Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier 2019 et 23 mai 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 27 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 14 octobre 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son employeur à procéder à son licenciement ;
3°) de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Hostellerie du Château de Fère, qui exploite un hôtel-restaurant situé au château de Fère-en-Tardennois, a demandé le 8 janvier 2016 à être autorisée à licencier, à titre disciplinaire, M. A... B..., délégué du personnel et maître d'hôtel de l'établissement, à raison du comportement discriminatoire et du harcèlement moral qu'il aurait fait subir à un serveur du même établissement, M. D... E.... Par une décision du 7 mars 2016, le directeur adjoint du travail en charge de l'unité de contrôle 01 de l'inspection du travail du département de l'Aisne a refusé de lui délivrer cette autorisation, au motif que les faits fautifs invoqués par l'employeur ne pouvaient être regardés comme établis. Saisi d'un recours hiérarchique présenté le 29 mars 2016 à l'encontre de cette décision par la société Hostellerie du Château de Fère, le ministre chargé du travail a implicitement rejeté cette demande par une décision née le 29 juillet 2016. Par une décision du 14 octobre 2016, le ministre a prononcé le retrait de sa décision implicite et autorisé le licenciement de l'intéressé après avoir annulé la décision du directeur adjoint du travail. Par un jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par la société Hostellerie du Château de Fère tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail avait rejeté son recours hiérarchique présenté le 29 mars 2016 et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la société Hostellerie du Château de Fère ainsi que la demande présentée par M. B... tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 2016. M. B... relève appel du jugement du 27 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de fonctions de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. En premier lieu, si M. B... conteste la matérialité des faits retenus par le ministre dans sa décision du 14 octobre 2016 autorisant son licenciement, à savoir les propos à caractère raciste proférés le 22 novembre 2015 à l'encontre d'un autre employé du restaurant, M. E..., il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier circonstancié du 16 décembre 2015 adressé par M. E... à son employeur ainsi que de la plainte du 18 décembre 2015 qu'il a déposée auprès de la gendarmerie, qu'il a été qualifié par M. B..., le 22 novembre 2015, de " djihadiste " et accusé de faire partie des " frères [de] Daesh ". Ces propos sont corroborés par l'attestation établie le 16 décembre 2015 par Mme F... dont l'authenticité ne saurait être remise en cause par la seule production par M. B... d'un courriel d'un autre employé lui indiquant qu'un poste de chef de rang avec augmentation aurait opportunément été promis à Mme F... par son employeur. Dans ces conditions, les propos à caractère raciste proférés le 22 novembre 2015 par M. B... à l'encontre de M. E... doivent être regardés comme établis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont la décision attaquée serait entachée doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les propos à caractère raciste tenus le 22 novembre 2015 par le requérant doivent être regardés, notamment au regard du contexte particulier lié aux attentats qui se sont déroulés le 13 novembre 2015, comme suffisamment graves pour autoriser le licenciement sollicité. A cet égard, la circonstance que des tensions entre M. B... et son employeur aient eu lieu au cours de l'année 2015 comme l'évoquent les attestations versées au dossier par le requérant et qu'une procédure de licenciement pour motif économique ait été engagée en vain par la société Hostellerie du Château de Fère, sont sans incidence sur la gravité des faits reprochés dont la matérialité est établie comme il a été dit précédemment. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision contestée doit être écarté.
5. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Hostellerie du Château de Fère serait en rapport avec le mandat détenu par l'intéressé. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 2016 par laquelle le ministre a autorisé son licenciement.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les conclusions présentées par M. B... et par la société Hostellerie du Château de Fère tendant à obtenir une somme au titre des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative ne sont dirigées contre aucune des parties à l'instance. Par suite, leurs conclusions présentées à ce titre sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Hostellerie du Château de Fère au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Hostellerie du Château de Fère et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
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N°19DA00204
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