Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2017, MmeC..., représentée par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 21 mars 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 28 juillet 2016 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, sous la même astreinte par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation ;
5°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la légalité du refus de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : "1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. / (...) / 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : / (...) / d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / (...) " et qu'aux termes de l'article R. 121-6 de ce code : " I.-Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : / (...) / 2° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employés pendant plus d'un an et se sont fait enregistrer en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent ; / 3° S'ils entreprennent une formation professionnelle, devant être en lien avec l'activité professionnelle antérieure à moins d'avoir été mis involontairement au chômage. / II.-Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois : / 1° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté à la fin de leur contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ; / 2° S'ils sont involontairement privés d'emploi dans les douze premiers mois qui suivent la conclusion de leur contrat de travail et sont enregistrés en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent. " ;
2. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 , telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans ses deux arrêts du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes ; que, pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'Etat membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné ; qu'en conséquence, et conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice dans son arrêt du 17 septembre 2002 (C 413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale, tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un citoyen de l'Union européenne ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions, alternatives, exigées à cet article, au nombre desquelles figure l'exercice d'une activité professionnelle en France ; que, par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle en France doit être regardée comme satisfaite si cette activité est réelle et effective, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires ;
4. Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier et notamment d'un certificat de travail délivré le 31 octobre 2015 par une société exploitant un salon de coiffure à Rouen, que MmeC..., ressortissante néerlandaise d'origine tchadienne, a été employée en tant que coiffeuse par cette société du 1er juillet 2015 au 31 octobre 2015, l'intéressée n'a ainsi exercé cette activité professionnelle que durant quatre mois ; qu'en admettant même qu'entrée sur le territoire français en 2013 en compagnie de ses deux enfants en bas âge, nés en 2009 et en 2011, qu'elle élève seule, il lui aurait été difficile, comme elle le soutient, de trouver un emploi durable jusqu'à ce que son second enfant soit admis, en septembre 2016, à l'école maternelle, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que MmeC..., qui n'a plus travaillé depuis lors, bénéficierait de perspectives précises d'insertion professionnelle ; qu'elle ne produit, en outre, aucun élément de nature à lui permettre de justifier d'une recherche active d'emploi, sa seule inscription, à compter de septembre 2016, en préparation du diplôme universitaire de langue française niveau A2 ne pouvant suffire à cet égard ; qu'ainsi, comme l'a retenu à juste titre le tribunal administratif de Rouen, la seule activité professionnelle que Mme C...a exercée depuis son arrivée sur le territoire français, laquelle est au demeurant sans lien avec le diplôme d'assistante administrative qu'elle a obtenu aux Pays-Bas, présente un caractère purement marginal et accessoire ne lui permettant pas de prétendre au bénéfice des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni, plus généralement, de se prévaloir de la qualité de travailleur migrant au sens et pour l'application des dispositions et principes rappelés aux points 1 et 2 ; qu'il suit de là que le moyen tiré par la requérante de ce que, pour refuser, par l'arrêté du 28 juillet 2016 en litige, de l'admettre au séjour, la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu ces principes et ces dispositions, en particulier celles de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du 5 avril 2011, de même que celles du 1° du II de l'article R. 121-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont issues de la transposition de l'article 7 de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004, doit être écarté ;
5. Considérant que MmeC..., qui, comme il a été dit, est entrée sur le territoire français en 2013, se prévaut de la présence auprès d'elle de ses deux enfants mineurs, qui sont scolarisés en France, respectivement en école maternelle et en école primaire, et fait état de ce que son frère, qui a résidé un temps sur le territoire français avant son arrivée puis est retourné vivre au Tchad, lui apporte un soutien financier régulier, ce dont elle justifie par la production d'une attestation de l'intéressé et par des relevés de compte bancaire ; qu'il est toutefois constant que MmeC..., qui est séparée de son époux néerlandais, ne peut bénéficier, comme il a été dit au point 4, d'un droit au séjour en France au titre de l'activité professionnelle ; que vivant seule avec ses deux enfants et ne faisant état d'aucune relation particulière sur le territoire français, elle n'établit, ni même n'allègue, être dépourvue d'attaches familiales aux Pays-Bas, dont elle possède la nationalité, et au Tchad, son pays d'origine, où réside son frère ; qu'elle n'invoque, en outre, aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce qu'elle puisse s'installer avec ses enfants dans l'un ou l'autre de ces pays, ni que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité ; que, dans ces circonstances, eu égard à la faible ancienneté et aux conditions irrégulières du séjour de Mme C...et compte-tenu de ce que cette dernière n'a pu justifier d'aucune perspective d'insertion professionnelle, pour refuser, par l'arrêté du 28 juillet 2016 en litige, de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, dès lors, cette décision n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces cironstances, pour prendre cette décision, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que cet acte emporte sur la situation personnelle de l'intéressée ;
6. Considérant qu'aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
7. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 5, s'agissant notamment de la possibilité pour Mme C...de se réinstaller aux Pays-Bas, dont elle possède la nationalité, ou au Tchad, son pays d'origine, avec ses deux enfants mineurs, qui seront à même d'y poursuivre leur scolarité, respectivement en école primaire et en école maternelle, il n'est pas établi que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, la préfète de la Seine-Maritime aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ses enfants, ni qu'elle aurait, par suite, méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 7 que le refus de délivrance de titre de séjour prononcé, par l'arrêté en litige, à l'encontre de Mme C...n'est entaché d'aucune des illégalités invoquées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dont est assorti ce refus devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de celui-ci ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de ce que la décision obligeant Mme C...à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés ;
10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de ce que, pour obliger Mme C...à quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime aurait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance des stipulations, rappelées au point 6, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que l'obligation de quitter le territoire français prononcée, par l'arrêté en litige, à l'encontre de Mme C...n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement, pour l'exécution de laquelle elle a été prise, doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction assortie d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
1
2
N°17DA00917