3°) d'enjoindre au préfet, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, d'enregistrer sa demande d'asile sous la même condition de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou subsidiairement, de mettre à la charge de l'Etat cette même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 13 février 1998, a déposé une demande d'asile en France le 4 octobre 2018. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été relevées en tant que demandeur d'asile en Italie le 15 janvier 2015 et en Allemagne le 7 juin 2016. Les autorités italiennes, saisies par la France, ont implicitement donné leur accord à une reprise en charge tandis que les autorités allemandes ont explicitement accepté de reprendre en charge M. A... sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 10 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de l'intéressé vers l'Allemagne. M. A... relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, qu'il a énoncé dans les visas du jugement. Toutefois, le magistrat n'était pas tenu de répondre à ce moyen, qui est inopérant à l'encontre de la décision de transfert. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier, pour ce motif, doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert :
3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée. / (...)".
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. Ainsi, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
6. L'arrêté en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce que la consultation du fichier " Eurodac " fait apparaître que M. A... a présenté une demande d'asile en Italie puis en Allemagne, préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, que les autorités allemandes ont été saisies le 8 octobre 2018 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que ces autorités ont explicitement donné leur accord le 16 octobre 2018 en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde avec une précision suffisante pour permettre à M. A... de comprendre les motifs de la décision et, le cas échéant, d'exercer utilement son recours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.
7. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles le préfet transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes de l'Etat qui s'est reconnu responsable de l'examen de sa demande.
8. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " 1. Chaque État membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. Les Etats membres veillent à ce qu'elles disposent des ressources nécessaires pour l'accomplissement de leur mission et, notamment, pour répondre dans les délais prévus aux demandes d'informations, ainsi qu'aux requêtes aux fins de prise en charge et de reprise en charge des demandeurs. / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 4. Lorsqu'une autorité est désignée (...), les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive. / (...) ".
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel le 4 octobre 2018 dans des conditions garantissant la confidentialité, qui s'est déroulé en langue française, et à l'occasion duquel il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. A... a, en outre, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier, en toute connaissance de cause, la portée de ces informations avant le 10 janvier 2019, date à laquelle la préfète de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités allemandes, et de la possibilité de formuler des observations. Si M. A... se borne à soutenir, de façon générale, que la manière dont les entretiens individuels sont menés révèle un manque de formation des agents quant à leur mission de détermination de l'État responsable d'une demande d'asile en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que l'analyse de la teneur du compte rendu de l'entretien mené montre au contraire qu'il a été interrogé et a pu s'exprimer sur les aspects pertinents de sa situation de demandeur d'asile, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les dispositions précitées de l'article 35 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 auraient été méconnues. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
10. D'autre part, M. A... soutient que le paragraphe 4 de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui impose aux Etats membres de former les agents qui instruisent les demandes d'asile et de s'assurer qu'ils disposent des connaissances appropriées s'agissant de la mise en oeuvre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, n'a pas fait l'objet, dans le délai imparti, d'une transposition suffisante en droit interne, faute de dispositions nationales précisant que l'entretien individuel est mené par une " personne qualifiée en vertu du droit national " disposant " des connaissances appropriées " ou ayant reçu la " formation nécessaire pour remplir ses obligations ". Toutefois, les articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 cités au point 8 comportent des dispositions identiques qui sont directement applicables en droit interne. Par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
11. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une première demande de protection internationale le 15 janvier 2015 en Italie, puis une seconde en Allemagne le 7 juin 2016. Il n'est pas établi que les autorités allemandes auraient alors sollicité les autorités italiennes en vue de sa reprise en charge. D'ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont explicitement accepté de le reprendre en charge sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement qui prévoit la reprise en charge des demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée et qui ont présenté une demande auprès d'un autre Etat membre. Dans ces conditions, l'Allemagne est responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. A... sans que le requérant puisse utilement faire valoir qu'il a déposé une première d'asile en Italie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3-2 et 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
13. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen personnalisé de la situation de M. A.... Quand bien même l'intéressé a indiqué vouloir rester en France " avec sa fiancée ", la préfète n'a pas, pour autant, commis d'erreur de fait en indiquant que M. A... était célibataire.
14. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
15. Les moyens tirés de ce que la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en refusant de faire usage de la clause discrétionnaire, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... peuvent être écartés, par adoption des motifs retenus, à bon droit par le premier juge.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA00530
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