Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2017, la SAS Nord Implant, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 31 janvier 2017 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée Nord Implant, qui exerçait une activité d'achat et de revente de prothèses médicales, était détenue, à hauteur de 99% de son capital, par la société anonyme Imp Invest, qui appartenait elle-même pour partie au groupe Aston, principal fournisseur de la SAS Nord Implant. Cette dernière a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, période étendue jusqu'au 30 novembre 2010 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. Des rectifications ont été envisagées par le service à l'issue de ce contrôle, en matière de bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés, et ont été portées à la connaissance de la SAS Nord Implant. Celle-ci relève appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Pour asseoir les rehaussements en litige, l'administration a notamment réintégré au résultat imposable de la SAS Nord Implant des charges exceptionnelles inscrites dans sa comptabilité au titre de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 105 160 euros, et trouvant leur origine dans des détournements de fonds pratiqués par une salariée de la SA Imp Invest qui était mise à sa disposition pour exercer des fonctions d'assistante de direction. Ce rehaussement a eu pour conséquence une annulation de déficits reportables qu'elle avait imputés sur le résultat de l'exercice clos en 2010.
Sur le caractère déductible des sommes enregistrées en charge exceptionnelle :
3. En vertu du I de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction, notamment, des charges de toute nature qui seraient exposées au cours de l'exercice considéré ou qui lui serait rattachables, en particulier de celles qui ne se rapportent pas à la gestion courante de l'entreprise. Au nombre de ces charges exceptionnelles peuvent figurer les sommes correspondant à des détournements de fonds commis par un salarié de l'entreprise, s'ils ont été commis à l'insu des dirigeants de celle-ci. Il en va toutefois autrement si, par leur carence manifeste dans l'organisation de l'entreprise et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, les dirigeants ont été à l'origine, directe ou indirecte, des détournements en cause.
4. Il résulte de l'instruction que l'assistante de direction de la SAS Nord Implant, à qui incombait, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, de tenir la comptabilité de l'entreprise, bénéficiait, depuis de nombreuses années, d'une procuration sur les comptes bancaires ouverts au nom de la société, qu'elle avait la disposition des chéquiers correspondants et qu'elle effectuait elle-même l'ensemble des remises de chèques auprès des établissements bancaires. L'intéressée a fait usage des facilités qui lui avaient été ainsi consenties pour émettre, durant une période couvrant les années 2007 à 2009, de nombreux chèques dont les souches ne présentaient aucun libellé ou comportaient la mention d'une annulation ou encore précisaient qu'ils correspondaient à des paiements de fournisseurs réguliers de l'entreprise, lesquels étaient pourtant habituellement payés par virement bancaire. A la suite d'investigations conduites auprès des fournisseurs à la fin de l'année 2009, à la demande du commissaire aux comptes de la société, qui estimait ne pas disposer des éléments suffisants à lui permettre de certifier les comptes de l'exercice 2008, il est apparu que ces chèques avaient, en réalité, été encaissés par leur émettrice.
5. Si les graves difficultés de santé rencontrées, au cours des années vérifiées, par le dirigeant de la SAS Nord Implant peuvent expliquer qu'il ait été alors moins présent au sein de l'entreprise, elles ne peuvent justifier que l'assistante de direction ait pu ainsi se voir confier, depuis une date antérieure à ces difficultés, une procuration illimitée lui permettant de mouvementer librement les comptes bancaires de la société et qui a conduit à ce qu'elle puisse, dès l'année 2007, détourner régulièrement des sommes au détriment de celle-ci. En outre, il n'est pas contesté qu'aucun contrôle interne de la comptabilité et des états de rapprochements bancaires tenus par l'intéressée ni même aucune procédure de recoupement des enregistrements et états avec les informations détenues par le directeur des ventes et par le gestionnaire des stocks n'avaient été mis en place. Le fait que ces personnes exerçaient leurs fonctions au sein d'une petite entreprise, qui ne comptait que quatre salariés, ne peut suffire à justifier qu'aucun recoupement ni aucune procédure de validation des paiements par chèque n'aient été mis en place. De même, la seule circonstance que l'assistante de direction n'était pas employée par la SAS Nord Implant, mais seulement mise à sa disposition par la SA Imp Invest, n'ôtait pas à son dirigeant, qui était au demeurant celui des deux sociétés, son pouvoir d'organisation générale de l'entreprise. Ainsi, les détournements commis par cette collaboratrice, qui ont seulement pu être mis à jour par un tiers, n'ont été rendus possibles, qui plus est sur une durée d'au moins trois années, qu'en raison de carences manifestes affectant les modes d'organisation de l'entreprise et d'exercice du contrôle interne. Par suite, et alors au demeurant que la SAS Nord Implant n'a déposé une plainte pénale à l'encontre de cette assistante de direction que le 13 juillet 2011, soit près de deux ans après la découverte des détournements dont celle-ci s'est rendue coupable, l'administration a pu valablement remettre en cause la déduction, au titre de l'exercice clos en 2009, des sommes portées à ce titre en charge exceptionnelle, après avoir estimé qu'elles procédaient d'un acte anormal de gestion, et en titrer les conséquences en ce qui concerne le déficit que la SAS Nord Implant entendait reporter sur l'exercice clos l'année suivante.
Sur la demande de compensation :
6. En vertu de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, le contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification peut bénéficier d'une compensation, dans les conditions prévues par les deux articles précédents du même livre, lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition.
7. Il résulte de l'instruction que la SAS Nord Implant a perçu, au cours de l'année 2006, une somme de 110 967 euros à titre d'indemnité d'éviction, pour avoir été contrainte de libérer un local qu'elle occupait à Lens dans le cadre d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Ayant estimé pouvoir bénéficier, en ce qui concerne cette somme, du régime fiscal des plus-values à court terme, elle a intégré, au résultat de l'exercice comptable clos en 2006, une somme de 10 967 euros et, au résultat de chacun des trois exercices suivants, une somme de 10 000 euros. Le vérificateur a remis en cause le bénéfice de ce régime et préconisé une taxation de cette somme en tant que produit exceptionnel au titre de l'exercice clos en 2008 assortie d'un dégrèvement à hauteur de 10 000 euros sur l'exercice clos en 2009. Toutefois, le rehaussement ainsi envisagé a été abandonné au vu de la réponse apportée par le contribuable à la proposition de rectification.
8. La SAS Nord Implant a sollicité, dans le cadre de la compensation prévue par les dispositions, rappelées au point 6, de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, une réduction de 10 000 euros de son résultat imposable des exercices clos en 2008 à 2010. Elle fait valoir à cet égard l'erreur commise en 2006 en traitant l'indemnité d'éviction comme une plus value. Toutefois, pour imposer cette indemnité d'éviction, l'administration qui n'a finalement pas procédé à la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire, s'est bornée à maintenir une imposition sur les plus values étalée sur dix ans. Dans ces conditions, l'imposition en cause ne saurait être regardée comme opérant une surtaxe par rapport à la situation fiscale définitivement acquise après la prescription de l'exercice 2006, exercice au cours duquel l'indemnité en cause avait été perçue. Dès lors, n'ayant subi aucune surtaxe ni aucune double imposition au sens des dispositions précitées de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la SAS Nord Implant ne peut prétendre, sur leur fondement, à la compensation qu'elle sollicite. L'administration a ainsi pu, à bon droit et sans méconnaître les règles afférentes à la prescription, lui en refuser le bénéfice.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Nord Implant n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, sans que, dans ces conditions, l'examen de la fin de non recevoir opposée en défense par le ministre ne soit nécessaire. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Nord Implant est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Nord Implant et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA00619
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