2°) de rejeter la demande première instance de Mme A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité congolaise (République du Congo), née le 2 avril 1989 à Brazzaville, est entrée en France, le 15 février 2017 munie d'un visa de court séjour. Le 22 mars 2018, elle a formulé une demande d'admission au séjour, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 novembre 2018, dont elle a demandé l'annulation pour excès de pouvoir au tribunal administratif d'Amiens, le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre. Par un jugement n° 1803694 du 14 mars 2019, dont le préfet de la Somme relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de la Somme et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.
2. Aux termes du 6° de l'article L.313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit. / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans peut prétendre de plein droit à la délivrance de la carte temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sans condition de détention d'un visa de long séjour (...). " et aux termes de l'article 371-2 du code civil : " chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que les besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application des dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6°de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition, par l'enfant, de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6°) de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Il ressort des pièces du dossier, tout d'abord, que le préfet de la Somme, pour refuser de délivrer à Mme A... le titre de séjour qu'elle sollicitait, s'est fondé sur les doutes nourris sur la filiation biologique de l'enfant avec un ressortissant français, M. D... B.... Toutefois, une enquête a été diligentée pour reconnaissance frauduleuse de paternité, et en admettant même qu'il existe un doute sérieux sur cette paternité pour le préfet de la Somme, aucune suite n'a été donnée par l'autorité judiciaire à cette enquête à l'encontre de M. D... B....
5. Ensuite, Mme A... a donné naissance à son enfant C... le 13 juillet 2017, à Reims, et il a été reconnu par anticipation, dès le mois de mars précédent, par M. D... B..., de nationalité française, ce qui ressort du certificat de nationalité délivré le 11 novembre 2017 par le directeur des services de greffes judiciaires du tribunal d'instance, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en vertu de l'article 31-2 du code civil.
6. Ainsi, le préfet de la Somme n'apporte pas d'éléments précis et concordants de nature à établir que M. D... B..., ressortissant français qui a reconnu l'enfant, ne serait pas son père biologique. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les éléments invoqués par la préfète de la Somme ne suffisaient pas, à eux seuls, à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité du père de l'enfant. Mme A..., est dès lors fondée à soutenir que la préfète de la Somme ne pouvait lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 6°) de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est par suite à juste titre que le tribunal administratif d'Amiens a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a annulé, pour ce motif, la décision refusant à Mme A... un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions subséquentes.
7. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Somme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 19 novembre 2018, lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois et a mis à sa charge le versement à Me E... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Somme est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F... A....
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.
N°19DA00850 2