Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2020, M. H... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... B..., de nationalité guinéenne, né le 29 novembre 1996 à Kaporo-Rails (Guinée), a déclaré être entré sur le territoire national le 18 novembre 2013, en situation irrégulière. Il a été confié à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) le 14 février 2014 à l'âge de 17 1/2 ans en qualité de mineur étranger isolé. Il s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 8 octobre 2015 au 7 octobre 2016, renouvelé annuellement jusqu'au 7 octobre 2018. Il a sollicité le 29 septembre 2018 le renouvellement de son titre de séjour en qualité de mineur étranger isolé. Par arrêté du 28 décembre 2018, le préfet du Nord a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Sur les moyens communs aux décisions en litige :
2. Par un arrêté du 16 mai 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes du département du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A... D..., adjointe à la cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, en particulier, les décisions attaquées. La circonstance que Mme G... F..., cheffe du bureau précité ait été ou non indisponible est sans incidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté comme tel.
3. Les décisions en litige comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent à M. B... de les discuter et au juge de les contrôler. Elles sont donc suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le fait qu'il ne soit pas fait mention de tous les éléments factuels de la situation personnelle de l'intéressé n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur le refus de renouvellement du titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du CESEDA : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France ".
5. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Or dans la lettre de motivation de sa demande de titre de séjour du 5 octobre 2018, versée au dossier de première instance, M B... a expressément indiqué qu'il avait obtenu son diplôme, qu'il souhaitait un " changement de statut " pour pouvoir " s'inscrire à Pôle Emploi " et qu'il demandait un titre " vie privée et familiale ". Il ne peut être regardé comme ayant sollicité un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par suite, les moyens tirés l'erreur de droit, de fait et d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-7 doivent être écartés.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger :1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". ". Aux termes de l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. (...) ".
7. En remplissant sa demande de renouvellement de titre de séjour, M. B... a déclaré, " être à la recherche d'emploi ", après avoir occupé un emploi auprès " d'Engie Cofely " dans le cadre d'un contrat d'apprentissage, contrat relevant des articles L. 6211-1 et suivants du code du travail, dont la validité avait couru du 5 septembre 2016 au 21 aout 2018. Dans ces conditions, et alors qu'il ne démontre pas avoir versé copie de ce contrat, dont la validité avait d'ailleurs expiré, il ne peut faire reproche au préfet de ne pas l'avoir visé dans l'arrêté contesté et soutenir qu'il lui ouvrait droit à l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B..., comme cela ressort des pièces du dossier, n'a pas demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Aussi les moyens tirés de ce que le préfet, aurait méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, et commis une erreur de fait, de droit et une erreur d'appréciation doivent être rejetés.
8. En troisième lieu, aux termes du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
9. Comme il a été dit au point 1, M. B... a déclaré être entré sur le territoire national le 18 novembre 2013, en situation irrégulière et avoir été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné. Il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en 2016 puis un baccalauréat professionnel électrotechnique en 2018 dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Il soutient que le centre de sa vie privée, sociale et professionnelle est situé en France, pays dans lequel il vit depuis plus de cinq ans et qu'il n'a plus de contact avec son pays d'origine, ses parents étant décédés. Toutefois, M. B... n'établit pas avoir des attaches familiales et personnelles en France, il, est célibataire sans enfant. Il ne démontre pas qu'il ne pourrait pas se réinsérer dans son pays d'origine et il n'est pas contesté qu'il a des attaches familiales en Guinée, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. Dans ces conditions, eu égard tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de celles de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être rejetés. Le préfet du Nord ne peut pas plus être regardé comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B.... Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être également rejeté.
10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation du refus de renouvellement du titre de séjour doivent être rejetées.
Sur obligation de quitter le territoire national :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux point 2 à 9, que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour.
12. Comme il a été dit au point 9, M. B... ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle d'une particulière intensité et stabilité. Par conséquent, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, M. B... ne faisant état ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 10, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur le délai de départ volontaire :
15. Le préfet du Nord mentionne, dans la décision attaquée, faire application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui précise que M. B... est entré de manière irrégulière en France, qu'il est célibataire et sans charge d'enfant a suffisamment motivé sa décision en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée manque en fait et en droit et doit, dès lors, être écarté.
16. Le délai de départ volontaire, dont est assortie une obligation de quitter le territoire français, est de droit commun fixé à une durée de trente jours, en application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'appelant ne fait valoir aucune circonstance justifiant d'accorder un délai supérieur et n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision portant fixation du délai de départ volontaire à trente jours doivent être rejetées.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la mesure d'éloignement doit être écarté.
19. M. B... ne fait état d'aucun élément permettant de considérer qu'il serait soumis à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de son retour en Guinée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision a méconnu ces stipulations, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
20. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doivent être rejetées.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
22. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... E... pour M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
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N° 20DA00379