Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 2019 et 21 novembre 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le directeur général de l'office public habitat Lille Métropole Habitat l'a placé en disponibilité d'office jusqu'au 30 juin 2016 et l'a mis à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre à Lille Métropole Habitat de réexaminer sa situation et de procéder à son reclassement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de Lille Métropole Habitat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour Lille Métropole Habitat.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né en 1958, est adjoint technique territorial de première classe exerçant ses fonctions auprès de l'office public de l'habitat de Lille Métropole communauté urbaine Lille Métropole Habitat. Par un arrêté du 21 avril 2016, le directeur général de Lille Métropole Habitat l'a placé en disponibilité d'office à compter du 18 septembre 2015. Par un arrêté du 30 mai 2016, le directeur général de Lille Métropole Habitat a fixé la date du 30 juin 2016 comme terme de son placement en disponibilité d'office et mis l'intéressé à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2016, en procédant à sa radiation des cadres à la même date. M. C... relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte du jugement contesté que, contrairement à ce que soutient M. C..., le tribunal administratif de Lille s'est bien prononcé, au point 6, sur le moyen tiré de de ce qu'il n'était pas définitivement inapte à l'exercice de toute fonction et qu'il aurait dû être reclassé. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " [...] La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. [...] ". Aux termes de l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, [...] le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou, s'il était au terme d'une période, est renouvelé. Il en est ainsi jusqu'au moment où le fonctionnaire sollicite l'octroi de l'ultime période de congé rétribuée à laquelle il peut prétendre. Le comité médical doit alors donner son avis sur la prolongation du congé et sur la présomption d'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. S'il y a présomption d'inaptitude définitive, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales se prononce, à l'expiration de la période de congé rémunéré, sur l'application de l'article 37 ci-dessous. [...] " Par ailleurs, aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".
En ce qui concerne la disponibilité d'office :
4. Aux termes de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 précité : " Le comité médical est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation. Il est consulté obligatoirement pour : [...] f) La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; [...] Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. ".
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 28 août 2015, le comité médical départemental a rendu un avis favorable au renouvellement du congé de longue durée de M. C... du 18 février 2015 au 17 septembre 2015, constaté qu'il avait épuisé ses droits à congé de longue durée et proposé une mise en retraite pour invalidité pour inaptitude totale et définitive à toute fonction. Par un arrêté du 21 avril 2016, le directeur général de Lille Métropole Habitat a placé M. C... en disponibilité d'office à titre conservatoire à compter du 18 septembre 2015, avec maintien d'un demi-traitement, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales en vue de sa mise en retraite pour invalidité. La commission de réforme a émis un avis favorable le 22 avril 2016. Par l'arrêté attaqué du 30 mai 2016, le directeur général de Lille Métropole Habitat a fixé la date du 30 juin 2016 comme terme du placement en disponibilité d'office de M. C.... Ce faisant, il a donc prolongé son placement en disponibilité d'office, avec maintien d'un demi-traitement.
7. L'arrêté attaqué du 30 mai 2016 a été pris au visa de l'avis du 28 août 2015 par lequel le comité médical départemental a rendu un avis favorable au renouvellement du congé de longue durée de M. C... du 18 février 2015 au 17 septembre 2015, constaté qu'il avait épuisé ses droits à congé de longue durée et proposé une mise en retraite pour invalidité pour inaptitude totale et définitive à toute fonction. Alors que le comité médical n'a pas été consulté à nouveau, en tout état de cause, l'avis du 28 août 2015 devait être rendu conformément à l'article 4 du décret du 30 juillet 1987. Si, en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour, Lille Métropole Habitat a produit un courrier du 3 août 2015 informant M. C... de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ainsi que les voies de recours possibles devant le comité médical supérieur, il n'établit pas l'avoir effectivement adressé au requérant qui conteste expressément l'avoir reçu. L'arrêté attaqué doit ainsi, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme entaché d'un vice au regard des dispositions de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 précité. Ce vice ayant privé l'intéressé d'une garantie, il entache d'illégalité l'arrêté du 30 mai 2016 contesté.
8. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête concernant cette décision, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2016 en tant qu'il l'a placé en disponibilité d'office jusqu'au 30 juin 2016. Il s'ensuit que le jugement en date du 12 juillet 2019 et l'arrêté du directeur général de Lille Métropole Habitat du 30 mai 2016 en tant qu'ils concernent le placement en disponibilité d'office de l'intéressé jusqu'au 30 juin 2016 doivent, dans cette mesure, être annulés.
En ce qui concerne la mise à la retraite pour invalidité :
9. Aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. La commission de réforme compétente est celle du département où le fonctionnaire exerce ou a exercé, en dernier lieu, ses fonctions. La composition et le fonctionnement des commissions de réforme sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, de la santé et du budget, pris après avis du conseil supérieur compétent. " Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ".
10. En premier lieu, alors que l'avis émis par le comité médical ne s'analyse, le cas échéant, conformément à l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 qu'en une présomption d'inaptitude, et alors qu'il appartient à la commission de réforme de se prononcer, notamment, sur l'existence d'une incapacité à l'exercice des fonctions, M. C... ne saurait utilement se prévaloir de vices de procédure qui entacheraient l'avis émis le 28 août 2015 par le comité médical, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de mise à la retraite pour invalidité.
11. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal de la commission départementale de réforme du 22 avril 2016, qui a donné un avis favorable à la mise en retraite pour invalidité de M. C..., qu'elle était composée, notamment, de deux praticiens de médecine générale. Si M. C... soutient qu'aucun médecin spécialiste n'y a participé, il ressort du procès-verbal de ladite commission du 26 février 2016, qui avait examiné une première fois la situation du requérant, qu'un complément d'expertise a été sollicité. Par suite et dès lors qu'il n'est pas allégué que le complément d'expertise aurait été insuffisant pour permettre à la commission de se prononcer en toute connaissance de cause, au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 4 août 2004 précité, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission aurait dû, au cours de sa séance du 22 avril 2016, faire intervenir un médecin spécialiste de la pathologie de trouble de l'humeur dépressif dont souffre l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme doit être écarté.
12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que si le docteur Fleury avait estimé, notamment le 27 août 2012, que M. C... était apte à une réintégration à temps partiel thérapeutique, il a considéré, le 13 mars 2015, que l'intéressé " n'est pas apte à reprendre son travail " et que " l'état de santé de M. C... le rend inapte de façon totale et définitive à l'exercice de toute activité professionnelle ". Si le docteur Fleury a indiqué que Lille Métropole Habitat ne disposait pas de poste adapté pour M. C..., il a également retenu que l'ancienneté et la gravité des symptômes dont souffre le requérant conduisent à considérer que celui-ci " ne pourra pas reprendre son travail à l'avenir ". Après avoir sursis à statuer pour effectuer un complément d'expertise comme il a été dit précédemment, la commission de réforme a, le 22 avril 2016, rendu un avis favorable à la demande de mise en retraite pour invalidité de l'intéressé. La production d'un courrier du 28 novembre 2015 émanant du pôle santé travail mentionnant que l'intéressé " peut occuper un poste où il n'y a pas de port de charges de plus de vingt kilos et pas de travail en hauteur " est insuffisante à elle seule pour remettre en cause les constats médicaux précités d'inaptitude à l'exercice de toute fonction. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. C..., son reclassement était, à la date de l'arrêté du 30 mai 2016 en litige, impossible. Ses moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté du 30 mai 2016 sur ce point doivent donc être écartés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. M. C... ayant été radié des cadres à compter du 1er juillet 2016 par l'arrêté contesté du 30 mai 2016, dont le présent arrêt a confirmé la légalité sur ce point ainsi qu'il a été dit précédemment, les conclusions tendant au réexamen de la situation de l'intéressé et à la recherche d'un reclassement ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par Lille Métropole Habitat et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 juillet 2019 et l'arrêté du 30 mai 2016 du directeur général de Lille Métropole Habitat sont annulés en tant qu'ils concernent le placement en disponibilité d'office jusqu'au 30 juin 2016 de M. C....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par Lille Métropole Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. A... C... et à Me B... pour Lille Métropole Habitat.
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N°19DA02801
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