Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019, Mme D... B..., représentée par Me E... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2017 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a retiré la carte de séjour temporaire obtenue au titre des dispositions du 6° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son avocat, une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
-le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 15 janvier 1988 à Eyiala (Nigéria), de nationalité nigériane, qui déclare être entrée sur le territoire national en janvier 2013, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire au titre des dispositions du 6° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2017. Cette carte lui a été retirée par un arrêté du 28 mars 2017 de la préfète de la Seine-Maritime, au motif qu'elle avait été obtenue par fraude. Le 13 septembre 2018, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 octobre 2018, la préfète a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme B... relève appel du jugement commun n° 1702239 et n° 1900378 du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.
Sur l'arrêté du 28 mars 2017 de la préfète de la Seine-Maritime :
2. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La préfète de la Seine-Maritime a visé les textes dont il est fait application et a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance et qui fondent son arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier ni des motifs de l'arrêté contesté que Mme B... ait demandé un titre de séjour sur un autre fondement que le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en particulier sur le fondement du 7° de l'article précité. Ainsi, la préfète de la Seine-Maritime n'avait pas à examiner la faculté de régulariser sa situation au titre du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou encore de l'article L. 313-14 du même code. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme B... ne peut qu'être rejeté.
4. Mme B... déclare résider en France depuis janvier 2013, y séjourner régulièrement depuis 2015 et être mère d'une enfant née le 30 avril 2013 sur le territoire français et scolarisée en France et fait état de sa volonté d'intégration professionnelle. Toutefois, elle ne justifie pas avoir noué sur le territoire français des liens personnels et professionnels d'une particulière intensité et ne saurait se prévaloir de sa durée de présence en France, dès lors qu'elle a obtenu un titre de séjour de manière frauduleuse. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale au Nigeria, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de son séjour en France et de sa durée, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas non plus établi, compte tenu de ce qui précède, que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
5. Aux termes du 1° de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, l'appelante n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Nigéria, alors que l'enfant, née le 30 avril 2013, est encore en bas âge et que la préfète de la Seine-Maritime a aussi légalement pu faire échec à la fraude, dès lors que la filiation de l'enfant de Mme B... a été juridiquement remise en cause par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 septembre 2016, celle-ci ayant, comme sa mère, la nationalité nigériane. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant doit donc être rejeté.
Sur l'arrêté du 15 octobre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime :
En ce qui concerne le refus de séjour :
6. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La préfète de la Seine-Maritime a cité les éléments pertinents dont elle avait connaissance et qui fondent son arrêté, en particulier en faisant état des éléments permettant de caractériser une reconnaissance frauduleuse de paternité de la part de M. F... C... et notamment le jugement du 27 septembre 2016 du tribunal de grande instance de Paris devenu définitif, faute d'appel, qui a relevé que l'intéressé, moyennant rémunération, avait reconnu vint-cinq enfants de mères différentes entre 1998 et 2013 et que, suite aux auditions devant les services de police, il n'a pas confirmé être le père de la jeune A... G... B.... Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit, par suite, être écarté.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier ni des motifs de l'arrêté contesté que Mme B... ait demandé un titre de séjour sur un autre fondement que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier celles du 6° de l'article précité. Ainsi, la préfète de la Seine-Maritime n'avait pas à examiner la faculté de régulariser sa situation sur un autre fondement que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du même code. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme B... doit par suite être rejeté.
8. Mme B..., déclare résider en France depuis janvier 2013, y séjourner régulièrement depuis 2015 et être la mère d'une enfant née le 30 avril 2013 sur le territoire français et scolarisée en France. Toutefois, elle ne justifie pas avoir noué sur le territoire français des liens personnels et professionnels d'une particulière intensité. Elle ne saurait se prévaloir, malgré sa volonté d'intégration professionnelle, de la durée de sa présence en France, dès lors qu'elle a obtenu un titre de séjour de manière frauduleuse. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale au Nigeria, pays où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de son séjour en France et de sa durée, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas non plus établi que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
9. Mme B... n'établit pas non plus que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Nigéria alors que son enfant, née le 30 avril 2013, est encore en bas âge et que, comme il a été dit au point 5 la préfète de la Seine-Maritime a légalement pu faire échec à la fraude dès lors que la filiation de l'enfant de Mme B... a été juridiquement remise en cause par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 septembre 2016 devenu définitif, celle-ci ayant comme sa mère, la nationalité nigériane. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant doit donc être rejeté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que le refus d'admettre Mme B... au séjour n'est pas entaché d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de Mme B... l'obligeant à quitter le territoire, doit être rejeté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux examinés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit aussi être rejeté.
En ce qui concerne le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel l'appelante est susceptible d'être éloignée, doit être rejeté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. Tout d'abord, la décision attaquée mentionne les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait référence aux conditions d'entrée et de séjour de Mme B... sur le territoire national, à la reconnaissance frauduleuse de sa fille par un ressortissant français, à sa situation personnelle et familiale sur le territoire français et dans son pays d'origine ainsi qu'à la circonstance qu'elle s'est maintenue en France malgré l'invitation faite en ce sens, à la suite du retrait du titre de séjour dont elle bénéficiait. Dès lors, l'interdiction en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée quant à la durée de l'interdiction de retour sur le territoire national. Le moyen doit donc être rejeté.
15. Ensuite, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, doit aussi être rejeté.
16. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a obtenu de manière frauduleuse un titre de séjour en qualité de parent d'une petite fille française. En outre, en dépit d'une volonté d'intégration professionnelle, elle ne justifie pas avoir noué sur le territoire français des liens personnels d'une particulière intensité et ne saurait se prévaloir de sa durée de présence en France dès lors qu'elle a obtenu un titre de manière frauduleuse. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale au Nigeria, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Par suite, l'autorité administrative a pu, sans méconnaître les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code précité et sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux années.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction sous astreinte et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime
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N°19DA01570