Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2017, M.A..., représenté par Me Norbert Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 17 février 2017, en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 29 décembre 2016 ;
2°) à titre principal, de constater que cet arrêté a été abrogé, à titre subsidiaire, de l'annuler pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant afghan, a sollicité, le 11 octobre 2016 à Calais, la protection des autorités françaises au titre de l'asile ; qu'une consultation du fichier Eurodac ayant toutefois révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avait été prélevées par les autorités hongroises, puis par les autorités norvégiennes, le préfet du Pas-de-Calais a saisi, le 21 novembre 2016, les autorités norvégiennes d'une demande de reprise en charge ; que celles-ci ayant expressément fait connaître leur accord le 25 novembre 2016, le préfet a pris, le 29 décembre 2016, un arrêté prescrivant le transfert de M. A...en Norvège, mais qui n'a pas d'emblée été notifié à l'intéressé ; que le préfet a, ensuite, pris le 23 janvier 2017, un autre arrêté prescrivant le transfert de l'intéressé en Hongrie, mais l'a retiré le même jour par un arrêté qui a été notifié à M. A...le 26 janvier 2017 ; que, le 30 janvier 2017, M. A...a reçu notification de l'arrêté du 29 décembre 2016 prescrivant son transfert en Norvège ; qu'il relève appel du jugement du 17 février 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'après avoir estimé que ses conclusions tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 23 janvier 2017 étaient irrecevables comme dépourvues d'objet, il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2016 ;
Sur la régularité du jugement attaqué et sur l'intérêt du litige :
2. Considérant que, si, comme il a été dit au point précédent, le préfet du Pas-de-Calais, a pris, le 23 janvier 2017, soit à une date à laquelle son précédent arrêté du 29 décembre 2016 n'avait pas encore été notifié à M. A..., un autre arrêté prescrivant le transfert de l'intéressé vers le territoire d'un autre Etat, l'intervention de ce second acte n'a pu, faute pour ce dernier de comporter une disposition expresse en ce sens, avoir par elle-même pour effet d'abroger l'arrêté initial du 29 décembre 2016, qui est demeuré dans l'ordonnancement juridique, quand bien même il n'a été rendu opposable à l'intéressé qu'à la date de sa notification à celui-ci le 30 janvier 2017 ; qu'il suit de là que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille aurait entaché son jugement d'irrégularité pour avoir statué à tort sur des conclusions dépourvues d'objet ; qu'en outre, ces conclusions n'ont pas davantage perdu leur objet en cause d'appel ;
Sur la légalité de l'arrêté du 29 décembre 2016 en litige :
3. Considérant qu'il résulte de l'examen des motifs de cet arrêté que ceux-ci énoncent, sous le visa du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les empreintes digitales de M.A..., ressortissant afghan qui a formé une demande d'asile en France, ont été enregistrées le 18 août 2015 par les autorités hongroises, sous le numéro HU 2 440038117437, et le 26 août 2015 par les autorités norvégiennes, sous le numéro NO 1 96201518623603, que ces dernières autorités, saisies le 21 novembre 2016 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, ont fait connaître leur accord le 25 novembre 2016, qu'elles doivent être regardées comme responsables de l'instruction de la demande d'asile de M. A... et qu'après examen des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de ce dernier, celui-ci ne relève pas des dérogations prévues au 2 de l'article 3 et à l'article 17 du règlement et son transfert vers la Norvège ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, si ces motifs mentionnent ainsi expressément que les empreintes digitales de M. A... ont été successivement prélevées par les autorités de la Hongrie puis par celles de la Norvège, ils ne comportent, en revanche, l'énoncé d'aucune circonstance de nature à justifier que l'hypothèse d'un transfert vers la Hongrie, Etat membre sur le territoire duquel l'intéressé avait initialement pénétré dans des conditions irrégulières et qui avait pourtant donné un accord implicite à sa reprise en charge, ait été abandonnée, ni ne permettent à eux seuls, alors même que la mention du code attribué par les autorités norvégiennes révèle que M. A...a déposé une demande d'asile dans ce pays, d'identifier celui des critères prévus par le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Pas-de-Calais a entendu faire application pour désigner la Norvège comme le pays vers lequel M. A... pourra être transféré ; que, par suite, les motifs figurant dans l'arrêté contesté ne peuvent être regardés comme comportant, comme l'exige l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert en litige ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement du 17 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2016 du préfet du Pas-de-Calais prescrivant son transfert en Norvège ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt, qui annule, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 décembre 2016 du préfet du Pas-de-Calais prescrivant le transfert de M. A...en Norvège, au motif que cet arrêté est insuffisamment motivé, implique nécessairement que, comme l'intéressé le demande, le préfet du Pas-de-Calais se livre à un nouvel examen de sa situation ; qu'il y a lieu d'impartir, pour ce faire, à cette autorité, un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Norbert Clément, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 17 février 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2016 du préfet du Pas-de-Calais prescrivant le transfert de l'intéressé en Norvège, et cet arrêté sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Norbert Clément, avocat de M.A..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Norbert Clément.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.
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N°17DA01002
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