairement à ce que soutiennent le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ;
- sa part de responsabilité, au titre de la garantie de parfait achèvement, ne saurait, en tout état de cause, excéder 23 % comme l'a relevé à juste titre l'expert désigné par le tribunal administratif d'Amiens, au terme d'une expertise qui n'est pas critiquée par le maître d'ouvrage ; l'expert a retenu que les données qui lui ont été communiquées pour fixer les cotes altimétriques des ouvrages existants étaient insuffisantes, ce qui explique 75 % des décalages de niveau ;
- le maître d'ouvrage avait connaissance de ces erreurs et insuffisances des données fournies aux constructeurs ; il ne les en a pourtant pas informés et a joint au dossier de consultation des entreprises des données qu'il savait pertinemment erronées ; il a ainsi commis une faute de nature à l'exonérer partiellement de sa responsabilité ; s'y ajoute le fait que les niveaux des projets étaient figés aux termes de l'article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot " gros oeuvre " ce qui est aussi de nature à atténuer sa responsabilité ;
- le maître d'oeuvre a, certes, également commis une faute en se fondant exclusivement sur des données altimétriques insuffisantes mais C... faute ne peut exonérer le maître d'ouvrage de la faute qu'il a commise, de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité ;
- aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'impropriété à la destination n'a été retenue par l'expert, de sorte que le maître d'ouvrage n'est pas fondé à demander une indemnisation des désordres sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
- le préjudice invoqué par le groupement hospitalier public du sud de l'Oise est futur et incertain de sorte qu'il ne peut être indemnisé ;
- l'expert a commis une double erreur dans le calcul du quantum du préjudice, d'une part, en se fondant sur un prix unitaire de chape de 700 euros par m² alors que ce prix est de 500 euros par m² et, d'autre part, en procédant au calcul du coût des travaux sur la base de cinq niveaux alors que seuls les niveaux R+7 et R+8 dépassent les cotes admissibles ;
- une partie des travaux de reprise préconisés par l'expert porte sur des zones du bâtiment concernées par la résiliation partielle du marché, de sorte qu'elle ne peut être tenue de les indemniser ; ces travaux ne pourront être réalisés que dans le cadre de nouveaux travaux d'aménagement et ne peuvent être réalisés à ce jour de sorte que le préjudice invoqué n'est pas certain ;
- elle ne peut être ainsi reconnue débitrice d'une somme supérieure à 2 400 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2017, la SAS Agence Michel I... et associés et M. D... L..., représentés par Me J... E... et Me M... K..., concluent :
1°) à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a jugé ne pas y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie dirigé contre les membres de la maîtrise d'oeuvre ;
2°) à la mise à la charge de la société Brézillon de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la société Brézillon a manqué à son obligation de vérifier les cotes des bâtiments existants figurant dans les pièces du marché, notamment sur le fondement des articles 1.4.2, 1.5 et 3.4.9.2. des spécifications techniques particulières, et ne l'a pas alertée de C... difficulté ;
- le maître d'ouvrage a aussi commis une erreur sachant les plans erronés et en ne donnant pas suite à un précédent marché qui avait pour objet la vérification de ces plans ce qui aurait permis de les corriger ;
- leurs préconisations tendant à réaliser les bâtiments aux cotes les plus hautes étaient appropriées ainsi que l'a relevé l'expert ;
- ils n'ont pas manqué à leur devoir de conseil ;
- la garantie décennale des constructeurs ne peut trouver à s'appliquer dès lors qu'une réserve a été émise à la réception s'agissant des désordres dont le maître d'ouvrage demande réparation ; les ouvrages concernés par les désordres ne sont pas utilisés ; s'agissant des désordres constatés au rez-de-chaussée et au premier étage, la réception a été prononcée et plus aucun risque n'existe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2019 et 30 avril 2019, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par Me A... H..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, in solidum de la société Brézillon et de la société Agence Michel I... et associés, en tant que mandataire du groupement composé d'elle-même, de la société Jacobs France et de la société Economie 80, à lui verser la somme de 95 760 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant le niveau des planchers du centre hospitalier et des troubles de jouissance en résultant ;
