Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre 2019 et 11 mai 2020, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 6 octobre 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a prononcé son licenciement à compter du 11 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Amiens métropole de tirer toutes les conséquences juridiques et financières de cette annulation, notamment s'agissant de la reconstitution de sa carrière et de sa rémunération ;
4°) de condamner la communauté d'agglomération Amiens métropole à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par son licenciement ;
5°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens métropole une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de condamner la même communauté d'agglomération aux entiers dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur-public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent de l'Institut national de recherches archéologiques préventives alors placé en position de congé sans solde, a été recruté en octobre 2011 par contrat à durée indéterminée par la communauté d'agglomération Amiens métropole, afin d'occuper, au sein du service d'archéologie préventive de cette collectivité, un poste d'archéologue spécialité " Antiquité ". Le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole, par une décision du 6 octobre 2016, a prononcé son licenciement à compter du 11 février 2017 à raison de la suppression de ce poste. M. B... a demandé, d'une part, l'annulation de cette décision, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au président de la communauté d'agglomération Amiens métropole de tirer toutes les conséquences juridiques et financières de cette annulation et, enfin, la condamnation de cet établissement public à lui verser 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l'illégalité de son licenciement. Par un jugement du 11 octobre 2019 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que M. B... soutient, le tribunal administratif d'Amiens a bien répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant lui et à ses conclusions, en motivant son jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
4. L'article L. 211-2 du code des relations du public avec l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". L'article L. 211-3 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article 47 du décret susvisé du 17 janvier 1986, relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. / L'agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. / Au cours de l'entretien préalable, l'administration indique à l'agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l'agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. ".
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été convoqué à l'entretien préalable du 12 septembre 2016 par lettre du 8 août 2016. La décision contestée du 6 octobre 2016 précise que son licenciement sera effectif à compter du 11 février 2017 à raison de la suppression du poste d'archéologue spécialité Antiquité qu'il occupe au sein du service d'archéologie préventive de la communauté d'agglomération Amiens métropole. La décision elle-même ne mentionne pas la délibération du conseil communautaire ayant prononcé la suppression du poste de l'intéressé, ni l'avis du comité technique paritaire et les dispositions du décret du 15 février 1988 permettant une telle suppression. Cependant, la lettre du 8 août 2016 précitée, précisait que le poste était supprimé à la suite de la délibération de la communauté d'agglomération du 4 juillet 2016 après avis du comité technique paritaire et elle relevait que le licenciement était envisagé dans le cadre du 1° de l'article 39-3 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée relative à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. La décision contestée du 6 octobre 2016 comporte elle-même une référence au décret. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, cette décision doit être regardée comme comportant les considérations de droit et de fait en constituant le fondement et le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la délibération du conseil de la communauté d'agglomération Amiens métropole du 4 juillet 2016 a supprimé l'emploi d'archéologue spécialité Antiquité. Cette délibération présente le caractère d'un acte réglementaire d'organisation du service. Par suite elle n'avait pas à faire l'objet d'une mesure de notification à M. B....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 39-3 du décret du 15 février 1988 dans sa version alors applicable : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté sur un emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée peut être notamment justifié par l'un des motifs suivants : / 1° La disparition du besoin ou la suppression de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent ; ". Aux termes de l'article 39-5 du même décret, dans sa version alors applicable : " I. - Le licenciement pour l'un des motifs prévus à l'article 39-3, à l'exclusion de celui prévu au 5°, ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent n'est pas possible dans un autre emploi que la loi du 26 janvier 1984 susvisée autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement des agents contractuels. Ce reclassement concerne les agents recrutés sur emplois permanents conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat. / Il s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure. / L'offre de reclassement concerne les emplois des services relevant de l'autorité territoriale ayant recruté l'agent. L'offre de reclassement proposée à l'agent est écrite et précise. L'emploi proposé est compatible avec ses compétences professionnelles. (...) II. Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 40. Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40, et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. (...) IV. Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué au troisième alinéa du II du présent article, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 40. V.- Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 40, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue de ce délai, pour une durée maximale de trois mois, dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues au I du présent article. (...) En cas de refus de l'emploi proposé par l'autorité territoriale ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié (...). ". Il en résulte que la lettre recommandée, mentionnée au II de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988, par laquelle l'administration, après avoir convoqué l'agent contractuel à un entretien préalable et consulté la commission consultative paritaire, lui notifie sa décision de le licencier en précisant les motifs de son licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir et l'invite à présenter une demande écrite de reclassement, a pour effet de priver l'agent de son emploi tel qu'il résulte de son contrat et, s'il n'est pas fait usage de la faculté de reclassement, de mettre fin à son emploi au sein de l'administration.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été informé de son licenciement à intervenir pour suppression de poste par la décision du 6 octobre 2016 et a été invité à présenter une demande de reclassement au plus tard pour le 16 novembre 2016 faute de quoi le licenciement serait prononcé le 1l février 2017. M. B... a sollicité un reclassement au sein des services de l'établissement public par courriel du 13 novembre 2016 mais, il s'est par la suite rétracté par courrier du 11 janvier 2017, en demandant " l'annulation de reclassement au sein des services d'Amiens métropole à compter de ce jour ". Par suite, le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération Amiens métropole a méconnu ses obligations de reclassement en ne lui proposant aucun poste doit être rejeté.
