Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2017, le préfet du Nord, représenté par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.D..., ressortissant mongol né le 14 novembre 1990, entré irrégulièrement sur le territoire français, a déposé le 1er décembre 2016 une demande d'asile à la préfecture du Nord ; qu'après consultation du système Visabio, il est apparu, durant l'instruction de sa demande, qu'il est entré sur le territoire français sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa, délivré par les autorités tchèques, périmé depuis moins de six mois à la date de l'introduction de sa demande d'asile en France ; que le préfet du Nord relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 14 septembre 2017 ordonnant le transfert de M. D...aux autorités tchèques et l'assignant à résidence ;
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., qui a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture du Nord, le 1er décembre 2016, s'est vu remettre, le même jour, deux brochures d'informations en anglais, la brochure dite " A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' ", et une brochure dite " B " intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ainsi que le guide du demandeur d'asile en France en langue mongole, langue qu'il a attestée comprendre lors de l'entretien individuel du 2 janvier 2017 ; que les deux brochures d'information, qui portent la mention que l'intéressé atteste comprendre l'anglais, ont été signées par M. D...lors de leur remise ; qu'il n'a ainsi pas été privé, dans les circonstances de l'espèce, de la garantie instituée par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, dès lors, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé, pour annuler son arrêté du 14 septembre 2017, sur le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prescrites par l'article 4 du règlement précité ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif ;
Sur la décision de transfert aux autorités tchèques :
5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel de M. D...s'est déroulé au sein de la préfecture du Nord le 2 janvier 2017 et qu'il était assisté d'un interprète en langue mongole ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par le préfet du Nord manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; et qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé des enfants du requérant les empêcherait de voyager jusqu'en République Tchèque ou que leurs pathologies ne pourraient pas être prises en charge dans ce pays ; que par suite, la décision contestée n'entraîne ni un risque pour la santé des enfants ni une séparation de ceux-ci d'avec leur famille ; que, par suite, en décidant de prononcer le transfert de M. D...aux autorités tchèques, le préfet du Nord n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
8. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet du Nord énonce les éléments relatifs à la situation personnelle et administrative de M. D...; que, dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé ;
9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 à 7, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait entaché la décision litigieuse d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D...et de ses enfants doit être écarté ;
Sur la décision portant assignation à résidence :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités tchèques ;
11. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; / (...) " ;
12. Considérant que l'assignation à résidence de M. D...a été prononcée aux motifs qu'il justifiait d'un domicile et que l'exécution de la décision de réadmission était une perspective raisonnable ; que, par suite, en assignant l'intéressé à résidence, le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 12, l'arrêté du 14 septembre 2017 par lequel le préfet du Nord a assigné à résidence M. D...pour une durée de quarante-cinq jours n'est pas entaché d'illégalité ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 14 septembre 2017 ordonnant le transfert de M. D...aux autorités tchèques et l'assignant à résidence ; que, dès lors, la demande que M. D...a présentée au tribunal administratif de Lille doit être rejetée ; qu'il en est de même des conclusions qu'il présente en cause d'appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La requête de M. D...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.F..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me B...E....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
1
2
N°17DA02100