3°) à titre très subsidiaire, à la condamnation, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, in solidum la société Brézillon et la société Agence Michel I... et associés, en tant que mandataire du groupement composé d'elle-même, de la société Jacobs France et de la société Economie 80, à lui verser la somme de 95 760 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres, malfaçons, vices de conception, fautes de surveillance et non conformités ainsi que les troubles de jouissance en résultant ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où seule la responsabilité partielle de la société Brézillon serait retenue, à ... et de la société Economie 80, à lui verser la part restante de la somme de 95 760 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice subi et la part restante des frais d'expertise qui s'élèvent à la somme de 8 196,61 euros toutes taxes comprises ;
5°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 15 000 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée, soit mise à la charge de la société Brézillon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il n'a commis aucune faute ;
- le moyen tiré de l'absence de critique utile et pertinente à l'encontre du rapport d'expertise est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la société Brézillon est engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
- à titre encore plus subsidiaire, le partage de responsabilité ne peut intervenir qu'entre la société Brézillon et la maîtrise d'oeuvre, C... dernière ayant commis des fautes dans la direction et la surveillance de l'exécution des marchés, et dans leur devoir de conseil à son égard.
La clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 2 mai 2019 à 12 heures.
La requête et les mémoires ont été communiqués à la société Economie 80, à la société 49° Nord et à la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me N... O..., représentant le groupe hospitalier public du sud de l'Oise.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier Laennec de Creil, devenu le groupe hospitalier public du sud de l'Oise après son regroupement avec le centre hospitalier de Senlis, a décidé d'engager des travaux portant sur sa restructuration et son extension, dont il a confié la maîtrise d'oeuvre, par un marché conclu le 10 juillet 2003, au groupement composé de M. G... I..., mandataire du groupement, auquel s'est substituée la SAS Agence Michel I... et Associés par avenant du 19 décembre 2006, la société Jacobs France, aux droits de laquelle est venue en cours de première instance la société Nox industrie et process, et de la société Economie 80. Par un acte d'engagement signé le 10 mars 2010, la SA Brézillon s'est vu confier le lot n° 1 " Clos et couvert " du marché de travaux de restructuration et extension de l'hôpital. Ce marché a été partiellement résilié pour motif d'intérêt général, seule la phase 1 ayant été maintenue. Le 27 juin 2013, le maître d'ouvrage a prononcé la réception, avec effet au 7 juin 2013 et assortie de réserves, de ce marché. L'une des réserves portait sur les différences de niveaux de planchers entre le bâtiment C, existant, et ceux, nouveaux, C'et E10. A la demande du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, la présidente du tribunal administratif d'Amiens a, par une ordonnance du 18 avril 2014, désigné un expert ayant notamment pour mission de constater et de déterminer la cause et l'origine de ces désordres. L'expert a remis son rapport le 8 décembre 2014. A la demande du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement du 2 mai 2017, condamné la société Brézillon, au titre de la garantie de parfait achèvement, à verser au groupe hospitalier public du sud de l'Oise la somme de 95 760 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice résultant des désordres affectant le niveau des planchers du centre hospitalier. La société Brézillon relève appel de ce jugement. Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise demande, à titre subsidiaire par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, la condamnation in solidum des sociétés Brézillon et Agence Michel I... et associés, sur le fondement de la garantie décennale ou, à défaut, de la responsabilité contractuelle, à lui verser la somme de 95 760 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice résultant des désordres précités.
Sur les conclusions de l'appel principal :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société Brézillon :
2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire.
