Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2016, la préfète de Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter la demande de Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen.
Elle soutient que :
- l'administration a établi la réalité d'une possibilité de traitement du diabète en Mongolie ;
- son mémoire de première instance établit la légalité de son arrêté du 25 janvier 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2017, MmeB..., représentée par Me C...A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou à défaut, dans le cas où seul un moyen d'illégalité externe serait retenu, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif est fondé ;
- l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé n'est pas produit ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'articler L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé n'est pas produit ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
2. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
4. Considérant que, par un avis rendu le 14 août 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a estimé que l'état de santé de Mme D...B..., ressortissante de Mongolie, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas dans ce pays de traitement approprié à cet état de santé ; que la préfète de la Seine-Maritime, qui n'était pas liée par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif de l'existence d'un traitement approprié dans ce pays ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme B...souffre de diabète de type 1 compliqué de néphropathie incipiens et d'hypertension nécessitant un traitement composé de Rampiril pour l'hypertension, de Lantus (insuline glargine) et de Novorapid (insuline aspart) pour son diabète ; que la préfète de Seine-Maritime établit, en cause d'appel, au moyen des fiches du bureau des conseillers médicaux du ministère néerlandais de l'intérieur produites par le conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France, la disponibilité de ces deux derniers médicaments en Mongolie, l'insuline glargine étant disponible sous forme d'insuline determir, médicament similaire ; que la disponibilité du Rampiril est également établie sous forme d'Enalapril ; que, dans ces conditions, la préfète a pu légalement s'écarter de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'au demeurant, Mme B..., arrivée en France en 2013, était soignée depuis 2007 pour ces pathologies dans son pays d'origine ; que, dès lors, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeB... devant la juridiction administrative ;
Sur la légalité de la décision du refus de titre de séjour :
7. Considérant, ainsi qu'il est dit au point 4, qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie a effectivement été rendu le 14 août 2015 ; que le moyen tiré de son absence manque en fait et doit être écarté ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., née le 25 octobre 1970, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 20 février 2013 ; qu'elle a fait l'objet dès le 14 mai 2013 d'un refus d'admission au séjour au motif qu'elle était ressortissante d'un pays sûr ; qu'elle n'a résidé en France que le temps de l'instruction de sa demande d'asile, rejetée le 29 août 2014 ; qu'elle a fait l'objet le 22 décembre 2014 d'un arrêté l'obligeant à quitter le territoire dont la légalité a été confirmée par un jugement du 16 juin 2015 du tribunal administratif de Rouen ; que sa demande d'asile avait entre temps été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mai 2015 ; qu'elle n'établit pas être particulièrement intégrée dans la société française ; que son mari et ses deux enfants majeurs résident toujours en Mongolie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans ; que, par suite, eu égard aux conditions de son séjour, la décision en litige n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de MmeB... ;
9. Considérant que si Mme B...se prévaut de risques de persécutions encourus dans son pays, de son état de santé et de son insertion dans la société française, la réalité de ces éléments ne ressort pas des pièces du dossier ; que, par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à Mme B...une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...ne peut soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
11. Considérant qu'en application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ; que cette décision, qui vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B...; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement manque en fait ;
12. Considérant qu'ainsi qu'il l'est dit aux points 4 et 7, le moyen tiré de l'absence d'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie manque en fait et doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui est énoncé au point 5, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme B...ne peuvent qu'être écartés ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeB... ne peut soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
16. Considérant que les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement ; qu'en revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté attaqué précise la nationalité de MmeB..., mentionne les décisions de rejet de sa demande d'asile et énonce que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
18. Considérant, ainsi qu'il est dit au point 8, que MmeB..., dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a, au demeurant, été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 août 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mai 2015, ne démontre pas, qu'elle serait personnellement exposée à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 25 janvier 2016 ; que les conclusions présentées en appel par Mme B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1602109 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La requête de Mme B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...B...et à Me C...A....
Copie en sera adressée à la préfète de Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 15 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Nizet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉ Le président de
la formation de jugement,
Signé : O. NIZET Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA01993
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