Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2016 la préfète du Pas-de-Calais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 juin 2016 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter les conclusions de M. A...devant le tribunal administratif de Lille ;
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, le délai d'appel n'ayant pas couru du fait d'une absence de notification du jugement ;
- les allégations de M. A...ne sont pas assorties de précisions suffisantes ; il n'établit pas le caractère réel et personnel des risques encourus en cas retour au Soudan du Nord ;
- l'autorité préfectoral peut désigner la région d'un pays vers lequel l'étranger pourra être renvoyé ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à M.A..., lequel n'a pas été produit de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 30 mai 2016 par les services de la police nationale, dans la zone d'accès restreint du port de Calais, M. A... se disant M. D...et ressortissant du Soudan du Nord, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant exclusivement l'état de Khartoum, au Soudan du Nord comme pays de destination de la mesure d'éloignement et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 3 juin 2016 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan du Nord comme pays de destination de M. A...;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments ;
3. Considérant que M. A...a fait valoir devant les premiers juges qu'il était originaire d'un village proche d'Al Fasher au Darfour et qu'il appartenait à l'ethnie non arabe Zaghawa, persécutée au Darfour et dans d'autres régions du Soudan du Nord ; que toutefois, lors de son audition du 30 mai 2016 par un agent de police judiciaire, préalablement au prononcé de la décision en litige, il a refusé de répondre à l'ensemble des questions posées, notamment sur son identité, sa date de naissance et sa situation personnelle ; que, M. A...qui n'a pas indiqué son identité et n'a pu justifier de sa nationalité, n'a apporté aucun élément suffisamment précis et probant au soutien de ses allégations ; qu'il ne démontre pas la réalité de risques personnels, directs et certains ou appartenir à l'ethnie Zaghawa ou à une autre ethnie qui serait particulièrement menacée par les autorités du Soudan du Nord ou les milices qui leur sont affidées ; que M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il serait exposé à une menace grave en cas de retour au Soudan du Nord où dans l'état de Khartoum ; que la préfète du Pas-de-Calais, qui n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, par l'article 1er du jugement attaqué, a prononcé l'annulation, au motif de la méconnaissance de ces stipulations, de la décision fixant le pays à destination duquel M. A...sera éloigné ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de cette décision ;
5. Considérant que par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;
6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...est éloigné, qui vise les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision contestée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la décision attaquée ne prendrait pas suffisamment en compte la situation personnelle de l'intéressé, alors qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point 3, M. A...a refusé de répondre à l'ensemble des questions qui lui étaient posées par les services de police concernant son identité, sa date de naissance et sa situation personnelle ;
7. Considérant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ; que M. A... n'a pas produit à hauteur d'appel d'éléments nouveaux de fait ou de droit ; que dans ces circonstances, il y a lieu d'adopter les motifs retenus a bon droit, sur ce point, par le jugement attaqué ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné devra être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 30 mai 2016 en tant qu'il fixe le Soudan du Nord comme pays de destination de M. A...;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 3 juin 2016 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...se disant M. D...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 30 mai 2016 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...se disant M. D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de
la formation de jugement,
Signé : O. NIZET Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA01822
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