3. Il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.
4. D'une part, en l'absence de toute stipulation contractuelle imposant une procédure amiable obligatoire au maître de l'ouvrage avant la saisine du juge administratif du contrat, les principes mentionnés aux points 2 et 3 ne faisaient pas obstacle à ce que, avant l'établissement du décompte général du marché, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise demande au tribunal administratif d'Amiens la condamnation de la société Brézillon à l'indemniser du coût de la réparation de malfaçons sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou de la responsabilité décennale, ou même de la responsabilité contractuelle pour les parties de l'ouvrage réservées lors de la réception et dont les réserves n'avaient pas été levées. D'autre part, la notification le 1er juin 2015, soit au cours de la première instance, du décompte général du marché confié à la société Brézillon, arrêté par le maître d'ouvrage le 21 mai 2015, qui est assorti d'une réserve portant sur les travaux nécessaires à la réparation des désordres mentionnés au point 1 et qui comporte, au débit de l'entreprise, une somme de 95 760 euros correspondant au montant des réparations de ces désordres, n'était pas de nature à révéler l'irrecevabilité de la requête et n'a, en tout état de cause, pas eu non plus pour effet de la rendre sans objet compte tenu de C... réserve. Par suite, ainsi que l'a exactement jugé le tribunal administratif d'Amiens, la société Brézillon n'est pas fondée à soutenir que les conclusions du groupement hospitalier public du sud de l'Oise tendant à sa condamnation étaient prématurées et, partant, irrecevables.
En ce qui concerne sa responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement :
5. Aux termes de l'article 44 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, ou de six mois à compter de C... date si le marché ne concerne que des travaux d'entretien ou des terrassements. / Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux et prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux 5 et 6 de l'article 41 /.../ Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. /.../ " . Aux termes de l'article 41 du même cahier : " /.../ 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44 /.../ ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " 2. Repérage et piquetage spécial des ouvrages souterrains ou enterrés : Le repérage et le piquetage des réseaux existants dans l'emprise et hors emprise des travaux, seront effectués par l'entrepreneur titulaire ou mandataire et à ses frais, suivant les documents et renseignements fournis par le maître d'ouvrage. / L'entrepreneur titulaire du lot clos-couvert pour les réseaux sous bâtiments. / L'entrepreneur titulaire du lot VRD pour les réseaux hors emprise des bâtiments. / La vérification des cotes du bâtiment existant et des niveaux incombe à l'entreprise de chaque corps d'état en ce qui concerne sa spécialité. ".
7. Enfin, aux termes de l'article 1.2 des spécifications techniques particulières relatives aux terrassements, fondations, structure et gros oeuvres du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) : " /.../ Les niveaux du projet sont figés pour raccordement avec les existants conservés /.../ ". Aux termes de l'article 1.4.2. des mêmes spécifications : " L'entreprise est réputée avoir été choisie comme spécialiste. En conséquence, elle devra signaler au maître d'oeuvre, avant signature du marché, tout manquement qu'elle aura pu déceler ", et aux termes de l'article 1.5. des mêmes spécifications : l'entreprise doit constater " In situ les ouvrages existants dans l'emprise des travaux et devant être démolis, déposés, ou nécessitant un dévoiement. En ce sens, elle s'appuiera sur les documents concernant mes existants disponibles auprès de la maîtrise d'ouvrage : / plans géomètres de nivellement et des galeries existantes : plans géomètre des bâtiments existants. / Elle doit signaler au maître d'oeuvre toute anomalie ou discordance susceptible d'avoir une influence sur la réalisation des travaux. / Aucune réclamation argumentant d'une méconnaissance du site, des contraintes et sujétions diverses ne sera admise. ", et enfin aux termes de l'article 3.4.9.2. des mêmes spécifications : " avant toute opération de pose, les contrôles suivants sont effectués : / - exactitude des repères de référence, dans la limite des tolérances admises (niveaux, nus axes) ".
8. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, il résulte de l'instruction que la réception des travaux confiés à la société Brézillon a été prononcée le 27 juin 2013, avec effet au 7 juin 2013, et que C... réception a été assortie de plusieurs réserves, dont une relative aux " niveaux du bâtiment [qui] ne se raccordent pas parfaitement au bâtiment C existant en terme d'altimétrie ". Il ressort du rapport d'expertise que, lors des travaux d'aménagement du rez-de-chaussée et du premier étage du bâtiment C existant, les différences d'altimétrie concernant ces deux niveaux ont été résolues par le rehaussement de la chape, qui a permis de rattraper le niveau le plus élevé des ouvrages neufs. En revanche, il ressort de ce même rapport d'expertise que, pour les étages supérieurs R+2 à R+8, il existe un écart d'altimétrie entre les points extrêmes du bâtiment C existant et les ouvrages neufs, en particulier la cage d'escalier E10, qui va jusqu'à 61 millimètres. S'il est vrai que les dénivelés ont été absorbés provisoirement par la réalisation de rampes, C... circonstance n'est pas de nature à rendre les ouvrages conformes aux stipulations contractuelles ni aux règles de l'art comme l'a relevé l'expert.
9. Il ressort du même rapport d'expertise que les différences de niveau entre les nouveaux ouvrages et l'ouvrage existant est imputable pour 23 % à la réalisation par la société Brézillon des ouvrages neufs au-dessus des cotes admissibles par les règles de l'art. En méconnaissant ainsi les règles de l'art, la société Brézillon a commis une première faute de nature à engager sa responsabilité.
10. L'expert a également relevé dans son rapport que, pour les 77% restants, les différences de niveau résultent du fait que les cotes de réalisation prévues par les documents particuliers du marché étaient basées sur un relevé de géomètre du bâtiment C existant, établi en novembre 2002, qui était erroné et insuffisant compte tenu de la superficie des ouvrages. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif d'Amiens, les stipulations, citées au point 6, du dernier alinéa du paragraphe 2 de l'article 7 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, qui sont consacrées aux ouvrages souterrains ou enterrés, ne peuvent être regardées, nonobstant leurs termes, comme concernant nécessairement des ouvrages aériens. Il ne peut donc être tiré de ces stipulations une obligation de l'entrepreneur de vérifier sur place les cotes des bâtiments aériens existants avant l'établissement des plans d'exécution des ouvrages. Toutefois, s'il résulte aussi des stipulations de l'article 1.2 des spécifications techniques particulières relatives aux terrassements, fondations, structure et gros oeuvres du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) citées au point 7 que les niveaux du projet sont figés pour raccordement avec les existants conservés, il résulte aussi des autres stipulations citées au même point que l'entrepreneur est tenu d'agir dans les règles de l'art, notamment en contrôlant l'exactitude des repères et en signalant au maître d'oeuvre toute anomalie ou discordance susceptible d'avoir une influence sur la réalisation des travaux. En ne procédant pas à ces vérifications, la société Brézillon a manqué à ses obligations contractuelles. C... seconde faute a concouru, pour partie, à la réalisation des dommages résultant des différences de niveau entre le bâtiment existant et les bâtiments neufs pour les 77 % restants.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Brézillon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a jugé qu'elle avait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité au titre de la garantie de parfait achèvement.
Sur les conclusions d'appel provoqué du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à l'encontre du maître d'oeuvre :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le maître d'oeuvre en première instance :
12. Si la société Agence Michel I... et associés a fait valoir en première instance que le maître d'ouvrage n'ayant pas fait figurer la somme nécessaire à la levée des réserves dans le décompte général définitif de l'entreprise, il n'est pas fondé à solliciter sa condamnation au paiement de C... somme, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le décompte général notifié par le maître d'ouvrage comportait bien une telle somme au débit de l'entreprise. Par suite, la fin de non-recevoir doit, en tout état de cause, être écartée.
En ce qui concerne la garantie décennale :
13. Il ne résulte pas de l'instruction que la réserve dont la réception de l'ouvrage a été assortie le 27 juin 2013, portant sur les différences de niveau entre le bâtiment C existant et bâtiments neufs, ait été levée. Par suite, C... circonstance fait obstacle à ce que la responsabilité décennale des constructeurs soit engagée pour la partie de l'ouvrage réservée.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de droit commun :
14. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception de l'ouvrage est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.
