Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) à titre principale, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours et sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 21 avril 1997, déclare être entré sur le territoire français le 7 décembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 juillet 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 mars 2016. Par un arrêté en date du 29 avril 2016, la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le droit au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. M. B... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 novembre 2018, le préfet de l'Eure a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :
2. La décision attaquée vise les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle vise, en outre, les décisions défavorables de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ainsi que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 7 septembre 2018. La décision en litige fait également état de la situation de l'intéressé tant personnelle que familiale, au regard des conditions de son séjour et de la durée de sa présence en France. Elle énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement alors même qu'elle ne fait pas état de l'ensemble des particularités de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
3. Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical concernant M. B... du 7 septembre 2018 porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant (...) " et a été signé par les trois médecins composant ce collège. L'appelant ne produit aucun commencement de preuve de ce que les médecins n'auraient pas délibéré de façon collégiale conformément à la mention figurant sur cet avis. En outre, la fiabilité du procédé par lequel est apposée une signature sur un acte administratif est présumée, jusqu'à preuve du contraire, alors que M. B... ne verse au dossier aucun élément de nature à douter de l'identité des signataires et de l'intégrité de l'avis médical. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière.
6. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Eure a procédé à un examen de la situation personnelle du requérant au regard de sa situation familiale, de son insertion professionnelle et sociale, des conditions et de la durée de sa présence sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant par le préfet de l'Eure doit être écarté.
7. La circonstance que le préfet de l'Eure n'a pas communiqué au requérant la fiche relative à l'Albanie contenue dans la bibliothèque d'information santé sur le pays d'origine (BISPO), qui aurait été utilisée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour formuler l'avis du 7 septembre 2018, est sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors qu'aucune disposition ni aucun principe n'impose une telle communication préalablement à l'intervention d'une décision de refus de titre de séjour.
8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
9. La décision de refus de séjour est notamment fondée sur l'avis rendu le 7 septembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort en outre de cet avis que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le requérant peut y bénéficier d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant d'ailleurs de voyager sans risque vers ce pays. Le requérant produit à l'appui de sa requête des documents décrivant le traitement qu'il suit en France et le rapport médical destiné au collège de médecins de l'OFII, dont il ressort que l'intéressé est en état de stress post-traumatique et souffre de troubles mentaux. Afin d'établir l'indisponibilité d'un traitement dans son pays d'origine, M. B... se borne à produire un rapport daté de 2011 émanant de l'organisation mondiale de la santé. Il ressort toutefois de ce rapport et des pièces versées au dossier par le préfet qu'il existe en Albanie une prise en charge des personnes atteintes de maladie psychiatriques, l'offre de soin y étant complète et équivalente à celle proposée dans les pays d'Europe de l'ouest. Dès lors, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la situation de l'intéressé au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
11. Le requérant se prévaut de sa présence en France depuis cinq ans à la date de l'arrêté attaqué ainsi que de la nécessité pour lui de demeurer auprès de sa soeur et de son beau-frère, qui lui apportent un soutien dans le cadre de son processus thérapeutique. Toutefois, M. B... est célibataire et sans charge de famille en France. Il n'établit pas non plus qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de seize ans. La promesse d'embauche versée au dossier, postérieure à l'arrêté en litige, n'est pas non plus de nature à établir une intégration professionnelle d'une particulière intensité. Par suite, M. B... n'est ni fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que cette décision méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
12. Il résulte ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
13. Lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. La décision portant refus de titre de séjour comporte, ainsi qu'il a été dit au point 2, les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.
14. Il ressort des termes de l'avis émis le 7 septembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indiquant que M. B... pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tiré de l'absence d'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la capacité du requérant à voyager sans risque vers son pays d'origine manque en fait et doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux point 2 à 12 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
16. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Eure a procédé à un examen de la situation personnelle du requérant au regard de sa situation familiale, de son intégration sociale, des conditions et de la durée de sa présence sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant par le préfet de l'Eure doit être écarté.
17. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
18. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. B... n'établit pas qu'il ne pourra pas bénéficier du traitement nécessaire à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
19. Il résulte ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
20. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué précise la nationalité de M. B... et énonce notamment que rien ne permet de considérer que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la décision par laquelle le préfet de l'Eure a fixé le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 19, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
22. M. B... ne produit aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques qu'il prétend encourir en cas de retour en Albanie. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile au regard des propos succincts et non circonstanciés du requérant. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination expose l'intéressé à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'une astreinte ainsi que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C... D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°19DA01655 2