Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 18 janvier 2016 en tant qu'il a annulé sa décision de transfert de M. A...aux autorités bulgare, hongroise, italienne, helvète ou allemande ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 2016 fixant le pays de destination et le plaçant en rétention administrative.
Elle soutient que :
- l'article 6 de l'arrêté préfectoral n° 2015-10-158 du 22 décembre 2015 régulièrement publié au Recueil des actes administratifs spécial du département n° 85 a donné délégation de signature à M. D...C...à effet de signer notamment les décisions relatives aux mesures d'éloignement prévues aux articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été régulièrement communiquée à M. A...qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de l'interpellation de M.A..., ressortissant afghan, le 10 janvier 2016 sur le site du tunnel sous la Manche, la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que celui-ci avait été identifié en Bulgarie le 1er décembre 2014, en Hongrie le 5 janvier 2015, en Italie le 28 janvier 2015, en Suisse le 25 février 2015 et en Allemagne le 30 avril 2015 ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 18 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 12 janvier 2016 en tant qu'il a décidé le transfert de M.A..., aux autorités bulgare, hongroise, italienne, helvète ou allemande et a rejeté le surplus des conclusions du requérant ;
2. Considérant qu'eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier ; que, par un arrêté n° 2015-10-158 du 22 décembre 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais n° 85 spécial du 22 décembre 2015, M. D...C..., chef de la section éloignement, a reçu délégation de la préfète du Pas-de-Calais, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux mesures d'éloignement prévues aux articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, au motif de l'incompétence de son auteur, annulé l'arrêté du 12 janvier 2016 de la préfète du Pas-de-Calais en tant qu'il a décidé le transfert de M. A... aux autorités bulgare, hongroise, italienne, helvète ou allemande ;
3. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.A..., devant le tribunal administratif de Lille ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
4. Considérant qu'aux termes des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, susvisé : " Chapitre II - Principes généraux et garanties (...). Article 3. - Accès à la procédure d'examen d'une demande de protection internationale. / 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...). " ; Chapitre III - Critères de détermination de l'Etat membre responsable (...). Article 7. - Hiérarchie des critères. / 1. Les critères de détermination de l'Etat membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre (...). Article 13. - Entrée et/ou séjour. / 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...). "
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, et particulièrement de l'article 7 de ce règlement, que celui a fixé une hiérarchie des critères destinés à déterminer l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ; que, par suite, en se bornant à retenir que l'intéressé pourrait être remis aux autorités bulgare, hongroise, italienne, helvète ou allemande, sans faire application des critères ainsi définis, la préfète du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions précitées ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 12 janvier 2016 en tant qu'il a annulé sa décision de transfert de M. A...aux autorités bulgare, hongroise, italienne, helvète ou allemande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de
La formation de jugement,
Signé : O. NIZET Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
1
2
N°16DA00979
1
5
N°"Numéro"