15. En sa qualité de maître d'oeuvre, la société Agence Michel I... et associés était chargée, notamment, d'une mission de direction de l'exécution du marché, comme le rappelle en particulier l'article 1.6 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d'oeuvre, et qu'il est tenu à un devoir général de conseil et d'information du maître d'ouvrage dans la conception ou la surveillance des travaux. Il résulte de l'instruction que l'expert a relevé que " les niveaux auxquels devaient être livrés les ouvrages neufs sont indiqués sur les plans d'appel d'offres réalisés par la maîtrise d'oeuvre " et que " la maîtrise d'oeuvre s'est contentée des relevés de 2002 pour fixer les cotes des ouvrages définitifs ". Ainsi, les désordres sont également imputables à une faute de conception du maître d'oeuvre, qui, contractuellement chargé des études de conception et de l'établissement du dossier de consultation des entreprises, s'est fondé, pour établir ceux-ci, sur un relevé de géomètre de 2002 manifestement erroné et insuffisant, sans faire ni vérifier les cotes de ce relevé, ni procéder à de nouvelles mesures. Par suite, le maître de l'ouvrage est fondé à soutenir que le maître d'oeuvre a, lui aussi, commis une faute ayant concouru à la réalisation des dommages.
Sur l'imputabilité des préjudices, le partage des responsabilités et les causes exonératoires :
16. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que 23 % des désordres sont exclusivement imputables à la société Brézillon. Il résulte en outre de ce qui a été dit aux points 10 et 15 que la société Brézillon et la société Agence Michel I... et associés ont, chacune, commis des fautes ayant concouru à la réalisation des 77% des désordres restants.
17. Les sociétés Brézillon et Agence Michel I... et associés font valoir que le maître d'ouvrage a, lui aussi, commis une faute de nature à les exonérer de leur responsabilité. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les 77 % restants des désordres " sont dus au fait que les cotes de réalisation demandées ne se basent que sur un document réalisé en 2002 par le cabinet AEBY. / Celui-ci fait suite à un seul relevé par niveau du bâtiment existant ce qui est nettement insuffisant compte tenu de la superficie des ouvrages. / Ceux-ci présentent en effet des variations sur un même niveau pouvant atteindre 33 mm. / C... insuffisance est connue de la maîtrise d'ouvrage qui a lancé, en 2004, une consultation de vérification. ". Ainsi, alors que le maître d'ouvrage avait connaissance du caractère erroné et insuffisant des plans de géomètre établis en 2002, il résulte de l'instruction que, non seulement il n'a pas donné suite au devis d'un géomètre établi à sa demande en vue de la reprise de ces mesures à la suite de la consultation qu'il a lui-même lancée en 2004, mais encore n'a-t-il informé ni le maître d'oeuvre ni l'entrepreneur des erreurs et insuffisances desdits plans, qui ont servi de référence, comme il a été dit au point 15, pour la constitution des pièces du marché sur la base desquelles les travaux ont été réalisés. Dans ces conditions, les sociétés Brézillon et Agence Michel I... et associés sont fondées à soutenir que le groupement hospitalier public du sud de l'Oise a, lui aussi, commis une faute ayant concouru à la réalisation des 77% des désordres restants, ainsi de nature à les exonérer partiellement de leur responsabilité respective au titre de C... part du dommage. Il sera fait une juste appréciation de C... exonération en la fixant à 30 % du montant qui sera mis à la charge des sociétés Brézillon et Agence Michel I... et associés.
Sur le préjudice indemnisable :
18. La société Brezillon fait valoir que le préjudice invoqué par le groupement hospitalier public du sud de l'Oise est " futur et incertain " de sorte qu'il ne pourrait être indemnisé, et qu'une partie des travaux de reprise préconisés par l'expert porte sur des zones du bâtiment concernées par la résiliation partielle du marché, de sorte qu'elle ne peut être tenue de les indemniser. Il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, les constatations de l'expert montrent l'actualité et la réalité des désordres et donc le caractère certain du préjudice, et, d'autre part, que dès lors le maître d'ouvrage ne pourra qu'engager des travaux de réfection pour réparer lesdits désordres, ainsi que l'a aussi relevé le rapport d'expertise qui mentionne que " le problème ne pourra être complètement résolu qu'après réalisation de nouveaux travaux d'aménagement ", C... circonstance n'a pas pour effet de conférer un caractère éventuel au préjudice.