9. En quatrième lieu, M. B... excipe de l'illégalité de la délibération du 4 juillet 2016. Contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération Amiens métropole ce moyen relève d'une cause juridique à laquelle se rattachent plusieurs des moyens que M. B... a soulevés tant en première instance qu'en cause d'appel. M. B... soutient que la délibération et l'avis précité seraient entachés d'un défaut d'information des conseillers municipaux et des membres du comité technique paritaire. Si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Par suite, l'appelant ne peut utilement invoquer par la voie de l'exception d'illégalité des vices de forme et de procédure qui entacheraient la délibération du 4 juillet 2016.
10. Il ressort des mentions de la délibération du 4 juillet 2016 que le conseil de la communauté d'agglomération Amiens métropole a prononcé la suppression du poste d'archéologue spécialité " Antiquité " occupé par M. B... au motif que l'activité du service d'archéologie préventive ne justifiait pas le maintien de cet emploi en complément de celui de la chef du service, dont la spécialité est identique. L'avis du comité technique paritaire du 28 juin 2016 relève que " le budget annexe a été déséquilibré depuis le départ, de manière plus ou moins significative selon les années, sans réussir à atteindre un équilibre. La réalité des choses montre que, effectivement, les fouilles archéologiques dans le centre-ville antique sont extrêmement rares aujourd'hui ". M. B... ne démontre pas que les besoins du service nécessiteraient le maintien de deux postes d'archéologues relevant de la même spécialité. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que la suppression de son poste puis son licenciement auraient été prononcés à raison de désaccords avec la chef du service archéologie de la communauté d'agglomération. M. B... soutient également que la suppression de son poste ne visait qu'à l'évincer et que la communauté d'agglomération Amiens métropole a en fait cherché à recruter quelqu'un d'autre. D'une part, il n'est pas établi que la fiche de poste de son emploi ait fait l'objet d'une publication aux fins de recruter une personne sur l'emploi qu'il occupait. D'autre part, si la communauté a publié en juin 2017, postérieurement à son licenciement du 11 mars 2017, une annonce relative au recrutement pour un poste d'archéologue, il s'agit en réalité d'un recrutement pour un seul chantier de fouilles, d'un archéologue médiéviste, spécialité autre que celle de l'intéressé, et en remplacement temporaire, d'une agente en congé maternité. Par suite, le moyen tiré par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération du 4 juillet 2016 du conseil de la communauté d'agglomération Amiens métropole ayant prononcé la suppression du poste d'archéologue spécialité " Antiquité " doit être écarté.
11. Pas plus en appel qu'en première instance, M. B... n'apporte de précision sur ses engagements et la supposée discrimination que traduirait la décision de le licencier. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. Eu égard à ce qui a été dit aux points 10 et 11, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée de détournement de pouvoir doit être écarté.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral :
13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision prononçant le licenciement de M. B... n'est pas illégale. Par suite en l'absence de tout agissement fautif de la communauté d'agglomération Amiens métropole, les conclusions indemnitaires de M B... doivent être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande. Doivent par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La présente instance n'ayant engendré aucun dépens, les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Amiens métropole aux entiers dépens doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... représentant M. A... B..., et à Me C... représentant la communauté d'agglomération Amiens métropole.
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N°19DA02723