Par une requête, enregistrée le 10 mars 2019, M. A..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 5 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né le 5 mai 1970, serait entré en France le 29 mai 2018 afin d'y demander l'asile. La consultation du fichier " Visabio " a permis d'établir qu'il a obtenu un visa de court séjour délivré le 11 avril 2018 par les autorités allemandes, lequel était périmé depuis moins de six mois. Une demande de prise en charge a été adressée aux autorités allemandes sur le fondement du 4. de l'article 12 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Par un accord implicite du 14 septembre 2018, les autorités allemandes ont accepté de prendre en charge M. A.... Par un arrêté du 5 octobre 2018, le préfet du Nord a ordonné son transfert auprès des autorités allemandes. Le 7 février 2019, le préfet du Nord a ensuite informé ces autorités de ce que le délai d'exécution du transfert était porté à dix-huit mois en raison de la fuite de l'intéressé. M. A... relève appel du jugement du 7 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 dit Dublin III intitulé " Présentation d'une requête aux fins de prise en charge : " (...) 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. (...) 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
3. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 susvisé, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, applicable au présent litige : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n°604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " Dublinet " établi au titre II du présent règlement (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " Les moyens de transmission électroniques sécurisés, visés à l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 343/2003, sont dénommés " Dublinet " (...) ". Selon l'article 19 de ce règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé réception pour toute transmission entrante. (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises, établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux mois au terme duquel la demande de prise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la prise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation de la base " Visabio " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis, de son acceptation implicite de reprise en charge.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une demande d'asile le 9 juillet 2018 et qu'à l'issue de la procédure de vérification effectuée le même jour, dans la base Visabio, il est apparu qu'il détenait un visa délivré par les autorités allemandes, valable du 27 mai au 23 juin 2018. Le préfet du Nord produit l'accusé de réception électronique de sa demande de prise en charge, qui lui a été adressé le 13 juillet 2018, par le réseau de communication électronique " DubliNet " et qui comporte, en objet, le numéro d'identification attribué par les autorités françaises à la demande d'asile de M. A... ainsi que la désignation de l'Allemagne en tant qu'Etat requis. Cet accusé de réception doit être regardé comme établissant la réalité de la saisine des autorités allemandes, alors même qu'il a été émis à partir de l'adresse électronique du point national d'accès français du système, dès lors qu'il s'agit d'un accusé de réception édité automatiquement par " DubliNet ". Il verse également au dossier, l'accusé de réception électronique " Dublinet " du 17 septembre 2018 concernant le formulaire intitulé " Constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " comportant le numéro de référence du dossier du requérant. Ces éléments suffisent à tenir pour établie la saisine des autorités allemandes par les autorités françaises ainsi que l'existence d'un accord implicite donné par les autorités allemandes. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. S'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. A... est marié depuis le 1er septembre 2018 avec une ressortissante française, avec qui il allègue avoir entretenu une relation à distance depuis 2015, ce mariage est récent. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. M. A... est entré très récemment sur le territoire français. Son mariage avec une ressortissante française, qui n'a pas été précédé par une période de vie commune, est également, ainsi qu'il a été dit au point 7, récent à la date de la décision contestée. Ses allégations selon lesquelles il connaît son épouse depuis de nombreuses années, ne sont pas établies par les pièces du dossier. Il ressort également des pièces du dossier que les quatre enfants mineurs du requérant vivent dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas porté, au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée et n'a pas méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
1
4
N°19DA00601
1
3
N°"Numéro"