Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2020, M. D..., représenté par Me B... E..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de renvoyer l'examen complet de sa requête en annulation devant les juges de première instance ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement et d'évoquer l'intégralité des moyens introductifs d'instance ;
3°) en conséquence, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de procéder au réexamen de sa situation en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... A..., présidente de chambre,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain né le 27 août 1974, déclare être entré en France en 1975, à l'âge d'un an et y vivre depuis lors. M. D..., démuni de titre de séjour depuis le 26 août 2012, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis cette date. Il a sollicité le 2 novembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 octobre 2019, alors que M. D... était en détention, le préfet de l'Eure a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. D... relève appel du jugement du 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience ". Aux termes de l'article D. 316 du code de procédure pénale : " Le préfet apprécie si l'extraction des détenus appelés à comparaître devant des juridictions ou des organismes d'ordre administratif est indispensable. / Dans l'affirmative, il requiert l'extraction par les services de police ou de gendarmerie selon la distinction de l'article D. 315. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été convoqué à l'audience qui devait se tenir le 19 décembre 2019 au tribunal administratif de Rouen, par un courrier qui lui a été notifié le 29 octobre 2019 à la maison d'arrêt de Dreux. Il fait valoir que le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière compte tenu de l'absence d'organisation de son extraction ce qui l'a empêché de comparaître à l'audience. Il est constant que ni lui, ni un conseil le représentant, n'était présent à l'audience devant le tribunal administratif. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait été saisi par le tribunal administratif de Rouen afin que soit organisée l'extraction de M. D..., en vue de l'audience qui s'est tenue le 19 décembre 2019. Dans ces conditions, l'intéressé, qui a été privé de la possibilité d'assister à l'audience, à laquelle il n'a pas été représenté par un avocat, est fondé à soutenir que la procédure suivie devant le tribunal a été irrégulière. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à sa régularité, le jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Rouen doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Rouen, sans qu'il y ait lieu de renvoyer l'examen de sa requête aux premiers juges, ainsi qu'il le sollicite.
Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance par le préfet de l'Eure :
5. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " la juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la requête présentée devant le tribunal administratif de Rouen par M. D..., lequel n'a par ailleurs, à cette occasion, pas bénéficié de l'assistance d'un avocat, comporte l'énonciation des moyens de droit et de fait sur lesquels elle se fonde pour demander l'annulation de l'arrêté en litige du 9 octobre 2019. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense de première instance par le préfet de l'Eure doit donc être écartée.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
8. Il appartient en principe à l'autorité administrative de délivrer, lorsqu'elle est saisie d'une demande en ce sens, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui remplit les conditions prévues par les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne peut opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur. Elle peut prendre en compte, sur un tel fondement, le fait qu'un demandeur a été impliqué dans des crimes graves contre les personnes et que sa présence régulière sur le territoire national, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause et à son retentissement, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public.
9. M. D..., qui est célibataire et sans charge de famille, se prévaut de sa présence en France depuis plus de quarante ans à la date de la décision attaquée et fait valoir qu'il dispose de la totalité de ses liens personnels et familiaux en France. Toutefois, le requérant ne justifie pas de l'intensité des liens qui l'uniraient avec l'ensemble de ses frères et soeurs présents sur le territoire français en situation régulière. De même, il ne justifie pas davantage de la réalité et de l'intensité de la relation, " avec des hauts et des bas " selon ses propres écritures, qu'il entretiendrait avec une ressortissante française. Ainsi, M. D... n'établit pas que ses liens familiaux sur le territoire français présentent une importance telle qu'ils justifieraient son maintien sur le territoire français. En outre, le requérant ne fait état d'aucune insertion professionnelle ou sociale sur le territoire français. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet de dix-sept condamnations pénales entre 1995 et 2019, notamment pour des faits de vols, violences, menaces de mort, vol avec violence, détention illicite de stupéfiants, certains de ces faits ayant par ailleurs été commis en état de récidive. Dès lors, eu égard à la nature et à la gravité des faits, et en dépit de la durée de la présence de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de l'Eure n'a, par la décision attaquée, dans les circonstances particulières de l'espèce, ni méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
10. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que M. D... a demandé un titre de séjour sur le seul fondement du 7° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors que M. D... n'a pas déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas entendu examiner sa demande sur un tel fondement, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant. En tout état de cause, les éléments rappelés au point 9 ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels.
11. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Ces dispositions prévoient la saisine de la commission du titre de séjour lorsqu'un étranger justifiant résider habituellement en France depuis plus de dix ans demande la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du premier alinéa de cet article. En l'espèce, alors que M. D... n' a pas demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Eure n'était pas tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière doit en tout état de cause être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, en application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Celle-ci comporte, en l'espèce, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit en tout état de cause être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'ancienne carte de résident délivrée à M. D... valable du 27 août 1992 au 26 août 2002, que le requérant est entré en France en mars 1976. Toutefois, M D... se borne à justifier de sa scolarité sur le territoire français de 1977 à 1988 et se prévaut d'une attestation établie par un médecin généraliste se limitant à faire état de consultations médicales intervenues entre le 30 mars 2012 et le 20 décembre 2018 ainsi que d'une attestation établie par le centre communal d'action sociale du Val-de-Reuil indiquant de façon succincte et peu circonstanciée que M. D... " est resté sur la zone de 2012 à ce jour, puisque fréquemment perçu par certains agents ". Au vu du caractère très circonscrit de ces pièces, le requérant, qui ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir des condamnations pénales dont il a fait l'objet entre 1995 et 2019 pour établir sa résidence habituelle sur le territoire français dès lors que les périodes de détention accomplies à la suite de condamnations à des peines privatives de liberté ne peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée de la résidence en France, n'établit pas avoir maintenu sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
17. Le requérant soutient que le préfet a entaché sa décision de détournement de pouvoir dès lors qu'il a délibérément pris à son encontre, en se fondant quasi exclusivement sur la menace à l'ordre public qu'il représente, une obligation de quitter le territoire français plutôt qu'une mesure d'expulsion, seule mesure qui devait normalement être prononcée en l'espèce eu égard au motif d'éloignement retenu, mais à l'égard de laquelle il bénéficie d'une protection en raison de son entrée en France avant l'âge de treize ans. Il ressort toutefois des termes de la décision en litige que pour édicter une mesure d'éloignement à l'encontre de M. D..., le préfet de l'Eure s'est également fondé, outre sur le comportement de ce dernier au regard de ses condamnations pénales, sur le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur les dispositions du 4° du même article eu égard aux circonstances qu'il était démuni de titre de séjour depuis le 26 août 2012 et qu'il s'était maintenu pendant cinq ans en situation irrégulière sur le territoire français. Le requérant ne conteste pas sérieusement ces circonstances, qui pouvaient également légalement justifier que soit prise à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, le préfet ne peut être regardé comme ayant délibérément pris à l'encontre de M. D... une décision portant obligation de quitter le territoire français afin de faire échec à la protection, au demeurant non établie, dont celui-ci prétend bénéficier à l'égard d'une mesure d'expulsion. Dès lors, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, et eu égard à la récurrence, à la nature et à la gravité des faits ayant conduit aux multiples condamnations pénales de M. D..., certains de ces faits ayant par ailleurs été commis en état de récidive, le préfet de l'Eure n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.
19. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur le refus d'octroyer un délai de départ volontaire :
20. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " (...) II - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...).
21. L'arrêté attaqué cite les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. D..., le préfet de l'Eure s'est fondé sur la circonstance que celui-ci s'était maintenu sur le territoire français plus de cinq ans après l'expiration de son titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit en tout état de cause être écarté.
22. Le requérant fait valoir avoir été empêché de déposer une nouvelle demande de titre de séjour en raison de son incarcération pendant plusieurs années à compter de l'année 2012. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'entre le 26 août 2012, date d'expiration de son titre de séjour, et le 2 novembre 2017, date à laquelle il a finalement déposé une nouvelle demande de titre de séjour, M. D... a été condamné à quatre reprises à des peines privatives de liberté, d'une durée comprise entre deux et quatre mois. Ainsi, contrairement à ce qu'il fait valoir, il était en mesure de déposer, dans le laps de temps important séparant les différentes peines privatives de liberté précitées, une nouvelle demande de titre de séjour. En tout état de cause, le requérant n'établit pas ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été mis en mesure, alors qu'il était en détention, de présenter une telle demande par l'intermédiaire de l'administration pénitentiaire ou que les contraintes matérielles inhérentes à sa détention y auraient fait obstacle. Dès lors, en refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation
Sur la décision fixant le pays de destination :
23. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. D... et énonce que l'intéressé n'est pas démuni d'attaches dans son pays d'origine. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait et doit être écarté.
24. Si M. D... soutient qu'il ne dispose plus d'aucune attache familiale au Maroc, sa seule tante qui y demeurait étant décédée en août dernier, et qu'il ne maîtrise pas la langue parlée dans ce pays, il n'assortit toutefois ces allégations par aucune pièce probante. Dès lors le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, dont le dispositif précise par ailleurs que M. D... pourra également être éloigné à destination de toute autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
25. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
26. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer, à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
27. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
28. Le requérant reproche à la décision attaquée de ne pas faire état de sa présence en France depuis ses un an sur le territoire français. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Eure n'a ni fait état de la date d'entrée sur le territoire français de M. D..., ni de la durée, pourtant significative, de sa présence en France.
29. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision, le requérant est fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
30. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2019 du préfet de l'Eure en ce qu'il porte interdiction de son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
31. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que le préfet de l'Eure procède au réexamen de la situation de M. D.... Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par ce dernier ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie principalement perdante, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Eure du 9 octobre 2019 est annulé en ce qu'il porte interdiction de retour de M. D... sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
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N°20DA00663
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