Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 février 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York, le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 16 avril 1978, de nationalité turque, est entré en France, muni d'un visa de court séjour, le 20 novembre 2015. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Eure du 20 février 2018. Par un jugement du 30 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. La décision contestée vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Le préfet n'est pas tenu de reprendre l'ensemble des arguments du demandeur et doit tenir compte des seuls éléments avérés produits par celui-ci. Au cas particulier, il n'est pas justifié que le requérant ait informé, lors de sa demande, le préfet de la grossesse de son épouse qui remontait à un mois à la date de la décision. Par suite, le refus de titre qui fait état du mariage de l'intéressé et de la naissance d'un enfant en juin 2017 est suffisamment motivé. Le moyen tiré du défaut de motivation sera donc écarté.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Ces dispositions excluent expressément de leur champ d'application la catégorie des étrangers auxquels est ouvert le regroupement familial. Toutefois la seule circonstance qu'un étranger puisse relever de la catégorie de ceux pouvant solliciter un titre de séjour au titre du regroupement familial ne fait pas obstacle à ce que sa demande, compte tenu des éléments propres à sa situation privée et familiale, soit examinée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. B..., qui est marié depuis le 1er août 2014 à une compatriote vivant régulièrement en France, a vocation à bénéficier de la procédure de regroupement familial. Le moyen tiré de la violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera ainsi écarté en tout état de cause comme inopérant.
4. Le requérant a eu avec son épouse un premier enfant, né en France le 2 juin 2017. Son épouse était enceinte d'un deuxième enfant à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, les parents de son épouse et ses deux soeurs vivent régulièrement en France. Le requérant a également produit, en première instance, une promesse d'embauche. Néanmoins, M. B... ne justifie de la réalité de la vie commune que depuis septembre 2017 et n'établit pas non plus qu'il se soit maintenu de manière continue sur le territoire français depuis novembre 2015, comme il le soutient. Il ne produit aucun autre élément sur son insertion en France, ni sur l'insertion professionnelle de son épouse et ne démontre pas que la cellule familiale ne pourrait se recomposer en Turquie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement dont il relève appel ait écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les motifs invoqués ne constituant ni des considérations humanitaires, ni des motifs exceptionnels. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant seront également écartés. M. B... n'est également pas fondé, pour ces mêmes motifs, à soutenir que le jugement ait écarté à tort, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Eure s'est fondé pour obliger M. B... à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
6. Il résulte des points 2 à 4 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit aussi être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. Il résulte des points 5 et 6 que l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C... D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°19DA00623 2