Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2017, M. E...A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du dispositif de ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer une attestation constatant le dépôt d'une demande d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me D...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur l'appel principal de M. A...:
1. L'arrêté du 24 juillet 2016 par lequel le préfet du Nord a décidé la remise de M. A...aux autorités italiennes a été signé " pour le préfet, p/ le secrétaire général et le secrétaire général adjoint, et le directeur de l'immigration et de l'intégration empêchés, l'adjointe au directeur, HélèneC... ". Mme C...était compétente pour signer cet arrêté en vertu d'un arrêté du 4 mai 2016, publié le même jour au recueil n°124 des actes administratifs de la préfecture du Nord. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit, par suite, être écarté.
2. L'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
3. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est vu délivrer, le 29 mars 2016, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile, une attestation de demande d'asile " procédure Dublin ". Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 741-1 et L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait et doit donc, en tout état de cause, être écarté.
5. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui a sollicité la protection internationale de la France, a bénéficié d'un entretien individuel en préfecture du Nord le 28 avril 2016 en langue française, langue qu'il a déclaré comprendre. A cette occasion il s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information " A " relative à la détermination de l'Etat responsable et une brochure " B " concernant la " procédure Dublin " du règlement (UE) n° 604/2013 comportant les informations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 précité doit donc être écarté.
7. Aux termes de l'article 5 - Entretien individuel - du règlement précité du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
8. Il ressort du compte-rendu produit au dossier, signé par l'intéressé, que M. A...a bénéficié, le 28 avril 2016, d'un entretien individuel répondant aux exigences de l'article 5 du règlement précité. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.
9. M. A...ne peut utilement faire valoir, à l'encontre de l'arrêté contesté, que les autorités italiennes auraient méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en le contraignant à une prise de ses empreintes digitales, ce qu'il ne démontre au demeurant pas.
10. D'une part, aux termes de l'article 53-1 de la Constitution : " La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. / Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". D'autre part, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 précité : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ".
11. Il ressort de la lecture de l'arrêté en litige que le préfet du Nord a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé et a relevé expressément que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation ne relevait pas des dérogations prévues par les articles 16 et 17 du règlement n°604/2013. Le préfet a ainsi examiné la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressé, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Le moyen tiré de ce que le préfet du Nord n'aurait pas examiné s'il pouvait être fait application de la faculté prévue par les dispositions précitées doit, par suite, être écarté.
12. Aux termes de l'article 3 - Accès à la procédure d'examen d'une demande de protection internationale - du règlement précité du 26 juin 2013 : " (...) / 2. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. / (...) ".
13. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
14. En se bornant à faire état de documents à caractère général et de quelques articles de presse, M. A...n'établit pas que la situation générale en Italie ne permettrait pas d'y assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile et que sa réadmission vers ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Il ne fournit aucune précision ni aucun élément sur le séjour qu'il a effectué en Italie avant de se rendre en France ou sur les difficultés qu'il aurait rencontrées dans ce pays. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
15. A la date de l'arrêté attaqué, M. A...n'était en France que depuis quelques mois seulement. Par suite, et au regard de ce qui a également été dit aux points 13 et 14, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n°604/2013.
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Selon les stipulations de l'article 5 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. / (...) ".
17. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de celles produites par le requérant, que la liberté et la sûreté de M. A...seraient menacées en cas de remise aux autorités italiennes. Les risques de torture ou de traitements inhumains ou dégradants allégués ne sont pas davantage établis. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point 16 doit, par suite, être écarté.
18. Si M. A...soutient ne pas avoir été informé par le préfet qu'il avait droit à des conditions matérielles d'accueil dès l'introduction de sa demande d'asile et jusqu'à son transfert effectif, et expose n'avoir bénéficié ni d'un hébergement ni d'une allocation temporaire d'attente, dont le montant serait par ailleurs notoirement insuffisant pour lui permettre de satisfaire ses besoins élémentaires, à savoir la nourriture, l'habillement et le logement, l'ensemble de ces circonstances, à les supposer même établies, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 18 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2016 portant remise aux autorités italiennes. Par voie de conséquence, les autres conclusions présentées en appel par M. A...doivent également être rejetées.
Sur l'appel incident du préfet du Nord :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
21. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à juste titre, rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2016 du préfet du Nord. L'Etat n'étant pas la partie perdante à cette instance, c'est par suite à tort que, par l'article 3 de ce même jugement, il a mis à la charge de l'Etat la somme de 400 euros à verser à Me D...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle. Le préfet du Nord est par suite fondé à demander l'annulation de l'article 3 du jugement du 9 septembre 2016 et le rejet des conclusions de M. A...de première instance présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement du 9 septembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel de M. A...ainsi que ses conclusions de première instance présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
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N°17DA00285