Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2020 le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement dans son intégralité.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier ;
- aucun des moyens soulevés dans la demande de première instance n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 3 février 2021, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) le rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; dans le cas d'une illégalité externe, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, dans l'un et l'autre cas sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 ;
- le décret n°2010-112 du 2 février 2010 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les observations de Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais, né le 10 décembre 1997, a déclaré être entré en France le 12 septembre 2017. Le 21 novembre 2017, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile qui a été refusée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 18 avril 2018, et par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 avril 2019. Par arrêté du 21 avril 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait demandé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 3 novembre 2020 le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 21 avril 2020, fait injonction au préfet de la Seine-Maritime, ou au préfet territorialement compétent, de délivrer à M. C... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement dans son intégralité.
Sur la régularité du jugement :
2. Si le préfet de la Seine-Maritime soutient que les premiers juges ont retenu à tort l'erreur manifeste d'appréciation qu'il aurait commise sur la situation de M. C... un tel moyen a trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le moyen retenu par le tribunal :
3. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime, le tribunal administratif a considéré, compte tenu notamment des liens tissés sur le territoire national par M. C..., de ce qu'un couple lui permet de soigner la pathologie dont il souffre, que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'intéressé et a ainsi entaché d'illégalité son arrêté de refus de titre de séjour.
4. Toutefois, M. C... est célibataire, sans enfant à charge et n'est présent en France que depuis deux ans et demi à la date de l'arrêté contesté. Il ne conteste pas que des membres de sa famille résident dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans, et notamment son père qui, selon son récit devant la Cour nationale du droit d'asile, a financé son départ et un cousin qui l'a accueilli pendant trois ans. Aucun élément ne vient étayer ses allégations selon lesquelles il n'entretiendrait plus de liens avec sa famille. Il a déclaré, dans sa demande d'asile, ne pas avoir de famille ni en France, ni en Europe. S'il soutient être pris en charge par une famille avec laquelle il a tissé des liens et participer à des actions au sein d'une association militante, ces circonstances en elles-mêmes, alors que sa présence en France est très récente, ne suffisent pas à caractériser son intégration sur le territoire national. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour erreur manifeste d'appréciation sur la situation de M. C..., l'arrêté du 21 avril 2020.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du 21 avril 2020.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait et doit être écarté comme tel.
7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article R. 313-23 de ce code et de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé, établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis.
8. Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives : " I. - Un référentiel général de sécurité fixe les règles que doivent respecter les fonctions des systèmes d'information contribuant à la sécurité des informations échangées par voie électronique telles que les fonctions d'identification, de signature électronique, de confidentialité et d'horodatage. Les conditions d'élaboration, d'approbation, de modification et de publication de ce référentiel sont fixées par décret. / II. - Lorsqu'une autorité administrative met en place un système d'information, elle détermine les fonctions de sécurité nécessaires pour protéger ce système. Pour les fonctions de sécurité traitées par le référentiel général de sécurité, elle fixe le niveau de sécurité requis parmi les niveaux prévus et respecte les règles correspondantes. Un décret précise les modalités d'application du présent II. / III. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 2 février 2010 pris pour l'application des articles 9, 10 et 12 de cette ordonnance : " Le référentiel général de sécurité prévu par l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 susvisée fixe les règles auxquelles les systèmes d'information mis en place par les autorités administratives doivent se conformer pour assurer la sécurité des informations échangées, et notamment leur confidentialité et leur intégrité, ainsi que la disponibilité et l'intégrité de ces systèmes et l'identification de leurs utilisateurs. / Ces règles sont définies selon des niveaux de sécurité prévus par le référentiel pour des fonctions de sécurité, telles que l'identification, la signature électronique, la confidentialité ou l'horodatage, qui permettent de répondre aux objectifs de sécurité mentionnés à l'alinéa précédent. / La conformité d'un produit de sécurité et d'un service de confiance à un niveau de sécurité prévu par ce référentiel peut être attestée par une qualification, le cas échéant à un degré donné, régie par le présent décret ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le rapport médical établi par le Dr Marc Baril a été transmis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui l'a expressément visé et a repris les éléments de procédure établis au stade de son élaboration. L'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 février 2020, versé au dossier, indique que ce collège était composé de trois médecins et que ce collège, qui n'a pas eu recours au complément d'information prévu par l'article 7 de l'arrêté précité, s'est estimé suffisamment informé. L'avis mentionne qu'il a été émis après qu'il en a été délibéré par le collège. La mention ainsi portée sur cet avis, qui comporte la signature des trois médecins ayant composé ce collège, fait foi jusqu'à preuve du contraire, sans qu'il soit besoin d'exiger de l'administration la production d'aucun document qui établirait le respect de l'exigence de délibération, préalable à l'émission de l'avis, posée par les dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette preuve contraire n'est pas apportée par les seules allégations de l'intéressé selon lesquelles il ne serait pas établi que cet avis aurait été émis à l'issue d'une délibération collégiale. Par ailleurs, cet avis comportait l'ensemble des indications prévues par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Enfin, le préfet n'est pas tenu de produire les documents relatifs à la disponibilité dans le pays d'origine de l'intéressé des soins qui lui seraient nécessaires, et notamment la fiche dans la " bibliothèque d'information santé sur le pays d'origine " (BISPO) qui aurait été utilisée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour émettre son avis, ni la fiche " Themis " d'instruction de la demande dès lors qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose une telle communication préalablement à l'intervention d'une décision de refus de titre de séjour. Il n'était pas plus tenu de fournir le rapport établi à l'attention du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui est d'ailleurs couvert par le secret médical et dont il ne dispose pas, ni l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui au demeurant a été versé au dossier.
10. Il suit de ce qui a été dit aux points précédents, que le moyen tiré d'un vice dans la procédure de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En troisième lieu, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier d'un traitement approprié et y voyager sans risque.
12. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
13. Si les documents médicaux versés au dossier établissent que l'état de santé de M. C... requière qu'il suive un traitement médicamenteux, ces pièces ne suffisent pas à contredire l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la possibilité d'accéder effectivement à des soins dans le pays d'origine. Par suite, sans qu'il soit besoin que l'administration produise les documents sur lesquels le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est fondé, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. En quatrième lieu, il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet, qui ne s'est nullement cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de ce dernier doit être écarté.
15. En cinquième lieu, comme indiqué au point 4, M. C... est célibataire, sans enfant à charge et n'établit pas être dépourvu de tous liens dans le pays dont il est originaire. Alors que ses liens et sa présence en France sont récents, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a pas par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de la Seine-Maritime quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour est entaché d'illégalité.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
17. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Elle est, en l'espèce, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être rejeté.
18. Il résulte de ce qui a été dit que M C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
19. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 4 et 15 que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
20. M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne le pays de destination :
21. La décision en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
22. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 que M C... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
23. Il ne ressort pas des pièces du dossier et de ce qui a été dit aux points 4, 13 et 15 qu'en fixant le pays de destination, le préfet de la Seine-Maritime ait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé, alors d'ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2020 de préfet de la Seine-Maritime, par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001869 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me B... pour M. D... C....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N° 20DA01925