I. Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2021 sous le n°21DA00131, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.
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II. Par une requête enregistrée le 21 janvier 2021 sous le n°21DA00132, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Rouen le 17 décembre 2020 sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian né le 28 février 1976, serait entré en France en septembre 2015 selon ses déclarations. Le 31 août 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 novembre 2017, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour sans l'assortir d'une mesure d'éloignement. Le 6 mars 2020, M. B... a, à nouveau, sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 juin 2020, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 515-1 du code civil : " Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... réside sur le territoire depuis au moins quatre années à la date de la décision contestée. Il a conclu un pacte civil de solidarité le 19 mai 2017 avec une compatriote, en situation régulière sur le territoire et qui dispose d'un contrat à durée indéterminée à temps complet dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes depuis le 13 mai 2019. Un enfant est né de leur union le 14 juin 2016. Si le préfet soutient que la réalité de la communauté de vie serait récente et n'existerait, que depuis septembre 2019, aucun élément versé au dossier ne corrobore le fait que le couple ne partagerait pas une vie commune alors que le couple a déclaré la même adresse, à la naissance de leur fille. Cette même adresse est également inscrite sur la carte d'admission à l'aide médicale d'état de M. B..., valable entre 2016 et 2020. Il ressort également de diverses attestations et, en particulier de celle du directeur de l'école fréquentée par la fille de M. B..., que ce dernier l'accompagne régulièrement à l'école avec ponctualité. Dans ces conditions, la décision contestée a porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 5 juin 2020.
Sur la requête n°21DA00132 :
5. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 21DA00132 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n°21DA00131 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°21DA00132 tendant au sursis à l'exécution du jugement.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me A... C... pour M. D... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°s21DA00131, 21DA00132
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N°"Numéro"