19. La société Brézillon soutient également que l'expert a commis une erreur dans le calcul du quantum du préjudice en se fondant sur un prix unitaire de chape de 700 euros par m² alors que ce prix serait de 500 euros par m². Toutefois, le devis qu'elle produit n'est pas de nature, à lui seul, à remettre en cause la base de calcul retenue par l'expert. Si la société Brézillon fait également valoir que l'expert a commis une erreur en procédant au calcul du coût des travaux sur la base de cinq niveaux alors que seuls les niveaux R+7 et R+8 dépassent les cotes admissibles selon les règles de l'art, il n'en reste pas moins que l'expert a aussi constaté des différences de niveau entre les bâtiments existants et nouveaux, et ce pour tous les niveaux à partir du R+2 jusqu'au R+8, révélant ainsi un désordre qu'il est nécessaire de réparer pour l'ensemble de ces niveaux.
20. Il y a donc lieu de retenir le montant de l'indemnité calculé par l'expert, à savoir, d'une part, une somme de 18 200 euros hors taxes, soit 21 840 euros toutes taxes comprises, pour la part de 23 % des désordres exclusivement imputables à la société Brézillon, et, d'autre part, une somme de 61 600 euros hors taxes, soit 73 920 euros toutes taxes comprises, pour les 77% des désordres restants correspondant au coût des travaux chiffrés par l'expert pour la résorption des dénivelés des cinq niveaux. Il y a lieu, après déduction de l'exonération partielle de 30 % correspondant à la faute du maître de l'ouvrage mentionnée au point 17, de mettre à la charge, in solidum, ainsi que le demande le maître d'ouvrage, de la société Brézillon et du maître d'oeuvre la somme restante de 51 744 euros toutes taxes comprises.
Sur les dépens :
21. Compte tenu de ce qui précède et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 8 196,61 euros toutes taxes comprises, à la charge de la société Brézillon à hauteur de 50%, soit une somme de 4 098,31 euros, à la charge de la société Agence Michel I... et associés à hauteur de 25%, soit la somme de 2 049,15 euros, et à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à hauteur de 25 %, soit la somme de 2 049,15 euros.
22. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la société Brézillon est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à sa charge les sommes de 95 760 euros toutes taxes comprises au titre de la réparation des désordres et de 8 196,61 euros au titre des frais d'expertise alors qu'il y a lieu de ramener ces sommes, respectivement, à 21 840 euros toutes taxes comprises et 4 098,31 euros. D'autre part, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise est fondé à demander que la société Brézillon et la société Agence Michel I... et associés soient condamnées in solidum à lui verser la somme de 51 744 euros toutes taxes comprises. Enfin, il y a lieu de laisser à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise la somme de 2 049,15 euros au titre des frais d'expertise et de rejeter le surplus des conclusions des parties.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la société Brézillon est condamnée à verser au groupe hospitalier public du sud de l'Oise est ramenée à 21 840 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : La société Brézillon et la société Agence Michel I... et associés sont condamnées in solidum à verser au groupe hospitalier public du sud de l'Oise la somme de 51 744 euros toutes taxes comprises.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 8 196,61 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge de la société Brézillon à hauteur de 50%, soit une somme de 4 098,31 euros, à la charge de la société Agence Michel I... et associés à hauteur de 25%, soit la somme de 2 049,15 euros et à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise à hauteur de 25 %, soit la somme de 2 049,15 euros.
Article 4 : Le jugement n° 1401892 du 2 mai 2017 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Brézillon, au groupe hospitalier public du sud de l'Oise, à la SAS Agence Michel I... et associés, à M. D... L..., à la société Economie 80, à la société 49° Nord et à la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France.
Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- M. Hervé Cassara, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 juillet 2019.
Le rapporteur,
Signé : H. CASSARA
Le président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
N°17DA01088 12